Le Nobel pour l’Union européenne, quel prix !

, par Nicolas Delmas

Le Nobel pour l'Union européenne, quel prix !
Drapeau de l’Union européenne Auteur : fdecomite Certains droits réservés

À l’heure où l’Union européenne est dans une crise profonde tant économique que politique, le comité d’attribution du Prix Nobel de la Paix a agi, de concert et à l’unanimité, pour célébrer la plus belle construction humaine, garante et symbole de la paix sur notre continent.

L’Union, une idée tellement humaine :

Si ce sont les États qui ont permis l’existence de l’Union, ce sont des hommes qui en sont à l’origine. Saluons cette reconnaissance, certes tardive, du travail emmené par des hommes (Monnet, Schuman, Spaak, Spinelli, Adenauer, Veil et tant d’autres) qui ont su créer les germes d’une paix durable entre les peuples.

Derrière l’Union, ce ne sont pas les institutions, ni même ses règles, c’est une idée, un idéal qui a été récompensé. Oui, l’Europe est née autour d’une communauté réduite autour du charbon et de l’acier. Mais, Monnet (encore) avait d’autres desseins, n’hésitant pas à saluer la première Cour comme « non pas la Cour du charbon et de l’acier, mais la Cour d’une fédération européenne ». Les traités européens sont certes marqués du sceau de l’économie originelle, mais ils portaient en eux les racines d’une nouvelle ère en prônant « une union sans cesse plus étroite entre les peuples européens ».

L’Union n’est pas qu’un collège d’États, elle est avant tout une communauté de personnes.

L’Union, une idée toujours plus d’actualité :

Ce prix (il faut le reconnaître) arrive à point nommé. Alors que le sentiment anti-européen se propage, que les dirigeants cherchent leur repli sur soi, cette récompense appelle à réfléchir à ce qui fait la spécificité de l’Union. Il y a deux ans déjà, le Taurillon rappelait l’intérêt d’un tel prix pour le futur de l’UE.

Pourquoi l’Union est elle la seule organisation dans laquelle les Etats ne s’affrontent ils pas ? C’est vers la Commission et la Cour de justice, ces institutions si décriées dans les milieux souverainistes, qu’il faut se tourner. En effet, en acceptant de déléguer une partie de leurs prérogatives, les Etats ont permis à des institutions européennes de régler leurs différends et de promouvoir un intérêt commun européen.

Au demeurant, ce prix doit servir de tremplin pour régénérer la réflexion au sein de l’Union. A l’époque de sa création, les fondations mises en place par les pères fondateurs avaient été révolutionnaires, l’heure est à la révolution des idées, l’heure est au fédéralisme.

Ce prix doit nous permettre de continuer à avancer pour que l’Union européenne entre dans une seconde étape, un Etat fédéral européen. Le projet de paix et de solidarité doit être poursuivi pour que l’Union puisse devenir un véritable Etat démocratique. Alors que les tensions entre Etats sont fortes au sein de la zone euro et que certains menacent de quitter l’UE, seul le projet fédéraliste sera capable de redonner espoir aux peuples et de construire la paix européenne du XXIème siècle.

Pour aller plus loin :

*Le discours du Comité du Prix Nobel

Vos commentaires
  • Le 12 octobre 2012 à 14:09, par Julien-223 En réponse à : Le Nobel pour l’Union européenne, quel prix !

    Je ne sais pas trop quoi penser de ce prix. La dialectique de l’Europe comme facteur de paix s’essoufle, et je ne suis pas sûr que ce dont l’Europe a besoin aujourd’hui soit de davantage de sacralisation. Je crains qu’on perçoive ce prix plus comme un bilan que comme un point de départ. Rappelons que l’ONU a été primée en 2000, Barack Obama en 2008... et après ?

    De plus, il faudra confronter ce prix aux échecs collectifs de l’Europe en matière de paix et de sécurité (Yougoslavie, Irak, Rwanda) - qui certes ne sont pas imputables aux institutions communautaires en tant que telles - mais qui démontrent à quel point l’UE est minée par des faiblesses structurelles qui peuvent au contraire mettre en péril la paix.

  • Le 12 octobre 2012 à 14:27, par Fabien Cazenave En réponse à : Le Nobel pour l’Union européenne, quel prix !

    On peut aussi penser que nous réussissons en Europe l’exploit de faire vivre la notion de paix perpétuelle de Kant depuis quelques décennies...

  • Le 12 octobre 2012 à 17:48, par Thomas Chamaillé En réponse à : Le Nobel pour l’Union européenne, quel prix !

    Bonjour,

    je suis désolé de ne pas partager ce grand moment de communion mais ce prix est une tartufferie. Il suffit de s’intéresser un peu au jury pour comprendre que ce prix en papier mâché est une tentative (encore une) pour essayer de faire oublier les problèmes actuels de l’UE.

    Que je sache les pays de l’Alena ne sont pas en guerre (même si le passif est moins lourd j’en conviens), pas davantage que beaucoup d’autres groupes mondiaux (mercosur etc..). Ce sont les logiques de développement moderne qui poussent à la paix (sans aller jusqu’à la fable du « doux commerce »). L’UE mérite à peu près autant son prix qu’obama avant elle, et c’est peu de dire qu’il ne le méritait pas.

    Dans cette affaire l’UE n’est guère à blâmer (même si c’est un énième outil de propa...d’autopromotion), mais il sera grand temps un jour d’interroger la fonction de ces nobels dépourvus de sens.

  • Le 13 octobre 2012 à 17:23, par Ronan En réponse à : Le Nobel pour l’Union européenne, quel prix !

    Tôt ou tard je pense que les plus fervents militants ’’Européens’’ finiront bien par se rendre compte que l’obtention de ce « Prix Nobel de la Paix 2012 » est un sacré cadeau empoisonné ; et - dans le contexte actuel - une énorme ERREUR en seuls termes de communication à destination du grand public.

    Si l’Europe veut vraiment retrouver l’oreille, sinon l’affection des citoyens, je pense qu’elle doit vraiment impérativement changer de com’ et - plus globalement - de stratégie(s). Et ce, dans les plus brefs délais.

    Et, plus sérieusement, breloque norvégienne ou pas, proposer aux citoyens un vrai projet politique qui nous sorte enfin de la bouillie actuelle (même si celle-ci devrait être sacralisée à coups de prix Nobel...).

    Et changer de braquet, aussi.

    Pour recevoir un tel prix, il faut le solliciter, et l’accepter. J’aimerais donc bien savoir qui sont les « foldingots » qui nous ont pris la responsabilité de nous entraîner dans cette mauvaise plaisanterie...

  • Le 14 octobre 2012 à 11:50, par Jonathan Leveugle En réponse à : Le Nobel pour l’Union européenne, quel prix !

    @thomas l’UE est bien plus qu’une simple alliance commerciale. C’est un projet d’union des peuples européens qui vise à garantir la paix sur notre continent

  • Le 14 octobre 2012 à 13:19, par Julien-223 En réponse à : Le Nobel pour l’Union européenne, quel prix !

    D’accord avec Ronan.

    Et pour aller dans le sens de Thomas Chamaillé (une fois n’est pas coutume), l’attribution du prix à l’UE est effectivement assez incestueuse.

    Le comité de 5 personnes qui a décidé de l’attribution de ce prix est présidé par Thorbjørn Jagland, 62 ans, actuel secrétaire général du Conseil de l’Europe, qui a certainement voulu se faire un petit plaisir intellectuel avec ce prix avant de prendre une retraite bien méritée.

    http://nobelpeaceprize.org/en_GB/nomination_committee/members/

  • Le 14 octobre 2012 à 14:23, par Fabien Cazenave En réponse à : Le Nobel pour l’Union européenne, quel prix !

    On peut tout à fait faire la fine bouche sur ce prix Nobel... mais quand on regarde l’émotion positive qu’il a suscité, on devrait en être content. C’est l’occasion de remettre en perspective le sens du projet européen alors que nous sommes en pleine crise existentielle. La Paix n’est pas un acquis sur notre continent, malheureusement. Voilà l’occasion de se le rappeler.

  • Le 20 octobre 2012 à 12:33, par Ronan En réponse à : Le Nobel pour l’Union européenne, quel prix !

    Ce n’est sans doute qu’un détail mais juste souligner - et le « Testament » de l’inventeur de la dynamite est d’ailleurs relativement assez clair à ce point de vue - que le Prix Nobel n’a normalement pas vocation, ni à célébrer d’hypothétiques triomphes (voilà pour les « Prix » prospectifs dits d’ « encouragements », genre « Obama »...) ni vocation à faire dans l’effet rétrospectif, sur une échelle d’au moins un demi-siècle (comme ici : qui plus est sur des bases d’analyse historique objectivement contestables, d’un seul point de vue historique bassement factuel en tout cas...).

    Normalement (à supposer qu’il y ait jamais eu quoi que ce soit de « normal » et de vraiment « rationnel » dans tout ça...) le Prix Nobel de la Paix est censé récompenser une personnalité et/ou une organisation ayant oeuvré pour la paix lors de l’année écoulée, point (et pas lors de l’année à venir, ni lors du demi-siècle écoulé).

    Cette mode (récente ?!) de prix Nobel prospectif (pour hier) et rétrospectif (pour aujourd’hui) est une option politique initialement non prévue dans les statuts du Comité Nobel, et une relative récente « perversion » du système (laquelle nuit à la crédibilité de l’institution qui les décerne...).

    Mais il est vrai que l’on peut aussi avoir des critères divergents pour qualifier reconnaître ce qui sert (ou non) la paix.

    Ainsi, par exemple, dans les années 1980, quelqu’un comme Lech Walesa - par exemple - incarnait alors, pour les uns, la démocratie et le pluralisme politique (donc la possibilité de tout un chacun de pouvoir - pacifiquement - se faire entendre dans sa société respective...) alors que, pour les autres, il n’était là qu’un dangereux boutte-feu qui conduisait son peuple à la révolte (armée ?!) et vers une sanglante répression.

    Là, on voit bien que le Prix Nobel de la paix et le caractère de l’opportunité (ou non) à le décerner sont là un objet de controverse politique. D’autant plus que certains y verront sans doute là un instrument éminemment ’’politique’’ censé opportunément donner un petit coup de pouce à tel ou tel combats (et ce, quoi qu’en dise jamais quelque analyse rationnelle et véritablement objective de la question...).

    En tout cas, moi, personnellement, si l’on reprend donc bien l’idée de départ d’un « prix Nobel de la paix récompensant bien une action particulière pour la paix effectuée lors de l’année écoulée », je n’aurais pas (certainement pas) donné le prix Nobel de la Paix à l’Union européenne.

    Même si - je le sais - l’UE a en effet calmé, ces dernières années, les nationalistes serbes et croates (alléchés par une perspective d’adhésion qui leur tendait les bras s’ils faisaient profils bas...) ; même si l’UE tient en effet financièrement à bout de bras l’Entité autonome palestinienne (et l’on n’ose imaginer ce qui se passerait si l’Arabie séoudite ou le Qatar devaient se substituer à l’UE dans cet exercice...) ; ou même si l’UE est actuellement, en effet, l’un des principaux donateurs de l’aide internationale organisée à destination des pays sous-développés... (et l’on n’ose imaginer ce que ces pays deviendraient s’ils devaient définitivement se passer de cette aide...).

    Pour ma part, je n’aurais pas donné le Prix Nobel de la Paix à l’UE, d’abord parce que je ne souscris pas du tout aux actuels discours convenus sur cette Europe qui (depuis 1951 ?!) aurait, soit disant fait la paix - à elle seule (et de par sa seule existence ?!) - sur notre continent.

    Car voilà bien - en faisant notamment l’impasse (volontairement ?!) sur bien d’autres paramètres (notamment le contexte de la Guerre froide...) - un mythe fondateur (sinon un mensonge officiel) et un outil de propagande bancal (et, tout bien pesé, assez peu crédible...) dont le discours européen se passerait bien, si seulement il voulait faire preuve de maturité en regardant un peu les choses en face (et s’il voulait également chercher quelque crédibilité...).

    Ensuite, je n’aurais pas donné le Prix Nobel de la Paix à l’UE, par ce qu’en cette année de guerre en Syrie (entre autres choses...), l’UE est précisément complètement inaudible et complètement invisible sur le sujet (entre autres sujets...). Et n’apparaît donc pas comme étant un acteur d’influence majeur de la Paix - maintien, protection et construction de celle-ci - dans le monde d’aujourd’hui.

    De plus, je pense que quelque résistant syrien, militante féministe iranienne, ou opposant démocrate russe (ou vénézuélien, ou ukrainien) l’auraient - ce fameux prix - sans doute davantage mérité que l’UE.

    Enfin, je n’aurais certainement pas donné le Prix Nobel de la paix à l’UE quant à son action « pour la paix » lors de l’année écoulée et pas davantage lors des récentes années...).

    En effet, l’an passé, les autorités de l’UE (singulièrement inaudibles et/ou inefficaces quand les autorités politiques de leurs propres Etats membres piétinent - en Hongrie, en Roumanie, hélas il y a d’autres exemples encore... - les principes démocratiques les plus élémentaires...) ont tout de même, à force de mauvaise gouvernance et d’errances économico-politiques, réussi le quadruple tour de force de :

    (1) Revitaliser certains nationalismes violents qu’on croyait assoupis, (2) de faire en sorte que des extrémistes « néo-nazis » ouvertement assumés entrent au Parlement et au Gouvernement grec, (3) faire en sorte que le nom « allemand » soit bientôt au moins aussi détesté dans certains pays d’Europe qu’au lendemain de la seconde guerre mondiale, et pareillement réussi le tour de force (4) de faire en sorte que certains de ses Etats membres soient désormais quasiment au bord de la guerre civile (avec, au moins pour l’un d’eux - toujours le même - de récentes menaces de « coup d’état militaire » stabilisateur...).

    Un bilan (de ces toutes dernières années...) tout de même assez négatif (voire pour le moins inquiétant...) qui - à mon sens - ne mérite donc pas tant de félicitations. Certainement pas autant de bravos. Et surtout pas un triple hourra. Et moins encore un Prix Nobel (de la Paix, qui plus est...).

    Sans parler de l’usage que vont désormais faire certains milieux conservateurs de ce Prix Nobel qui vient ainsi- très opportunément - « couronner leur action ». En effet (et ils ont déjà commencer à nous le seriner...) : pourquoi donc réformer l’UE puisqu’elle vient ainsi de recevoir le prix Nobel (et puisque, décidément, on vous le dit : tout va très bien, Madame la Marquise...).

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