Le Taurillon : Vous animez avec l’Union pour l’Europe Fédérale (UEF) un atelier aux Etats Généraux de l’Europe. Quel en sera le thème ?
Fabien Chevalier : Le traité de Lisbonne est enfin entré en vigueur le 1er décembre 2009. Pour nous qui l’avons soutenu, c’est un soulagement plus qu’une victoire. En effet, si ce traité contient plusieurs avancées notables il ne saurait, en tout état de cause, à lui seul régler tous les problèmes.
Les principales difficultés persistent : disparition progressive de l’esprit communautaire au profit de l’intergouvernementalité, affaiblissement de l’idée d’une Europe politique, indifférence pour une Europe sociale. C’est pour cela que le thème de l’atelier sera « Lisbonne... et après ? ».
Le Taurillon : Peut-on avoir une Europe politique sans vrai budget ?
Fabien Chevalier : L’Europe patine alors que la peur du lendemain se dresse comme un horizon commun. On la regarde désormais comme un agent de précarisation des conditions de vie et de travail, aujourd’hui du fait de la crise économique et financière, hier comme cheval de Troie du libéralisme. Face à cela, les initiatives européennes, bien trop timides, ne relèvent plus guère que de la basse négociation intergouvernementale ou de la confection techniciste. Il manque une vision, une politique d’ensemble et d’avenir.
Aujourd’hui, le budget de l’Union européenne correspond à environ 1% de la richesse produite en Europe. Pour mener une politique réelle, il serait nécessaire de multiplier ces montants par 6 ou 7, de la même manière que le fit Roosevelt pour le budget fédéral américain. Car comment prétendre lutter contre les inégalités sociales, le réchauffement climatique, le chômage, avec le semblant de budget actuel ? Inutile ensuite de s’étonner des limites de l’action communautaire !
Le Taurillon : Peut-on continuer la construction de l’Europe sans clivage politique clair ?
Fabien Chevalier : Il y a l’Europe politique, celle des conférences intergouvernementales et des institutions communautaires. Nous devons lui ajouter une Europe de la politique, celle qui se décline dans le débat politique des citoyens, relevant de la mobilisation critique, de l’intervention démocratique à tous les niveaux. A l’échelon européen aussi, il doit exister une possibilité d’alternance politique. La pratique du compromis doit être mieux assumée. L’Europe a emprunté à ses Pères fondateurs un art consommé du consensus. Or, c’est une erreur désormais de confondre le consensus qui ne fait pas de politique et le compromis qui en fait, avec noblesse. Il faut politiser l’Europe car l’Europe souffre en fait de ne pas être perçue comme un enjeu politique essentiel à notre vie quotidienne, un espace démocratique de débat et de confrontations, un objet de mobilisation.
Et nous verrons sans nul doute, à l’occasion de cette dispute démocratique, s’opposer deux visions de l’Europe. Celle d’une Europe du marchandage entre Etats, limitée à une zone de libre-échange, et celle d’une Europe des citoyens, capable de mettre en place des régulations politiques, économiques et sociales.
Le Taurillon : Que représentent les Etats Généraux de l’Europe pour la société civile française ?
Fabien Chevalier : Il est nécessaire de bâtir un espace public européen en soutenant ou favorisant les initiatives citoyennes. C’est la reconnaissance mutuelle des peuples qui doit construire l’Europe démocratique et solidaire que nous voulons. Les EGE ont pris leur place dans ce processus.
1. Le 9 avril 2010 à 17:40, par Cédric En réponse à : « Au niveau européen, le consensus qui ne fait pas de politique est une erreur » pour Sauvons l’Europe
Très bon article. Et excellent titre.
Que dire de plus ?
Juste rappeler qu’on aimerait voir tous les partis européens faire des propositions concrètes et incarnées en 2014, pas juste les deux grandes formations de gouvernement.
Pourquoi tous ces partis qui présentent machinalement, tous les 5 ans, leurs candidats à la présidence de la République française, pour des résultats infinitésimaux, refusent-ils encore d’envisager une candidature à la présidence de la Commission en 2014 ?
Est-ce par simple fainéantise intellectuelle et organisationnelle ? ou est-ce par pur euromasochisme ?
Ajoutons à cette incohérence que pour une majorité de ces partis, la fonction même de Président, version Vème République, représente le Diable incarné, tandis que celle de Président de la Commission correspond plus à leurs schéma parlementariste.
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