J. Lewandowski : « L’Europe a un besoin criant d’investissements pour sortir de la crise »

, par Lucas Buthion

J. Lewandowski : « L'Europe a un besoin criant d'investissements pour sortir de la crise »
Janusz Lewandowski, membre de la CE chargé de la Programmation financière et du Budget © Services audiovisuels de la Commission européenne

A quelques jours d’un sommet européen des chefs d’Etats consacré au futur budget de l’Union européenne pour la période 2014-2020, le Commissaire européen au budget Janusz Lewandowski livre au Taurillon son éclairage sur les enjeux qui entourent ces négociations cruciales pour l’avenir de l’Union.

Le Taurillon : Le sommet européen des 22 et 23 novembre dernier consacré au futur cadre budgétaire de l’Union s’est soldé par un échec, les chefs d’Etat n’étant pas parvenus à un accord. Comment aviez-vous réagi aux propositions d’Herman Van Rompuy, base de la négociation, réduisant le budget à 973 milliards d’euros ?

Janusz Lewandowski : Je ne dirais pas que le sommet de novembre dernier était un échec. Bien sûr, j’aurais préféré un accord immédiatement, mais cela ne semblait pas possible sur le moment. Dès lors il était sage de se donner deux mois pour réfléchir, discuter, explorer, afin que le sommet des 7 et 8 février ait de bonnes chances d’aboutir.

Sommes-nous contents que le Président du Conseil européen suggère de réduire de quelque 60 milliards d’euro notre proposition ? Non bien sûr. Notre proposition, de juin 2011, constituait un gel par rapport aux plafonds de 2013, la dernière année de la période financière actuelle, et je persiste à croire qu’un gel de ces plafonds, alors qu’à l’avenir l’UE aura beaucoup plus de compétences, de tâches et de nouveaux Etats membres, constitue une proposition vraiment raisonnable.

Pour le reste, pour la substance des propositions de Herman van Rompuy, je suis relativement rassuré : l’architecture de sa proposition reflète celle de notre proposition et la majorité de nos suggestions sont reprises, telles celles sur de nouveaux moyens de financement du budget de l’UE, celle sur la simplification des mécanismes de correction ou encore sur une meilleure gestion des programmes financés par l’UE.

Le Taurillon : Les chiffres en jeu, représentant 1,01% du PIB européen, ne sont-ils pas quoi qu’il en soit dérisoires au vu des défis que l’UE devra relever dans la décennie à venir ?

Janusz Lewandowski : Dérisoire, c’est le mot. Souvent les gens pensent que le budget de l’Union européenne l’est parce qu’ils voient les chiffres dans l’absolu. Quand vous entendez que le budget annuel est d’un peu plus de 100 milliards d’euros, vous comparez instinctivement cette somme à vos finances personnelles, c’est normal, c’est humain. Mais comme vous l’indiquez, le budget de l’Union ne représente qu’1% de la richesse totale produite par les 27 Etats Membres. Du coup, quand on se dispute sur un rabais ici, une diminution des frais administratifs là, on discute en fait une fraction d’1% de la richesse annuelle des Etats Membres…

En outre, ce pourcentage est en constante régression. Il y a peu, le budget de l’UE représentait 1.2% du PIB européen, demain, il risque de représenter 1%. En d’autres mots, le budget de l’UE coûte de moins en moins aux Etats Membres par rapport à leur richesse, et en dépit du fait que ces mêmes Etats Membres ont décidé, depuis les négociations sur le cadre actuel 2007-2013, d’accueillir 13 nouveaux membres qui tous coûtent plus au budget de l’UE qu’ils y contribuent, décidé aussi que l’UE devra dorénavant assurer de nouvelles tâches en matière d’énergie, de justice, d’immigration, de surveillance des banques, surveillance des budgets nationaux, etc.

Le Taurillon : Alain Lamassoure dénonçait en octobre dernier le risque de faillite des programmes européens de mobilité et de formation tout au long de la vie. Où en est-on aujourd’hui ? Quelles sont donc les propositions de la Commission pour promouvoir le sentiment européen chez les jeunes, sur le long-terme ?

Janusz Lewandowski : Un accord est intervenu à la fin de 2012 entre le Conseil, le Parlement et la Commission pour assurer le financement du programme ERASMUS jusque en 2013. Par contre, sur le long terme rien n’est assuré. La crise économique et financière pousse les Etats Membres à chercher des économies partout ; certains d’entre eux réclament donc des coupes dans le budget de l’UE. Personnellement, je ne suis pas convaincu que c’est une bonne idée : le budget de l’UE constitue un moyen d’investir dans la recherche, l’éducation, l’infrastructure, et pour sortir de cette crise, l’Europe a un besoin criant d’investissements.

Notre proposition pour la période financière 2014-2020 comprenait une augmentation de près de 70% dans l’éducation et la culture. Je suis en effet particulièrement inquiet du taux de chômage chez les jeunes Européens, jusque 50% dans certains pays. Je ne veux pas d’une "génération perdue" en Europe, nous devons investir dans la jeunesse via le programme ERASMUS et d’autres qui fournissent à nos jeunes l’expérience et les connaissances nécessaires pour se trouver un emploi.

Le Taurillon : L’idée d’une « Europe à plusieurs vitesses » semble faire son chemin depuis plusieurs mois pour sortir de la paralysie institutionnelle actuelle, avec une Eurozone dotée d’un budget propre, noyau dur d’une Union fédérale. Cette solution vous semble t-elle viable ? La Commission planche t-elle sur cette alternative ?

Janusz Lewandowski : Je ne parlerais pas d’Europe à Plusieurs vitesses. L’Euro est la monnaie de l’Union européenne et la zone euro n’est pas un club fermé : tous les Etats membres ont vocation à la rejoindre à l’exception des pays qui ont souhaité rester en dehors de l’Union monétaire avant l’adoption du Traité de Maastricht. Cependant, la réponse à la crise, à cette crise financière sans précédent, est justement une intégration économique et monétaire approfondie. C’est tous ensemble que nous devons aller plus loin mais pas à n’importe quel rythme.

La Commission a présenté un document en novembre dernier, qui expose justement nos pistes de réflexion quant à cet approfondissement. La dynamique du projet européen se veut le plus inclusive possible. D’ailleurs dans ce texte, il n’est pas question d’un budget pour l’Eurozone, mais d’un "instrument de convergence et de compétitivité". Cet instrument qui ferait partie intégrante du budget de l’Union pourrait accompagner la mise en œuvre de réformes structurelles dans les pays de la zone euro afin que leurs économies renouent avec la compétitivité. Il va de soi que nous ne pourrons travailler sur les modalités d’un tel instrument qu’après l’adoption du cadre budgétaire multi-annuel.

Le Taurillon : Le budget est toujours le reflet d’une vision politique…Aussi, selon vous, quelle serait la forme de « l’Union européenne idéale » en 2020, issue du cadre budgétaire actuellement en débat ? Reprenez-vous à votre compte la formule de « fédération d’Etats-nations » exprimée par le José Manuel Barroso en septembre ?

Janusz Lewandowski : Il serait tentant de répondre que ma vision « idéale » de l’UE de demain se trouve dans notre proposition originale de juin 2011, mais ce ne serait pas tout à fait juste puisque la proposition de la Commission se devait d’être pragmatique, réaliste plutôt qu’idéaliste.

Pour moi, le budget communautaire idéal à l’avenir devrait être avant tout plus simple et plus flexible. Il y a trop de mécanismes de correction, trop de règles obscures et d’exceptions à la règle dans trop de domaine. Il nous faut aussi plus de flexibilité vu que les futurs montants seront en toute probabilité réduits. Permettre de transférer plus facilement des sommes d’une partie du budget à une autre, d’une année sur l’autre serait plus qu’utile pour compenser la réduction des moyens financiers.

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