Le gouvernement français face aux Roms : un contresens européen

Carton rouge au gouvernement français pour son repli national vis-à-vis de la communauté Rom

, par Nessim Znaïen

Le gouvernement français face aux Roms : un contresens européen

On le voit bien avec les réactions des uns et des autres, de Dominique de Villepin à Ségolène Royal en passant par le Cardinal André Vingt-Trois, les mesures sécuritaires actuelles envers les Roms contiennent de forts enjeux de politique nationale, à moins de deux ans des élections présidentielles. Pourtant le thème même des mesures du gouvernement place ce débat au coeur de l’attitude européenne de la France.

Si les hommes politiques de l’hexagone ont surtout souligné le caractère radical de ces expulsions, pointant du doigt l’UMP qui « avance avec son cerveau droit », nous devrions sans doute être davantage sensibles au fait que les expulsions de Roms n’aient été décidées sans aucune coordination avec les autres pays européens, notamment avec la Roumanie. Plus grave, le sommet sur l’immigration prévu le 6 Septembre à Paris, et organisé à la demande du gouvernement français, ne comprendra pas les ministres bulgares et roumains, ceux-ci n’ont pas été conviés. Les représentants de la « vieille Europe », les Allemands, Italiens, Espagnols, Britanniques seront bien là.

Au delà de la coordination, c’est le principe de solidarité entre les peuples européens qui est menacé, alors que les expulsions de Roms renvoient ces populations dans des pays où une partie des citoyens peut leur être hostile. Sur le fond des mesures, la France rejoint les réflexions d’une partie de la droite italienne, et notamment du ministre de l’intérieur Roberto Maroni, et membre de la xénophobe Ligue du Nord, qui prône « l’expulsion obligatoire des citoyens européens qui ne peuvent pas subvenir à leurs besoins financiers ». Rappelons que les mesures prises à l’égard des Roms auront sans doute qu’une efficacité limité, nombre de Roms voudront revenir rapidement en France. Un élément fort de solidarité entre les peuples européens serait ainsi bafoué, risquant d’entrainer une régression de la construction européenne, voire un déni de l’idée que l’on peut se faire de la civilisation européenne.

La France à contresens vis-à-vis des politiques européennes d’intégration des Roms

Si des questions éthiques et humanistes sont ainsi posés, on ne peut que souligner l’écart par ailleurs entre les mesures françaises et les mesures européennes en la matière. Les Roms, représentent une minorité non négligeable (entre 4 et 12 millions de personnes), ils sont citoyens de l’Union européenne (UE), et sont européens depuis des siècles. La France se place en porte à faux par rapport aux politiques des principaux grands Etats européens : l’Espagne, l’Allemagne ou l’Angleterre ont adopté des systèmes plus souples vis-à-vis de l’immigration. L’attitude du gouvernement français va aussi à l’encontre des prescriptions européennes, puisque les autorités européennes s’étaient par le passé émues du démantèlement d’un camp rom au centre de Sofia, selon le quotidien Novinar.

Enfin, alors que 2010 est l’année européenne de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, ne faudrait-il pas dépasser les calculs politiques nationaux et réfléchir davantage aux questions plus efficaces d’intégration et de solidarité européennes, en se servant notamment des fonds européens (Fonds Social Européen en particulier) et via la politique régionale, notamment par les fonds de cohésion ? La France pourrait jouer un rôle décisif dans ces politiques européennes.

L’attitude face aux Roms révèle l’incapacité de la France à répondre à deux des enjeux européens les plus importants à venir, dans un contexte de concurrence mondial avec l’Inde, la Chine, les Etats-Unis ou le Brésil : la solidarité entre les peuples à l’intérieur de l’Union, notamment avec les peuples de l’Est, et la capacité de l’Europe à accueillir en son sein les différents peuples et ne pas se refermer sur elle.

Illustration : exposition « Murs » de SOS Racisme, photo prise en juin 2007

Source : Ajrob sur Flickr

Vos commentaires
  • Le 25 août 2010 à 16:12, par J. En réponse à : Le gouvernement français face aux Roms : un contresens européen

    certes, certes, mais comme la Roumanie comme la Bulgarie ne faisant partie de l’espace Schengen, leurs citoyens ne peuvent rester plus de 3 mois en France sans avoir un visa, d’ou les retours volontaires actuels. Se plaint-on de la discrimination des touristes americains qui, restant au dela de ces 90 jours legaux, peuvent se faire expulser car en situation illegale ?

    Donc pour mettre un peu de cartesien dans tout ce bazar, il faudrait, pour que nos amis restent mendier ds le RER en presentant leurs bebes pour faire pleurer les grand-meres, faire une exception au regime du sejour des etrangers en France et, la c’est piquant, une exception raciale puisque l’on parle d’un peuple qui n’a pas d’etat-nation. Non seulement, ca serait plutot limite mais en plus je ne sais pas si une race peut-etre definie en droit francais...

  • Le 25 août 2010 à 17:56, par david En réponse à : Le gouvernement français face aux Roms : un contresens européen

    merci pour ce carton fort à propos. l’auteur est identifié comme vice-prés. des JE Renne. il serait plus exact de dire JE-Rennes :) amitiés, david

    edit de la Rédaction : faute modifiée le 25/08/2010 à 18h02

  • Le 26 août 2010 à 13:17, par Antoine En réponse à : Le gouvernement français face aux Roms : un contresens européen

    Les Roms ne sont pas des roumains. C’est comme confondre Juifs et Israëliens...

  • Le 26 août 2010 à 22:16, par Ronan En réponse à : Le gouvernement français face aux Roms : un contresens européen

    Un problème grave - à tous points de vue - qui (contrairement à ce que certains voudraient nous faire croire) dépasse les seules considérations « franco-françaises », « roumano-roms-roumaines » et « bilatérales » entre les deux Etats.

    Un problème qui ne peut se réduire à de seules considérations « sécuritaires » liées à la bonne gestion des « flux migratoires » et/ou la répression policière de la « déliquance ordinaire » et d’éventuels « trafics interlopes transfrontaliers ».

    Un problème qui touche également au respect des minorités et à la sécurité des personnes qui appartiennent à celles-ci. Un problème qui touche donc aux valeurs de l’Union.

    Voilà donc un problème européen qui doit être traité au niveau ... européen.

    Il est donc grand temps que l’Union européenne rappelle à l’ordre certains de ses Etats-membres.

    Pour qu’ils mettent fin aux discriminations de toute nature (parfois à base ethnique, souvent dans le domaine de l’accès à l’emploi, dans l’accès à la propriété et dans l’exercice des droits économiques) qui subsistent encore sur leurs territoires (notamment celles que subisent aujourd’hui les Roms non seulement dans leurs pays d’origine... mais aussi dans leurs pays d’établissement).

    Pour qu’ils garantissent enfin l’égalité devant la Loi (et les droits des gens...) à tous leurs citoyens (et les libertés fondamentales, dont celle de circuler). Et ce, sans exception, en toutes circonstances et quelques soient leurs origines ethniques.

    En bref : il est grand temps que les Etats de l’Union (et certains de nos gouvernants) arrêtent de se construire leur « autorité » sur le dos de leurs citoyens (et souvent, sur le dos des « minoritaires ») ; et leur « popularité », en les dressant les uns contre les autres. Notamment le gouvernement français actuel, pour ne pas le citer !

  • Le 17 septembre 2010 à 22:49, par Axel de Saint-Mauxe En réponse à : Le gouvernement français face aux Roms : un contresens européen

    Toute cette histoire démontre l’hystérie générale, en France, en Europe... à droite comme à gauche.

    France, Europe, un monde décadent... l’avenir est ailleurs.

    Un peu de bon sens...

    Occuper des terrains illégalement.... c’est illégal. Ceux qui le font doivent donc se mettre en conformité.

    S’ils ne le font pas, il est normal qu’il y ait sanction.

    Si la sanction n’est pas suffisante, il ne me semble pas choquant, s’ils sont étrangers, de les inviter à quitter le territoire.

    Mais chez nos bobos intellos nationaux, la pilule est dure à avaler. Alors ils se mobilisent contre le faf d’opérette Sarkozy.

    Si je vomis ma citoyenneté française et européenne, je rigole encore bien ici.

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