Corruption au Parlement Européen : ce que nous dit ce scandale

, par Le Bureau national des Jeunes Européens - France

Corruption au Parlement Européen : ce que nous dit ce scandale

En plein traumatisme lié aux révélations de corruption de quelques députés, le Parlement européen se retrouve sous le feu des projecteurs quant à sa pratique du lobbying. Une occasion de rappeler quelques vérités et de formuler des propositions, pour faire à jamais de ces cas isolés une triste histoire révolue.

Le Sunday Times a encore frappé. Se faisant passer pour des lobbyistes, certains de ses journalistes sont parvenus à démontrer la possibilité de corrompre des membres du Parlement européen. Et cette nouvelle y a logiquement fait l’effet d’une bombe.

Trois députés se sont ainsi laissés piéger, acceptant rémunération contre dépôt d’amendement. Trois députés, et pas n’importe lesquels, puisqu’ils ont tous été ministres dans leurs pays : Adrian Severin, ancien Vice-Premier Ministre roumain, Ernst Strasser, ancien Ministre de l’Intérieur autrichien, Zoran Thaler, ancien Ministre des Affaires étrangères slovène. Pour une somme allant de 12 000 à 25 000€, ces trois personnalités ont donc accepté le déshonneur suprême pour tout parlementaire.

Les conséquences ont été immédiates. Deux d’entre eux ont renoncé à leur siège et sont rentrés chez eux. Quant à Adrian Severin, exclu de son groupe parlementaire, il a décidé de rester en poste, siégeant avec les non-inscrits, en attendant que le Président du Parlement européen Jerzy Buzek tente de la convaincre de partir.

Quelles leçons peut-on tirer de cette triste nouvelle ?

Premièrement, dire l’évidence : que cet acte est condamnable, détestable, dangereux, car il met en péril la crédibilité de la représentation politique, car il fragilise la légitimité de ses décisions, car il brise la confiance nécessaire à tout fonctionnement d’une assemblée.

Deuxièmement, s’inquiéter. S’inquiéter du discrédit porté sur une institution méconnue des citoyens, suspectée comme toute institution européenne de manque de transparence, de connivence. Espérer, sûrement en vain, qu’il n’accroîtra pas un peu plus l’éloignement des citoyens de leurs représentants européens. Remarquer, enfin, que cette affaire éclot d’un média ouvertement eurosceptique, si bien que l’on voit la simplicité des raisonnements en action, de la tentation, certes légitime mais un peu facile, de démontrer par la preuve l’existence d’un « tous pourris ».

Troisièmement, constater. Ce qui s’est passé au Parlement européen a déjà été révélé dans de nombreux Parlements des pays membres. Italie, France, Grande-Bretagne, Lituanie, la liste est longue des déshonneurs qui ont frappé des représentations nationales. Si bien qu’au-delà du cas d’une assemblée, c’est bien du rôle du lobbying, de sa place dans le débat public et de sa régulation qu’il est question, à Bruxelles comme ailleurs.

Quatrièmement, revendiquer. Affirmer que le lobbying fait partie de la vie démocratique, depuis toujours et pour toujours, que la volonté des acteurs de défendre leurs positions à ceux qui font la loi est une revendication légitime, incontournable, et même saine, à condition que les points de vue de chacun s’expriment dans un cadre commun à tous.

Cinquièmement, proposer. Pour ne plus jamais voir se reproduire une honte semblable, demander que la Commission lance une consultation européenne, auditionne les acteurs, prenne en compte leurs besoins et leurs exigences, pour émettre un Livre blanc de la pratique du lobbying en Europe, base d’une directive visant à affirmer pour chaque Etat une pratique exigeante et harmonisée. De nombreux acteurs ont d’ores et déjà fait part de nombreuses propositions, comme celle d’un système de lobbying commis d’office, qui permette à chacun de faire entendre son point de vue.

Quelles que soient les conséquences de ce triste cas révélé, faisons tout pour qu’il soit rapidement rendu impossible, et que chaque citoyen Européen puisse au plus vite bénéficier d’un système démocratique dont la pratique du lobbying serait régulée, harmonisée, apaisée. Au nom de la valeur la plus importante qui unit un citoyen à ceux qui le servent : la confiance.

Photo : « Hook hanging in fishbowl with goldfish » par Adam Gault, libre de droits

Vos commentaires
  • Le 29 mars 2011 à 09:56, par Sposhkiller En réponse à : Corruption au Parlement Européen : ce que nous dit ce scandale

    « que chaque citoyen Européen puisse au plus vite bénéficier d’un système démocratique dont la pratique du lobbying serait régulée, harmonisée, apaisée. »

    on y croit.

    mais alors dur comme fer.

    et le président de la commission européenne sera un bisounours.

  • Le 29 mars 2011 à 13:16, par C.H. En réponse à : Corruption au Parlement Européen : ce que nous dit ce scandale

    « Le pouvoir n’est rien, seul compte l’influence », disait Hérodote. Personne n’est infaillible, ne nous faisons pas d’illusions, de beaux discours sur l’honnêteté ne changerons pas la nature humaine. C’est en revanche une bonne chose que les trois députés impliqués aient servi d’exemple, car n’en déplaise à beaucoup, la peur de la répression est souvent bien plus efficace que de nobles sentiments. En ce qui concerne les lobbys, selon moi cette affaire leur amène plus d’inconvénients qu’autre chose, et c’est dans leur intérêt de montrer qu’ils désapprouvent ce genre de procédé. Mais d’ici à espérer que le ménage se fera de l’intérieur...

    Quoiqu’il en soit, les députés incriminés ont fait preuve d’une grave négligence (et d’un manque évident de clairvoyance en acceptant de l’argent de la part d’inconnus), ils ont été sanctionné à la mesure de leur faute.

  • Le 29 mars 2011 à 18:15, par Alexandrine Gauvin En réponse à : Corruption au Parlement Européen : ce que nous dit ce scandale

    Je félicite les auteurs de cet article de ne pas être tombés dans le piège facile du discours anti-lobbying. Le travail des lobbyistes est important, puisqu’on ne peut pas s’attendre à ce que les élus européens soient des experts dans tous les domaines et il est tout à fait justifié que les entités concernées par certains projets législatifs contribuent au processus de façon constructive. Ceci étant dit, j’appuie également le besoin d’extrême vigilance à l’égard de ceux-ci, la mise en place d’un système régulé pour le lobbying et je déplore les actes de corruption qui contribueront à alimenter l’euroscepticisme.

  • Le 29 mars 2011 à 19:38, par Valéry-Xavier Lentz En réponse à : Corruption au Parlement Européen : ce que nous dit ce scandale

    Vous oubliez surtout de condamner les pratiques absolument répugnantes de ces soi-disant journalistes. Comme le souligne Jean Quatremer sur son blog pour qu’il y ait corruption il faut qu’il y ait un corrompu et un corrupteur. Les agissements des corrupteurs sont ici tout aussi condamnables que celui des élus concernés.

    À partir de là vous avez raison d’affirmer que le lobbying fait partie de la vie démocratique : il s’agit ni plus ni moins que de permettre un dialogue entre la société et les élus politiques. Un dialogue plus formalisés serait en effet souhaitable afin que les intérêts ne disposant pas nécessairement des moyens nécessaires pour mener une politique de lobbying d’envergure puissent également être entendus. Nous, par exemple.

  • Le 9 avril 2011 à 09:05, par Joséphine P En réponse à : Corruption au Parlement Européen : ce que nous dit ce scandale

    Votre article commence bien mais accouche d’une minuscule souris : « un Livre blanc de la pratique du lobbying en Europe, base d’une directive visant à affirmer pour chaque Etat une pratique exigeante et harmonisée ».

    Cette proposition a pour seul mérite de souligner l’incroyable : eh oui, un tel texte n’existe même pas encore aujourd’hui ! Alors que les députés européens (comme les autres institutions communautaires) baignent dans les conflits d’intérêt.

    Mais la directive que vous proposez ne suffira évidemment pas à réformer une institution ashyxiée par son manque de légitimité, devenu gravissime depuis 2005. Contrairement à ce que vous dites, il y a plus encore de corruption au parlement européen que dans les parlements nationaux, pour des raisons évidentes : absence de comptes à rendre à l’électeur, opacité des procédures de décision, absence d’opinion publique européenne, entre autres.

    Tout cela finira très mal. Et ce sont les jeunes européens d’aujourd’hui qui en paieront le prix. Quelle honte et quelle tristesse.

    Quant au message dénonçant les pratiques des journalistes, il est éhonté : honneur aux journalistes qui font leur travail ; ils ne sont évidemment pas des « corrupteurs » qui ont fait trébucher de pauvres parlementaires naïfs ; ils sont des enquêteurs courageux qui mettent à jour l’avidité et le manque de tout sens moral de politiciens corrompus ; certes ce n’est pas la presse française qui aurait sorti un tel scoop !

  • Le 11 avril 2011 à 18:35, par Maïwenn En réponse à : Corruption au Parlement Européen : ce que nous dit ce scandale

    Ce phénomène n’est-il pas dû à un manque de prise au sérieux du mandat de député européen plutôt qu’au lobbying ? En effet, le cumul parfois possible des mandats ou bien même le manque de considération de certains élus européens propulsés au Parlement suite à un échec politique local et participant à des débats sans cesse plus techniques au sein des institutions, ne sont-ils pas le reflet d’une crise du politique au sein de l’Union Européenne laissant la porte ouverte à la corruption ?

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