Chypre

L’Union européenne et la question chypriote

, par Iskra Ivanova

L'Union européenne et la question chypriote

Pays membre de l’Union européenne depuis 1 mai 2004, l’île de Chypre est face à un nouvel espoir de réunification. Un espoir d’une réunification voulue, mettant en cause des enjeux d’ordre économique et politique assez importants pour l’île, se réalisant par l’intermédiaire des acteurs internationaux tels que les Nations Unies et l’Union Européenne et pouvant devenir une réalité qu’avec l’accord des deux parties chypriotes.

L’arrivée au pouvoir le 24 février 2008 du nouveau Président de la République de Chypre, Demetris Christofias, Secrétaire général du parti communiste chypriote (AKEL) marque un nouveau stade dans les relations « inter-chypriotes », se caractérisant par l’accord des deux parties sur la recherche définitive d’une solution.

Ainsi, les pourparlers immédiatement entrepris par les deux leaders M. Christofias et son homologue turc, M. Talat, ont abouti le 21 mars 2008 à l’ouverture d’un sixième point de passage entre les deux zones chypriotes dans la rue Ledra de Nicosie.

Une île divisée en deux qui n’arrive pas à se réunifier

L’île de Chypre (9 251 km2, capital Nicosie) est située dans la Méditerranée orientale au carrefour de l’Europe, de l’Asie et de l’Afrique occupant ainsi une position stratégique la rapprochant des côtes turques et des rivages syriens et libanais.

Suite au coup d’État en date de 15 juillet 1974 d’ultranationalistes chypriotes grecs souhaitant le rattachement de l’île à la Grèce, les troupes turques sont venues occuper la zone du Nord de Chypre.

Ainsi, depuis 1974, l’île de Chypre est divisée en deux zones :
 au sud, une zone reconnue par la communauté internationale actuellement sous contrôle de la République de Chypre
 au nord, une zone autoproclamée le 16 novembre 1983 comme étant la République turque de Chypre-Nord (RTCN) reconnue par la seule Turquie.

Entre les deux zones, une force de paix des Nations Unies (UNFICYP) contrôle une zone dite la Ligne verte de 180 km - zone démilitarisée qui est controlée par les Casques bleus.

L’échec de multiples efforts visant une réunification des deux zones de l’île, et particulièrement le plan Annan par référendum en date du 24 avril 2004, l’adhésion de la République du Chypre dans l’espace européenne le 1er mai 2004 et le fait que l’Union Européenne s’est dotée d’une « frontière extérieure » avec une entité non reconnue par la communauté internationale (la Ligne verte avec RTCN) pose la question de son rôle dans la recherche d’une solution au présent conflit.

Charte des Nations Unies et droit des peuples à disposer d’eux mêmes

Un conflit ayant une assise sur le droit de peuple à disposer d’eux même, un droit inscrit dans la Charte des Nations Unies [1] et recouvrant entre autre le droit des peuples d’accéder à l’indépendance et de se constituer un État.

Ainsi dans un tel contexte la question des moyens possibles pour sa la résolution pacifique du conflit se pose.

Selon l’article 33 de la Charte des Nations Unies « les parties à tout différend dont la prolongation est susceptible de menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationale doivent en rechercher la solution, avant tout, par voie de négociation, d’enquête, de médiation, de conciliation, d’arbitrage, de règlement judiciaire, de recours aux organisations ou accords régionaux ou par d’autres moyens pacifiques de leur choix ».

Ledit article énumère une liste non-exhaustive des moyens pacifiques de règlement des différends en laissant la possibilité pour de nouvelles solutions que les États et/ou les organisations internationales sont libres d’inventer.

ONU et Union européenne : 2 rôles différents

Dans le cadre de la question chypriote, les Nations Unies et l’Union européenne usent des moyens pacifiques traditionnels de règlement de conflits qui toutefois restent non obligatoires pour les parties.

De tel moyens avaient été utilisés par les Nations Unies dans le cadre du plan préparé par le Secrétaire Général [Kofi Annan et soumit pour approbation aux Grecs et aux Turcs des deux zones de l’île. Mais l’application de ces moyens révèle également leurs insuffisances d’être qualifiés comme des vrais moyens permettant l’exercice d’une pression à l’encontre des parties dans la recherche d’une solution.

A cet égard, une différence émerge entre les rôles des deux médiateurs car l’Union Européenne, à la différence des Nations Unies, peut exercer une pression sur les parties. Tel fut le cas, lorsque l’Union européenne a pressé les deux parties chypriotes de trouver une solution, laissant entendre qu’en l’absence de réunification, elle n’admettrait en son sein, en 2004, que la République de Chypre.

Or, c’est précisément l’absence de solution qui a fait que juridiquement c’est l’île tout entière qui adhère le 1er mai 2004. Cependant l’application de l’acquis communautaire est suspendue dans la partie nord en attente d’un règlement et par conséquence seule la population grecque du sud se voit soumise aux règles de l’Union européenne. La partition subsiste donc encore.

L’acteur onusien ne fait pas abstraction du rôle joué par l’Union européenne. En effet, dans sa Résolution n°1789 en date du 14 décembre 2007, le Conseil de Sécurité déclare rester saisi de la question en soulignant la nécessité du maintien de la Force des Nations Unies chargés du maintien de la paix (UNFICYP) sur l’île jusqu’au 15 juin 2008 en mentionnant également la permission donnée à l’Union Européenne de fournir des fonds pour appuyer les activités de déminage sur l’île.

Union européenne et droit international

Avec l’élection le 24 février 2008 du nouveau Président de la République de Chypre Demetris Christofias l’espoir pour une nouvelle réunification des deux zones de Chypre renaît.

Dès son arrivée au pouvoir, il a manifesté fermement sa volonté d’entreprendre et poursuivre les négociations pour une prochaine réunification avec Monsieur Talat.

Acteurs internationaux incontournables, l’Organisation des Nations Unies et l’Union Européenne à travers leurs rôles de médiateurs auront un rôle à jouer dans la recherche d’une solution satisfaisante des deux parties. Toutefois, un rapprochement doit être fait avec le cas du Kosovo et ce qui se passera si la partie nord de Chypre réclame son indépendance.

Dans une telle hypothèse l’Union Européenne laisserait-elle à chaque État le soin de se prononcer pour ou contre la naissance d’un nouvel État ?

L’exemple de Kosovo est significatif et atteste, à travers des divergences existantes entre les différents États membres, de l’incapacité de l’Union Européenne à adopter une position commune décisive, une carence s’expliquant par les limites statutaires auquelles l’Union doit faire face.

Ainsi ce type de tensions au sein de l’espace européen nécessite que l’Union apporte à la démocratie internationale quelque chose de nouveau incarnant l’idée fondamentale de l’adhésion de peuple à une conception de paix durable et s’inscrivant dans le cadre du respect de droit international.

Illustration : drapeau chypriote officiel, sur le site Wikipedia. Image tombée dans le domaine public.

A lire :
 sur Diploweb, L’échec du plan Annan pour Chypre : un passage de témoin entre l’ONU et l’UE
 sur Nouvelle Europe, Elections présidentielles à Chypre : un ciel politique pas encore bleu

Notes

[1Résolution AGNU 2625, XXV, 24 octobre 1970

Vos commentaires
  • Le 12 mai 2008 à 18:34, par Laurent Bonsang En réponse à : L’Union européenne et la question chypriote

    Peut on réellement dire que Chypre est divisé en 2 ?

    En effet, si comme l’indique l’article depuis 1974 l’ile est partagée entre la République chytriote et la RTCN, il ne faut pas oublier le cas des deux bases britanniques d’Akrotiri et de Dhekelia qui sont sous souverainement britannique.

    ces deux bases militaires sont des restes de la période d’avant l’indépendance de Chypre lorsque l’ile appartenait au Royaume-Uni et ont un statut particulier.

    aujourd’hui, alors que tant le Royaume-Uni que Chypre sont membres de l’UE, il pourrait être important de mettre fin à cet anachronisme en transferant la pleine souveraineté de ces bases à la République chypriote voire une suggestion qui ne pourrait que nous convenir que ces bases militaires soit sous la responsabilité de l’UE et du Monsieur PESC.

    vu la situation géopolitique de Chypre (proximité du Liban, d’Israël, de la Syrie, de l’autorité palestinienne, de l’Egypte et de la Turquie), dans une zone de conflits de fait à moins de 200 km des côtés de Chypre et donc de l’UE, une telle idée donnerait plus de poids à l’UE comme acteur politique dans la région.

  • Le 4 juillet 2015 à 18:13, par khan En réponse à : L’Union européenne et la question chypriote

    Bonjour à tous ,je croyais que vous ne voulais pas de la Turquie dans l’UE or ,chypre du nord n’est pas dans l’union europeenne .Et c’est tant mieux au moins l’Europe n’a pas la main mise et ne peut mettre ces politiques austériaires alors qu’en Gréce et chypre du sud vous le faite en baver .

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