Jeunesse en Action, le programme européen d’éducation non formelle

Semaine préparatoire des Etats Généraux de l’Europe : « Quel pacte pour les Jeunes européens » ? 3/5

, par Fanny Dubray

Jeunesse en Action, le programme européen d'éducation non formelle
Youth on the move - The new initiative from the European Union, Copyright European Union

En 2010, dans le cadre de la stratégie économique « Europe 2020 », le Président de la Commission européenne Jose Manuel Barroso lance l’initiative « Jeunesse en mouvement », qui fait de la mobilité des jeunes Européens une priorité. L’objectif : permettre à une nouvelle génération d’Européens d’être plus mobiles, plus entreprenants, et donc plus résistants à la crise.

Trop peu connu du grand public, le programme « Jeunesse en Action » est l’un des instruments mis en place pour promouvoir la mobilité des jeunes en Europe. Ancienne stagiaire à la Direction générale de l’Education et de la Culture [1], Fanny Dubray revient sur ce programme.

Un programme européen multiforme

Mis en place en 2007 suite à une décision du Parlement européen et du Conseil des Ministres, « Jeunesse en Action » [2] est l’héritier des programmes «  Jeunesse pour l’Europe » (1989-1999) et « Jeunesse  » (2000-2006). Il s’agit d’un programme européen, c’est-à-dire un instrument géré par la Commission européenne et permettant de financer des projets transnationaux sur le budget de l’Union européenne.

Destiné aux personnes de 13 à 30 ans, il bénéficie d’un budget de 885 millions d’euros pour une période de sept ans. « Echanges de Jeunes », « Projets démocratie jeunesse », « Service volontaire européen »... il présente une grande variété d’activités pour les jeunes ou les animateurs de jeunesse. Ainsi, deux ensembles d’action se distinguent clairement.

Tout d’abord les financements en direction des jeunes Regroupant les actions « Service volontaire européen », « Jeunesse pour l’Europe  » et « Jeunesse dans le monde », le premier ensemble offre des possibilités de financement ponctuel. Parmi ces trois actions, la plus célèbre reste le « Service volontaire européen ». Celui-ci permet à un jeune de s’engager à plein temps dans une association pour une période de deux à douze mois.

L’enjeu : donner un coup de pouce aux associations, certes, mais surtout permettre aux jeunes de 18 à 30 ans de développer des compétences ainsi que des valeurs comme la solidarité ou l’engagement des citoyens. Les deux autres actions financent de leur côté des activités très diverses : les « échanges de jeunes  » accessibles à partir de 13 ans et destinés à favoriser le dialogue interculturel entre participants de plusieurs pays, les « initiatives de jeunes » ou encore les «  projets jeunesse pour la démocratie » qui permettent aux plus motivés de mener à terme leur propre projet.

Davantage destiné aux professionnels du secteur de la jeunesse (formateurs, responsables associatifs, acteurs politiques...), le second ensemble regroupe deux actions visant à susciter des évolutions structurelles dans ce domaine.  « Professionnalisation » et « Européanisation  » en sont les maîtres mots. La première action, intitulée « Système d’appui à la jeunesse », soutient des organismes actifs au niveau européen, comme le Forum européen de la jeunesse et participe à la formation des professionnels. La seconde vise à créer au niveau européen un «  dialogue structuré  » entre les acteurs de la jeunesse. A noter également l’existence d’un partenariat avec d’autres organisations comme le Conseil de l’Europe [1].

Le programme « Jeunesse en Action » valorise donc la participation volontaire et bénévole au fonctionnement de la société. Mais il défend également une certaine vision de l’éducation.

Son objectif : promouvoir l’éducation non formelle

Voisin des programmes de mobilité destinés aux élèves (Comenius), aux étudiants (Erasmus) ou aux travailleurs en formation (Leonardo), «  Jeunesse en Action » s’inscrit dans la grande famille des programmes de mobilité à visée éducative. En s’adressant à ceux qui souhaitent apprendre tout en agissant pour la société, il promeut une certaine forme d’apprentissage, encore peu reconnue : celle de l’éducation non formelle.

Distincte de l’éducation formelle (celle de l’école ou de l’université), de l’éducation informelle (ce que l’on apprend chaque jour, en dehors de tout cadre) et de la formation professionnelle, l’éducation non formelle « recouvre tous les programmes d’éducation individuelle et sociale destinés aux jeunes et visant à améliorer leurs aptitudes et compétences, en dehors du cursus éducatif officiel ». (Conseil de l’Europe, 2007 [3] ) :

Le mot est lâché : « compétence »

Traduction approximative de l’anglais skill, le terme de « compétence » associé à l’éducation non formelle s’oppose aux « connaissances » dispensées par le biais de l’éducation formelle. La promotion de l’éducation non formelle s’inscrit donc dans un débat plus large qui oppose deux philosophies de l’éducation.

La première, de tradition continentale, conçoit l’éducation comme un transfert de connaissances entre un professeur (celui qui sait) et un élève (celui qui apprend). La seconde, très présente dans le système éducatif britannique met l’accent sur l’acquisition de skills, catégorie très large comprenant savoir-faire (par la maîtrise de certaines techniques comme la technique de lecture) et savoir-être (compétences communicationnelles, compétences sociales...).

Si les experts peinent à s’accorder sur la supériorité de l’une ou de l’autre approche, leur complémentarité ne fait aucun doute. Le fait que l’approche « compétences » promue au niveau européen gagne du terrain au sein même d’une éducation formelle, autrefois basée sur le transfert de connaissances, témoigne cependant de l’influence croissante exercée par l’éducation non formelle.

Car l’éducation non formelle présente une autre caractéristique, non moins fondamentale : elle substitue au modèle vertical de l’enseignement magistral un autre modèle qui place l’individu apprenant au centre du processus d’apprentissage. Davantage intégré par le « professeur » à ce processus, l’ « élève » est amené à y prendre une part active. Au lieu d’apprendre en répétant, il apprend en faisant.

Si cette méthode semble extrêmement difficile à appliquer dans un cadre scolaire au programme et aux classes surchargés, elle fonctionne en revanche particulièrement bien dans le cadre de projets. La participation volontaire de chacun au travail collectif s’avère en effet extrêmement valorisante tant pour l’individu, qui y voit une occasion de mettre en avant ses propres qualités, que pour le groupe, qui bénéficie des divers apports individuels. L’ensemble est donc particulièrement bien adapté à l’éducation à la citoyenneté.

Citoyenneté et employabilité : un double impact

Chaque année, le programme Jeunesse en Action recense plus de 130 000 participants directs, ce qui représentera plus d’un million de bénéficiaires sur les sept années qu’aura duré le programme. Quel est l’impact de cette participation sur ceux qui en bénéficient ?

Clairement identifiable, le premier impact est de nature politique. En valorisant la « citoyenneté active », la « tolérance » ou encore la « compréhension mutuelle », le programme encourage l’engagement civique des jeunes, et plus particulièrement leur engagement européen. Une enquête commandée par les services de la Commission offre à cet égard des résultats intéressants.

Celle-ci montre en effet que 60% des bénéficiaires du programme ont accompli leur devoir de citoyen aux élections européennes de 2009, contre 43% de la population européenne et 29% des moins de 30 ans. Certes, ces chiffres impressionnants doivent être relativisés. En effet, comment s’assurer que ces personnes n’aient pas été sensibilisées avant de participer au programme ? La difficulté que rencontrent les publics les moins éduqués à y accéder, malgré le volontarisme des gestionnaires, laisse planer le doute. Les résultats affichés par cette enquête n’en demeurent pas moins extrêmement positifs.

Présente dès la mise en place du premier programme « Jeunesse », la question de l’employabilité des jeunes occupe une place croissante. Elle constitue d’abord, et de façon indéniable, un élément de justification politique pour les défenseurs du programme. En période de restrictions budgétaires, l’argument de l’emploi est de ceux qui font mouche dans l’esprit des décideurs.

Mais elle se veut également un élément de réponse à une demande sociale. Conscients des difficultés qu’ils rencontreront au moment de leur insertion sur le marché du travail, les jeunes Européens se soucient aujourd’hui d’avoir un CV « qui fait la différence ». Associant mobilité, formation sur le terrain et originalité, le programme européen d’éducation non formelle attire même les plus diplômés. Reste ensuite à faire reconnaître par les institutions universitaires, comme par les entreprises la valeur des compétences qu’ils ont acquises.

Ce glissement du souci d’éducation à la citoyenneté vers celui de l’employabilité des jeunes met en évidence l’existence d’une tension entre le monde du volontariat et celui de l’emploi. Il pose également un certain nombre de problèmes. Que devient l’enjeu de citoyenneté lorsque le but premier du volontaire est de parfaire son CV ? Sous prétexte de développer des compétences opérationnelles, ne risque-t-on pas de voir apparaître chez les entreprises ou les organismes bénéficiaires des pratiques de substitution ?

Le souci de ne pas faire du volontariat une alternative à l’emploi rémunéré est présent dès la mise en place du premier programme Jeunesse, comme en témoigne un document de travail du Parlement européen : « Le SVE, tel que l’a instauré la Commission, n’a pas pour but de se substituer à des emplois rémunérés, existants ou potentiels. [...] [Le Forum de la Jeunesse] souligne la nécessité que le programme ne devienne pas un instrument de dumping social, utilisé par les gouvernements des États membres pour chercher à atténuer les problèmes liés au chômage des jeunes. » La vigilance s’impose pour éviter de semblables dérives.

Outil de cohésion sociale et de participation, le programme « Jeunesse en Action » entend offrir à tous les jeunes l’occasion d’agir pour la société tout en augmentant leurs chances de trouver un emploi. Du haut de ses vingt-deux années d’expérience, le programme est confronté à deux défis.

Le premier consiste à étendre sa couverture tant sur le plan social que géographique. Il implique de renforcer le travail d’information.

Le second, plus complexe encore, est d’assurer une meilleure coordination du programme avec le monde du travail et celui de l’éducation, grâce à une meilleure reconnaissance des acquis de l’éducation non formelle. Faire de ce programme un véritable outil d’insertion sur le marché du travail, tel est l’ambitieux défi qu’il se pose aujourd’hui.

 Les Etats Généraux de l’Europe

 Article initialement paru en juin 2011.

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