Directive portuaire, Budget, Rapport Duff-Voggenhuber...

Garant de l’intérêt général, le Parlement européen se rebiffe !

C’est une poupée, qui dit non, non, non et puis... OUI !

, par David Soldini

Garant de l'intérêt général, le Parlement européen se rebiffe !

Le Parlement européen a fièrement affiché son indépendance à deux reprises, ces dernières heures, en disant non aux propositions du Conseil et de la Commission. Nouvelle démonstration que cette institution représente effectivement les citoyens européens...

Mais, loin de se contenter de mettre des bâtons dans les roues à des institutions européennes qui se montrent actuellement bien peu soucieuses des intérêts de l’Europe, le Parlement s’efforce de relancer le processus constitutionnel, conscient qu’il remplit ainsi son rôle de représentant du Peuple européen.

Les deux « NON » parlementaires concernent deux sujets brûlants : la libéralisation des services et le budget de l’Union.

NON à la directive de libéralisation des services portuaires.

La Commission avait proposé un projet de directive de libéralisation des services portuaires.

Ce projet de directive prévoyait, outre la libéralisation traditionnelle (nécessaire pour rendre possible la réalisation du marché unique et pour éliminer les discriminations entre européens), la libéralisation des différentes activités portuaires et la fin de l’organisation du travail portuaire dans le seul cadre du droit du travail national.

Cette proposition allait décidément trop loin. en effet, elle ne se limitait pas à faciliter l’européanisation de ces marchés : elle poussait à la déréglementation, sociale entre autre, de secteurs économiques qui -de par la pénibilité et la spécificité du travail effectué- nécessitent un traitement juridique particulier.

Ce sont ces considérations qui expliquent notamment la position des Libéraux, alliés de circonstance des Socialistes.

Mais n’en déplaise alors aux Communistes -français surtout- qui clamaient haut et fort que le Parlement européen, repère de lâches libéraux à la solde des intérêts des plus puissants, allait approuver massivement ce texte. Or le rejet a été massif.

NON au compromis budgétaire de décembre dernier.

Le second NON est un non plus fort encore. C’est un non aux Chefs d’Etats et de gouvernements, c’est un non à l’Europe des Etats, c’est un non à l’Europe des intérêts nationaux : c’est le non au budget.

Cet accord qui a tant secoué les médias, arraché après des réunions marathons sous la présidence du flamboyant Blair (qui n’a pu éviter de se montrer complètement exténué et vidé pendant ce round de négociations pour expliquer aux télévisions du monde entier à quel point cela était difficile...).

Ce compromis, acquis grâce aux efforts des plus pauvres, et grignotant si peu sur les intérêts des plus riches n’a pas été considéré par les eurodéputés comme susceptible de permettre le bon fonctionnement d’une Union forte et solidaire.

En exerçant son pouvoir de blocage le plus important, le Parlement montre son opposition actuelle aux décisions des gouvernements, plus soucieux de défendre leurs intérêts nationaux que de donner des moyens d’actions efficaces à l’Union.

La troisième décision -qu’il nous plait de commenter ici- continue dans cette même voie, bien qu’il s’agisse, cette fois-ci, d’une approbation.

OUI à la poursuite du processus constitutionnel !

Le Parlement européen a en effet approuvé le rapport Duff/Voggenhuber (du nom des deux rapporteurs du groupe, le libéral de Grande-Bretagne Andrew Duff et le vert autrichien Johannes Voggenhuber) sur la poursuite du processus constitutionnel.

Malgré les tentatives des extrémistes réunis, les Communistes alliés de circonstance des Souverainistes et de l’extrême droite nationaliste, le Parlement a voté en faveur de la poursuite du processus. Ainsi, il a refusé d’enterrer le texte du Traité constitutionnel que les Chefs d’Etats et de gouvernements voudraient, dans leur majorité, voir disparaître.

Le seul regret que nous puissions avoir est néanmoins la difficulté du Parlement à accepter l’idée qu’il faut dés à présent prévoir les modalités pratiques pour renforcer le texte constitutionnel et le modifier là où nécessaire. (Le rapport initial proposé par les rapporteurs prévoyait en effet la relance de la méthode conventionnelle constitutionnelle, en parallèle avec la poursuite du processus de ratification).

Les parlementaires ont préféré - pour marquer plus nettement leur positionnement en faveur du texte constitutionnel actuel et leur refus de tout abandon des procédures de ratification - la possibilité de prendre en compte les inquiétudes exprimées par les citoyens lors des votes négatifs en France et aux Pays Bas grâce à des protocoles annexés au texte constitutionnel.

La revanche d’un Parlement européen en devenir...

Ce qu’il convient cependant de souligner, c’est la revanche des parlementaires. Et celle, à travers eux, des citoyens européens.

Une revanche contre les récentes décisions et récentes affirmations inquiétantes des gouvernements européens.

Une revanche contre le statu quo imposé par la frigidité fébrile des gouvernants et contre le suivisme coupable de la Commission.

Mais une réaction en faveur de la relance d’une évolution nécessaire que l’Europe tarde à accomplir.

Bref : une évolution constitutionnelle qui signifie réappropriation du débat européen par les citoyens.

Réouvrir enfin le débat, grâce à la société civile :

Une saison de débat et de confrontation doit s’ouvrir.

Elle se doit d’être courte étant donné l’urgence des réformes, mais intense, puisque supposée combler le vide abyssal qui sépare encore l’Union de ses citoyens.

Le Parlement européen et les parlements nationaux doivent s’ouvrir au débat. Et la société civile doit être à l’avant-garde de ce mouvement.

La Convention des citoyens européens de Gêne (à laquelle a participé le co-rapporteur Andrew Duff) a déjà marqué une première étape significative.

Et c’est désormais aux institutions et aux hommes politiques de permettre l’approfondissement et la généralisation d’un authentique débat populaire, préalable nécessaire à la constitutionnalisation de l’Europe.

Photo : la bâtiment strasbourgeois du Parlement européen. (cc) Francois Schnell - Décembre 2005.

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Vos commentaires
  • Le 21 janvier 2006 à 11:05, par Valéry-Xavier Lentz En réponse à : Garant de l’intérêt général, le Parlement européen se rebiffe !

    On pourrait aussi mentionner les initiatives du PE contre l’homophobie ou sa commission d’enquête sur les activités de la CIA.

    En revanche le traitement médiatique des activités de nos élus reste disproportionné à son rôle :

     sur la directive portuaire : les télévisions ont largement montrées le jour même les manifestations des dockers, laissant du même coup penser que l’europe ultra-libérale s’en prennait à nouveau à de pauvres ouvriers. Les télés n’ont pas relayé de la même manière à ma connaissance le rejet du texte par le parlement pas plus que l’appartenance des principaux casseurs à l’extrême droite flamande.

     sur le budget : on se souvient des couvertures de journaux et des journaux télécouvrant le « sommet » avec moults commentaires sur les marchands de tapis - donnant une image déplorable de l’Europe - le rejet du budget par nos élus n’a pas donné lieu au dizième de cette couverture médiatique alors que l’événement est d’importance.

    Résultat : le Parlement remplis brillament son rôle mais les citoyens retiennent les marchands de tapis et les ouvriers menacés par l’ultralibéralisme bruxellois (on s’en fout que l’on soit à strasbourg).

  • Le 22 janvier 2006 à 19:33, par Schams En réponse à : Garant de l’intérêt général, le Parlement européen se rebiffe !

    La couverture médiatique pratiquement nulle du rejet du budget par le Parlement européen en dit beaucoup sur les médias (et la situation actuelle)..on pouvait difficilement faire pire. Rien à la télé, moyen d’information de loin le plus utilisé pour s’informer sur l’Europe. TF1, FR2, FR3, LCI La Chaine Info, Canal+Info, même LCP La Chaîne Parlementaire, certaines ont évoqué le refus (du projet) de directive portuaire, aucune la résolution du Parlement européen rejetant le budget proposé par le Conseil européen. Certes, le rejet du budget se soldera probablement par un budget presque identitique, mais il s’agit avant tout d’un message de désapprobation, qui a toute son importance.

    La résolution dit notamment que le Parlement européen relève que les conclusions du Conseil européen ne mettent pas l’accent "sur les politiques permettant à l’Union de relever les nouveaux défis et de développer la valeur ajoutée européenne pour les citoyens ; déplore par ailleurs que les États membres s’efforcent de préserver leurs intérêts nationaux plutôt que de favoriser la dimension européenne (...) « et » rejette la position commune du Conseil européen dans sa forme actuelle étant donné que celle-ci ne garantit pas un budget communautaire renforçant la prospérité, la compétitivité, la solidarité, la cohésion et la sécurité dans l’avenir (...)« , enfin que » cette position ne respecte pas les engagements pris à l’égard des nouveaux États membres (...)"

    Résolution : www.europarl.eu.int/omk/sipade3 ?PUBREF=-//EP//NONSGML+MOTION+B6-2006-0049+0+DOC+PDF+V0//FR&L=FR&LEVEL=1&NAV=S&LSTDOC=Y

    Voilà, regrets, regrets, mais espoirs aussi ! www.liberation.fr/page.php ?Article=352678 (interview de Cohn-Bendit dans Libération, 20 janvier, sur les plans B).. le jour où TF1 consacrera 5 minutes de son JT de 20h à l’interview d’un député européen, le monde sera vraiment plus beau.. (hors contexte de campagne référendaire..)

  • Le 25 janvier 2006 à 22:52, par Fabien En réponse à : Garant de l’intérêt général, le Parlement européen se rebiffe !

    Je me pose la question aussi de la compétence de nos amis journalistes sur l’Union Européenne... Les JE l’avaient pointée en ce qui concerne les hommes politiques. Cependant, il y a aussi un problème de relais clairement montré dans l’article de David entre ce qui se passe « là-bas » et comment nos hommes politiques réagissent derrière.

    Il est bizarre de se dire que le PS ou le PC pourrait se « glorifier » d’avoir gagné le recul sur ce projet grâce à leur vote.

    Plutôt silence radio depuis pourtant.

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