« Le 9 mai, on fête les citoyens européens, pas les institutions »

, par Fabien Cazenave

« Le 9 mai, on fête les citoyens européens, pas les institutions »
Jean-Marie Cavada

À l’occasion du 9 mai, le Taurillon interroge le président du Mouvement Européen - France, Jean-Marie Cavada. Au menu : la fête de l’Europe, la dernière présidentielle, les intérêts européens et nationaux qui s’affrontent…

Le Taurillon : Que représente la fête pour un président du Mouvement Européen – France ?

Jean-Marie Cavada : Un peu comme les anniversaires dans une famille : c’est un peu convenu mais cette célébration nous rappelle que l’affaire européenne est d’abord populaire et non seulement des institutions. De l’adhésion des citoyens même si celle-ci est en ce moment extrêmement discutée.

C’est aussi une façon de mettre les bougies sur le long cours de l’histoire de la construction européenne. Une occasion qu’il ne faut pas manquer parce qu’on y célèbre avant tout non pas les institutions ou les politiques appliquées en Europe mais l’Union, le fait d’être ensemble.

Hier par exemple, à Paris, il y avait les maire de Berlin, M. Klaus Wowereit, de Bruxelles, mon ami M. Freddy Thielemans, et de Paris, M. Bertrand Delanoë. On voyait bien que les trois avaient les mêmes préoccupations et les mêmes tropismes européens. C’est un moment de célébration certes convenu mais qui doit contenir une âme, du sentiment.

Le Taurillon : Qu’est-ce que le 9 mai représente pour le Mouvement Européen – France ?

Jean-Marie Cavada : Pour le Mouvement Européen, c’est un jour de grosse activité, un peu comme les fleuristes le jour de la fête des mères. Le Mouvement Européen s’y prépare avec une petite équipe depuis de nombreuses semaines, d’autant plus nous avons proposé des activités en commun à nos partenaires. Un peu partout à travers la France, les sections du Mouvement Européen sont très actives. C’est un petit peu leur journée de célébration.

Le Taurillon : Que peut-on souhaiter à l’Europe en ce 9 mai ?

Jean-Marie Cavada : Nous fêtons cet anniversaire annuel dans un moment de très grave et forte crise. La crise économique et financière en 2007 avait les États-Unis pour centre. La crise économique, financière, sociale et même politique actuelle a pour épicentre l’Europe. On peut souhaiter à l’Europe une très grande lucidité de ses dirigeants et la volonté de l’effort chez les citoyens. Ce n’est pas parce que le bateau branle qu’il faut jeter le gouvernail par dessus bord, la voile à la mer, etc.

Si l’Union européenne n’avait pas existé, depuis trois ou quatre ans, nous verrions des files entières d’épargnants au guichet des banques pour retirer leurs économies. Le chômage serait beaucoup plus massif qu’il ne l’est aujourd’hui car nous aurions détruit par la crise financière plus gravement encore notre économie. Or quand une économie est détruite, c’est le chômage hélas qui la remplace.

Il faut souhaiter pour l’Europe une ardeur politique et des dirigeants à la hauteur de l’interpellation historique qu’est cette crise. Non pas en essayant de concilier l’opinion publique, qui ne s’est pas trop où aller, avec le sentiment nationaliste qui est une façon de se mettre sous les jupons de sa mère, la Nation. L’Europe dans cette affaire, c’est l’occasion d’aller de l’avant.

Le Taurillon : Durant la campagne présidentielle en France on a peu entendu de visions européennes chez les candidats. Pour autant, nous avons un « enfant de Delors » avec François Hollande qui est élu…

Jean-Marie Cavada : Je connais un peu François Hollande et très bien Jacques Delors dont je suis moi aussi un élève de l’époque de l’échange des projets.

On peut attendre de ce président qu’il soit plus favorable à l’intégration politique de l’Europe que ne l’ont été les précédents gouvernements très tiraillés. Ils avaient la nécessité de faire avancer l’Europe (le président sortant a été remarquable de ce point de vue-là), mais ont fait choeur avec des gouvernements préférant l’intergouvernemental (les arrangements entre États) à l’intérêt communautaire qui a un peu disparu avec l’affaiblissement de la Commission d’ailleurs.

On peut espérer que le nouveau président remettra en selle la volonté communautaire. Il faut ouvrir de nouvelles voies à l’Allemagne pour qu’elle puisse cheminer vers l’intérêt communautaire. Elle doit accepter de revoir un plan de création de croissance qui ne peut passer que par un emprunt communautaire. On a la chance de pouvoir le faire puisque l’Union européenne n’a pas de dette. Cet emprunt ne devra pas aller pour un seul euro dans le fonctionnement des institutions de l’Europe mais à l’investissement pour les métiers d’avenir :

  • les biotechnologies
  • les nanotechnologies
  • les industries du développement durable, les grandes infrastructures transversales
  • les industries du numérique et de la communication.

Voilà qui devrait réactiver l’Europe des chercheurs avec de belles universités pour les accueillir.

Le Taurillon : Vous avez été un des co-organisateurs des États Généraux de l’Europe. Qu’en avez-vous retenu ?

Jean-Marie Cavada : C’est moi qui ai voulu imposer qu’il y ait dans ces « EGE » une interpellation des candidats sur leur projet européen. Certains ont été très européens, d’autres m’ont déçu.

Nous y avons trouvé les limites des projets européens des candidats à la présidentielle. Pour autant, les États Généraux de l’Europe furent un moment extrêmement intéressant et très constructif de la pensée européenne. Il faut qu’ils accueillent encore plus le grand public. Cela a été en partie fait par l’ensemble des partenaires en général, le Mouvement Européen – France, Europanova et Le Monde en particulier.

Le Taurillon : Peut-on avoir un sursaut de l’intérêt général européen par rapport aux intérêts nationaux ? Sont-ils aussi légitimes l’un que l’autre ?

Jean-Marie Cavada : Si on considérait que les intérêts nationaux vont à l’encontre des intérêts européens, il serait légitime de les défendre contre l’Europe. Or ceci est une foutaise, c’est une absurdité. Les intérêts des États découlent extrêmemnt largement de l’intérêt central de l’Union européenne.

Bien sûr qu’il faut avoir une vision claire des frontières de l’Union européenne. Encore faut-il avoir une politique d’immigration européenne, or elles sont nationales. Elles ont largement échoué pour cette raison et ont fabriqué de l’extrême-droite. On voit bien que dans ce domaine, une réflexion et une direction européenne de l’immigration à la demande des États et exécutant leurs demandes serait un très grand progrès. Inspirons-nous la solution canadienne : le gouvernement fédéral exécute les demandes des États, ne s’y substitut pas mais enlève le débat politique des réactionnaires.

Autre exemple : l’intérêt économique. Sans la libre-circulation des produits et services, des femmes et des hommes à l’intérieur de l’Union, tous les éléments produisant la richesse économique seraient grandement amputés pour un État. La France réalise 60% de son commerce extérieure dans l’Union européenne. Imaginez le chômage qui découlerait si la pensée des extrémistes s’appliquaient en matière européenne !

Les lois de l’Europe ne sont pas là pour freiner les pays, mais au contraire pour les développer. D’ailleurs l’Union européenne ne tire sa richesse que de la somme des richesses des différents États. Il faut faire une pédagogie courageuse de la part des gouvernements et de nos associations pour faire comprendre à l’opinion publique comment l’Europe est un plus. Ce ne peut être un moins que quand elle fonctionne mal.

Jean-Marie Cavada est un ancien journaliste et un homme politique français, député européen, vice-président du Nouveau Centre, et président du Mouvement européen-France.

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