Le Taurillon : Votre pièce est librement adaptée des musiciens de Brême. Pourquoi avoir choisi une telle référence ?
Laurence Cohen : Le conte populaire des frères de Grimm m’a accompagné depuis mon enfance. Je trouvais formidable que ces animaux à l’article de la mort puissent unir leurs dernières forces pour crier ensemble qu’ils étaient encore en vie : Envie ! Que la pyramide de leurs corps soit un nouveau langage, une force, une union pour reprendre place dans la société.
« Contre cet avenir qui n’en est pas un, ils se rebellent, indignés à leur façon. Ils aspirent à une sécurité qu’ils n’ont jamais connue et rêvent .... »
Pour lutter ensemble face au monde, les Musiciens de Brême ont créé leur Initiative : se réunir pour parler un langage commun. C’est ce qu’il nous faut retrouver aujourd’hui en Europe ! J’ai vu dans ce conte tous les thèmes brûlants de notre époque actuelle et décidé de transposer leur rencontre dans l’espace Schengen.
Le Taurillon : La réalisation d’une pièce aussi européenne a-t-elle été difficile ? Comment avez vous notamment surmonté la barrière des langues ?
Laurence Cohen : Je pars du principe dans mon travail, que les langues vivantes sont un moyen et non une fin. Ce que je cherche dans ces croisements, cette polyphonie, ce chœur, c’est à faire entendre au-delà leurs musicalités de leurs diversité un propos universel. La langue vivante devient alors le vecteur principal de ce qui se joue, partout en Europe.
Le véritable enjeu, le pari en concevant cette pièce l’Initiative devient alors de questionner, d’informer et de partager « notre » Europe. De la transporter sur la scène théâtrale, sur le plateau afin de poser les questions que se posent les citoyens. De faire parler ensemble des personnages du quotidien sur leur inquiétude, peur, espoir, désir de vivre « autrement » l’Europe : voilà le langage commun, celui des citoyens. Et c’est seulement à ce moment là que j’ai pu passer à la traduction et à la dimension multilingue. Les barrières des langues tombent d’elles même.
Après il y a bien sûr un énorme travail d’écriture, de traduction... J’ai actuellement sept versions de la pièces, une par capitale. Et la pièce est jouée en huit langues, sans sous-titrages !
Le Taurillon : Comment traduire ce qui se joue en Europe aujourd’hui ?
Laurence Cohen : Par une comédie sérieuse. Par une divertissement multilingue engagé. En se déplaçant de ville en ville pour aller à la rencontre de nos amis européens. Notre équipe est internationale : des acteurs aux traducteurs, en passant par le journaliste, chacun a un parcours linguistique et culturel varié... et parle a minima deux ou trois langues.
Enfin, et c’est sans doute le plus innovant, les sujets évoqués concernent tous les citoyens européens : chômage des jeunes, crise identitaire, zone euro, retraite, finance, liberté de circulation, multilinguisme. Tous ces sujets seront commentés lors du Forum démocratique à l’issue de la représentation...
Le Taurillon : Ce projet est réalisé dans le cadre de l’année européenne des citoyens. Le théâtre est-il un bon moyen pour amener les citoyens européens à réfléchir sur la construction européenne ?
Laurence Cohen : Je ne pense pas que ce soit ’la Culture ’qui réunisse le plus facilement les Européens. Ce qui fédère, c’est l’action commune, l’engagement. Tous les dispositifs qui peuvent rendre les hommes actifs sont les bienvenus !
Et lorsqu’il passe par un acte de création accessible à tous, alors il permet de faire forum et fédère. « L’Assemblée des Citoyens » se veut messagère d’une parole par et pour les citoyens européens : passer de l’état de spectateurs à spect’acteurs...
J’ai envie de vous dire également que c’est en tant que Citoyenne européenne à la tête de ma structure associative que j’ai salué 2013 ! Et ça, c’est un véritable engagement !
Suivre les commentaires :
|
