Alain Rousset présente l’action européenne de la région Aquitaine

Interview d’Alain Rousset, président de la région Aquitaine, député de la Gironde et président de l’association des régions de France

, par Audrey Levoux, Yohan Baril

Alain Rousset présente l'action européenne de la région Aquitaine

Coopération transfrontalière, gestion des fonds structurels, poids des régions dans l’Union européenne : le président socialiste de la région Aquitaine revient sur l’action européenne de sa région.

Yohan Baril : La Région Aquitaine n’est pas géographiquement au cœur de l’Europe. Qu’est-ce qui cependant, selon vous, fait de l’Aquitaine un pôle d’attractivité de dimension européenne ? Une coopération transrégionale serait-elle un moyen envisageable de renforcer cette dimension européenne ?

Alain Rousset : L’Aquitaine dispose de nombreux atouts qui en font une des régions les plus attractives d’Europe, notamment grâce à sa position de carrefour entre le nord et le sud, un environnement riche et préservé et une économie dynamique reposant à la fois sur des spécialisations industrielles traditionnelles (agro-alimentaires, bois, aéronautique et espace, chimie pharmacie) et sur des filières innovantes comme le laser et optique, les biotechnologies, les éco-activités et les nouveaux matériaux. Parce que l’innovation est la clé du succès des entreprises, la Région consacre plus de 8% de son budget à la recherche et à l’innovation et se place ainsi en tête des régions françaises. C’est une des premières en terme d’attractivité des investissements étrangers.

La coopération entre régions est de ce fait un excellent moyen de renforcer notre positionnement européen. Depuis de nombreuses années l’Aquitaine s’inscrit dans ces dynamiques de partenariat tant au niveau transfrontalier, du massif pyrénéen, que de l’espace atlantique. Le 30 novembre dernier, j’ai signé avec Patxi LOPEZ le Lehendakari d’Euskadi [1]. une déclaration commune qui nous engage dans la création d’une Euro-région afin de contribuer à la mise en place d’un grand espace de relations, d’échanges et de projets communs ayant une place significative en Europe.

Par ailleurs l’Aquitaine est très présente dans des réseaux qui réunissent des régions aux intérêts communs comme dans l’aéronautique, la viticulture, les fruits et légumes, les produits d’origine, la recherche-innovation. Elle a également signé des accords de coopération bilatéraux favorisant les échanges et l’émergence de projets communs. C’est le cas avec les Lander de Hesse et Hambourg en Allemagne, l’Emilie Romagne en Italie et Galati en Roumanie.

Audrey Levoux : Au titre de la programmation 2007-2013, la Région Aquitaine va bénéficier de 579 M€ d’aides financières des différents fonds structurels de l’UE. Quelles utilisations la Région a-t-elle fait de ces aides dans le passé et quels grands projets futurs sont appelés à bénéficier du cofinancement de l’UE ?

Alain Rousset : Au total c’est 730 millions d’euros sur la période 2007/2013 que les fonds européens consacreront à l’Aquitaine : 392 millions titre du Fonds Européen de Développement Régional (FEDER), 187 millions du Fonds Social Européen (FSE), 174 millions du Fonds Européen Agricole de Développement Rural (FEADER) et 5 millions du Fonds européen pour la Pêche (FEP).

Une part importante de la gestion de ces montants est déléguée au Conseil Régional notamment en ce qui concerne le FEDER pour le soutien aux projets de recherche finalisée et à l’innovation dans les entreprises, pour le FEADER, l’aide aux secteurs agro-alimentaire et à une agriculture de qualité, et pour le FSE, la formation des salariés dans le contexte de mutations économiques.

Sur la précédente période, 2000/2006, les fonds européens ont permis en Aquitaine de soutenir près de 11.000 projets, soit 12.000 emplois créés, plus de 3.200 entreprises bénéficiaires, 840 dotations jeunes entrepreneurs et dotations nouvelles entreprises, des actions de formation pour plus de 55.000 bénéficiaires, principalement dans les territoires les plus fragiles.

Pour la période actuelle, les priorités des fonds européens répondent aux objectifs de la stratégie de Lisbonne pour la croissance et l’emploi et aux préoccupations environnementales et de développement durable de la stratégie de Göteborg.

Ainsi depuis le début 2007, l’Union Européenne a déjà soutenu en Aquitaine près de 6.000 projets liés à l’innovation et au développement durable pour un montant de plus de 233 M€, dont 128 M€ au titre de l’année 2009.

A titre d’exemple on peut citer l’exemple de l’appel à projets Eco-Innovation destiné à renforcer l’offre de services, de technologies et d’équipement qui ont vocation à mesurer, prévenir, limiter et corriger les atteintes à l’environnement : plus de 130 entreprises aquitaines ont déjà reçu plus de 12 millions d’euros dans le cadre de 3 éditions de cet appels à projets.

On peut citer également le soutien à un projet au profit de la lutte contre le diabète porté par l’Université de Bordeaux 2 et le CHU et qui consiste à mener un programme de recherche dans le domaine de la délivrance d’insuline "intelligente", asservie automatiquement à la glycémie, permettant ainsi au patient de le délivrer des contraintes liées à sa maladie.

Yohan Baril : Notre Région bénéficie des fonds de la politique régionale européenne. De son côté, qu’est-ce que le Conseil Régional d’Aquitaine met en œuvre pour contribuer à l’émergence d’une conscience européenne, d’un sentiment d’appartenance renforcé à l’Europe ?

Tout d’abord, en ayant mis en place à Bruxelles un Bureau Aquitain dont nous venons de fêter le 10ème anniversaire. C’est l’interface de la Région et de tous les acteurs aquitains auprès des institutions européennes que sont la Commission, le Parlement et le Comité des Régions.

Ensuite en favorisant la participation et l’implication des acteurs sociaux-économiques régionaux dans les réseaux de coopération interrégionale à l’échelle européenne. C’est le cas pour le vin, les produits d’origines, la santé, les fruits et légumes, la biodiversité, la jeunesse, la Recherche…

A travers Aquitaine Cap Mobilité la Région favorise la mobilité de tous les jeunes en Europe (apprentis, lycéens, étudiants, stagiaires de la formation professionnelle ou chercheurs d’emploi), que ce soit pour étudier, pour des stages ou pour accompagner des projets collectifs.

Enfin chaque année à l’occasion du Festival des Lycéens et Apprentis, qui réunit plus de 5000 jeunes, la Région soutient la création d’activités culturelles et citoyennes qui favorisent l’ouverture à l’autre, les échanges, les partenariats européens. En 2009 il y avait par exemple un orchestre de musique classique composé de jeunes musiciens venus de toute l’Europe pour jouer ensemble en Aquitaine.

Audrey Levoux : En tant que Président de l’Association des Régions de France, considérez-vous que l’expérimentation du transfert de l’autorité de gestion des fonds structurels de l’Etat à la Région Alsace soit concluante ? Et pensez-vous que la réforme en cours des collectivités territoriales pourrait être propice à un renforcement du poids des Régions françaises en Europe ?

Alain Rousset : Les lois de décentralisation ont donné aux Conseils régionaux des responsabilités importantes en matière de développement économique, de formation professionnelle et d’aménagement du territoire. Ces domaines d’intervention sont aussi les principaux domaines d’intervention des fonds européens. Nous sommes dès lors devenus les premiers co-financeurs de ces projets, les premiers animateurs sur le terrain, alors que l’Etat se désengageait dans le même temps.

La logique voudrait qu’à l’instar de l’Alsace, les autres régions puissent obtenir la gestion complète des programmes européens. L’expérience alsacienne tout comme celle des subventions globales, cette gestion déléguée aux régions d’une part de l’enveloppe, est à ce titre concluante. En dissociant les acteurs de terrain, les animateurs de territoires et co-financeurs du gestionnaire qu’est l’État, on complexifie des procédures qui n’en ont vraiment pas besoin.

Cette lourdeur administrative inutile est d’autant plus préoccupante que la gestion des fonds européens nécessite, de plus en plus, une réactivité et une capacité d’adaptation rapide à des évolutions du contexte socioéconomique. Ainsi, dans le domaine des aides aux entreprises, la gestion par les Conseils régionaux a permis de substituer une instruction unique par la Région permettant de mobiliser l’ensemble des financements publics disponibles, aux trois instructions distinctes et parfois contradictoires menées auparavant par des services différents pour le FEDER, les fonds d’Etat, et les fonds Région.

Pourtant, ce n’est pas la voie empruntée aujourd’hui. Je suis particulièrement inquiet du projet de réforme des collectivités territoriale qui, au lieu de renforcer le rôle des Régions en leur donnant les moyens juridiques et financiers de jouer à égalité avec leurs homologues européennes, on revient 30 ans en arrière, au temps de l’établissement public régional des années 1970.

Yohan Baril : Comment qualifieriez-vous aujourd’hui les relations entre les institutions européennes et les Régions ? Le Comité des Régions, dont vous êtes membre, vous paraît-il être aujourd’hui un organe pertinent et efficient de représentation de leurs intérêts ?

Alain Rousset : Initiative de Jacques Delors, Le Comité des Régions créé en 1994 à la suite de l’adoption du Traité de Maastricht n’a certes qu’un rôle consultatif mais il représente réellement les intérêts locaux et régionaux dans le processus législatif et décisionnel de l’Union Européenne. Le Comité a notamment ces dernières années renforcé ses relations avec le Parlement en développant des avis de prospective et des études d’impact pour les projets de nouvelles politiques touchant aux territoires. Il est aussi devenu un espace de concertation et un catalyseur politique en organisant 2 à 3 fois par an des « dialogues structurés » entre la Commission et les principales associations de collectivités locales européennes avec lesquelles des actions conjointes sont organisées. C’est notamment le cas avec la Conférence des Régions Périphériques et Maritimes (CRPM) dans laquelle la Région Aquitaine est fortement impliquée.

Pour autant, la nature de la représentation des collectivités reste très disparate entre niveaux communal, départemental et régional, ce qui nuit à mon sens à un poids politique fort de cette instance.

Audrey Levoux : La Région Île-de-France plaide pour un renforcement du rôle des Régions à Copenhague. Comment voyez-vous le rôle des Régions, et de l’Aquitaine en particulier, dans le combat contre le changement climatique, politique sur laquelle l’Union européenne souhaite être exemplaire ?

Alain Rousset : De par leurs compétences les régions sont déjà totalement investies dans ce combat et investissement massivement à la fois pour la préservation des ressources naturelles mais aussi pour le développement économique durable. Elles ont également un rôle d’incitateur et d’exemplarité. Ainsi le Conseil Régional d’Aquitaine a été la première région française à obtenir la certification ISO 14001.

L’engagement de notre collectivité dans la lutte contre le réchauffement climatique se concrétise par de multiples actions comme l’adoption d’un plan climat dès 2007 avec des objectifs ambitieux de réduction de CO², la construction de lycées et de bâtiments HQE et à énergie positive, des aides aux énergies renouvelables, des achats éco-responsables, des investissements massifs dans les TER, dans la future LGV [2], ou en faisant le pari du ferroutage pour faciliter le report de la route vers le rail. Au total, pour toutes les régions, c’est plus de 8.000 millions d’euros investis dans le rail pour la seule année 2008. L’Aquitaine s’est fixée pour objectif de diminuer de 10 % ses émissions de CO² à l’horizon 2013 [3] et a décidé la création d’un fonds régional de compensation carbone destiné à compenser les émissions de gaz à effet de serre qui ne pourront être évitées.

Voir aussi le site Europe en Aquitaine

Illustration : Portrait d’Alain Rousset

Source : alainrousset.net

Notes

[1Le président du gouvernement basque, ndlr.

[2La ligne à grande vitesse (LGV) en question est la LGV Sud Europe Atlantique qui reliera en 2020 Bordeaux à l’Espagne (axe Madrid-Victoria-Bordeaux-Tours-Paris)

[3la référence est l’année 2005 correspondant aux résultats de l’étude commandée au CITEPA par l’Ademe dans le cadre du Plan Climat Aquitain

Vos commentaires
  • Le 13 janvier 2010 à 05:49, par Martina Latina En réponse à : Alain Rousset présente l’action européenne de la région Aquitaine

    Merci pour la diffusion de cet entretien : il prouve que l’harmonisation européenne est non seulement nécessaire, mais surtout possible et féconde, qu’il s’agisse des EuroRégions, de projets communs, du FEDER, de médecine ou de musique, de gestion régionale des programmes européens ou de Développement Economique Durable.

    N’est-ce pas le « Cap Mobilité » qu’une jeune EUROPE est venue montrer sur un Taurillon millénaire pour sortir des prisons antiques et pour lancer la communication, nautique autant qu’alphabétique, vers l’EUROPE à naître d’est en ouest, au-delà de la mer comme de la peur, quand elle ouvrit certes symboliquement, mais définitivement, les perspectives offertes par son nom devenu nôtre de « VASTE VUE » ?

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