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« L’Europe pour les Nuls » de Sylvie Goulard

Un livre pédagogique pour mieux comprendre l’Union européenne

, par Francis Fontaine

« L'Europe pour les Nuls » de Sylvie Goulard

Le talon d’Achille de l’Europe, au moins en France, c’est bien le peuple. L’élite éduquée et les minorités aisées ont voté massivement oui au référendum constitutionnel, tandis que les couches populaires ont largement opté pour le non. La faute aux « Nuls » qui nous gouvernent ?

En partie oui, mais ne rêvons pas : si Chirac avait été meilleur à la télé face au plateau de jeunes teigneux qu’il était censé convaincre, cela n’aurait pas suffi à changer le cours des choses. Le mal est plus profond : méconnaissance de l’Europe mal enseignée à l’école et mal expliquée dans les medias – et refus des réalités économiques et mondiales ancré dans l’histoire et l’inconscient collectif français.

Il est temps que l’Europe et la mondialisation cessent d’être seulement des sujets de cours de droit et d’économie ; le débat sur le rôle de la France dans l’Europe et dans le monde doit être porté sur la place publique et pas uniquement par les nostalgiques du collectivisme. Saluons donc la sortie de « L’Europe pour les Nuls » de la nouvelle présidente du Mouvement Européen France, décidément très active sur le front de l’édition, comme sur celui des medias.

A l’occasion du cinquantième anniversaire du traité de Rome, Sylvie Goulard publie chez « First » un ouvrage, qui, conformément à la formule bien connue de la collection « Pour les Nuls » se veut divertissant, et accessible à tous, et néanmoins sérieux et informatif.

D’abord l’Histoire, les principes et les institutions de l’Europe

« L’Europe pour les Nuls » s’ouvre par la genèse de l’idée européenne, brièvement retracée, et l’histoire de la communauté européenne, qui devait devenir l’Union. Cette première partie est riche en citations intéressantes et même parfois surprenantes.

La deuxième partie explique les principes qui ont présidé à la naissance de l’Europe. Les fondateurs ont inventé une nouvelle méthode de coopération qui requiert des efforts particuliers : privilégier l’intérêt européen commun, rejeter le nationalisme, ne pas faire de différences entre « grands » et « petits » Etats. Cette méthode a fait ses preuves mais elle a subi, et elle subit de plus en plus, la concurrence de la méthode dite intergouvenementale, selon laquelle les chefs d’état ou de gouvernement décident – parfois à la majorité, mais le plus souvent à l’unanimité. Sylvie Goulard reproche à cette méthode intergouvernementale d’exacerber les égoïsmes nationaux et de déboucher sur l’immobilisme ou la crise.

La troisième partie est consacrée aux institutions : à quoi servent le Parlement (qui représente les peuples) ou le Conseil (qui représente les Etats) ? Qu’est-ce que c’est que cette « Commission chauve-souris , mi-gouvernement, mi-cercle d’experts » ?

Sylvie Goulard
Sylvie Goulard, Présidente du Mouvement Européen France

L’Europe avec ses forces, ses faiblesses et ses futurs défis

La quatrième partie explique ce qu’on appelle les « politiques » (à savoir que fait exactementl’Europe) : le marché unique et ses quatre libertés de circulation - hommes-marchandises-capitaux-services, la politique agricole commune et les autres politiques communes et sectorielles - transports-énergie-environnement, la monnaie, la justice et les affaires lntérieures, et enfin l’action externe où l’on voit les 27 petits cochons de l’Union se protéger du loup qui symbolise les dangers et les défis de la mondialisation et de la guerre des civilisations en se réfugiant dans les trois maisons, inégalement solides, qu’ils ont construits à cet effet :

 la maison de pierre du commerce extérieur, où "l’Europe possède un visage et n’a qu’une parole, ceux du commissaire qui, pendant cinq ans, est en charge de ce portefeuille. C’est une réussite, dont la plus belle consécration réside dans le fait que l’un des documents les plus importants de l’administration Bush, la Stratégie nationale de sécurité des Etats-Unis, ne mentionne l’Europe qu’une fois : à propos de la politique commerciale."
 La maison de bois : l’aide au développement : l’Europe est le premier donateur aux pays pauvres.
 La maison de paille : la politique étrangère et de sécurité commune, dont l’auteur stigmatise le caractère purement déclaratoire, voire déclamatoire.

Dans la cinquième partie Sylvie Goulard nous invite à nous pencher sur l’avenir de l’Union et sur les défis auxquels elle sera confrontée dans un proche avenir.

Le dernier chapitre où sont - exercice imposé par la formule de la collection – dénoncés « dix clichés et autres âneries sur l’Europe » n’est pas le moins savoureux et il clôt sur un clin d’oeil cette somme impressionnante de 484 pages.

Un ouvrage à prêter sans modération

Comme l’a dit Sylvie Goulard dans sa présentation de l’ouvrage à Sciences Po le 14 mars, "il est peu de sujets qui soient, a priori, considérés comme plus rébarbatifs que l’Europe. Pourtant l’aventure européenne est formidable. Que des vieilles nations autrefois ennemies ou longtemps séparées par la guerre froide inventent ensemble une nouvelle manière de faire de la politique en respectant leur diversité est proprement fabuleux. Il suffit de le faire apparaître. C’est aux lecteurs qu’il faudra demander si j’ai su relever ce défi", concluait-elle.

Rassurons la : lecture faite, l’Europe reste toujours aussi complexe, mais nous sommes mieux armés pour la comprendre et plus enclins à l’aimer.

Présentation de l’auteur de Oui à l’Europe.net

Ingénieur et docteur en économie, j’ai toujours travaillé dans l’industrie privée, à l’exception de cinq années passées au service du développement économique dans un Conseil régional. Les dix dernières années de ma vie professionnelle ont été consacrées à la direction de filiales d’un groupe multinational français dans différents pays d’Europe : France, Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Espagne et Angleterre. Cette expérience internationale n’a fait que renforcer des convictions européennes déjà bien ancrées, que ma disponibilité me permet de servir maintenant, dans le cadre associatif, ou à titre personnel, par l’écrit et sur le Net.

Je suis partisan d’une Europe forte, libre et solidaire, d’une Europe-puissance capable de faire avancer la cause du multilatéralisme dans le monde et d’exploiter les opportunités résultant du développement des échanges internationaux tout en préservant la spécificité de son modèle social, économique et culturel.

La principal enseignement du 29 Mai est, à mon avis, qu’il ne faut pas trop compter d’un point de vue européen sur des partis politiques trop absorbés par leur lutte pour la conservation ou la conquête du pouvoir pour donner à l’Europe la place qu’elle mérite. Ils laissent trop souvent le champ libre, et offrent par là-même l’hégémonie culturelle, aux adversaires les plus résolus de la construction européenne. Il appartient donc désormais à la société civile d’assurer , jour après jour, les tâches d’éducation populaire abandonnées jusqu’à présent à des organisations qui posent d’excellentes questions pour leur donner des réponses souvent très discutables.

C’est à ce travail de promotion de l’Europe que souhaite pouvoir contribuer, même modestement, ce blog !

(NDRL : la Lettre Oui à l’Europe en est à près de 650 numéros !)

Illustration :
 photographie de « L’Europe pour les Nuls » à la Fnac des Halles à Paris courant Mars 2007.
 photographie de Sylvie Goulard sur son blog personnel.

Source : L’Europe pour les nuls – Sylvie Goulard - Editions First – 22,90 euros

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