Les réseaux transeuropéens : concrétiser l’Europe ou non

, par Pascal Malosse

Les réseaux transeuropéens : concrétiser l'Europe ou non

La crise financière, économique, environnementale qui s’abat sur le Monde et l’Europe doit remettre sur le devant de la scène l’idée des réseaux transeuropéens. Bilan et Perspectives.

3H du matin sur une autoroute allemande en direction de Berlin, nous n’avançons pas. Je vois défiler lentement les poussiéreux camions crachant une fumée épaisse et essaye de deviner leur provenance. Pologne, Ukraine, Ouzbékistan. Ces bouchons qui durent souvent toute la nuit sont une conséquence directe du Marché unique. Les échanges intra-européens, qui représentent environ 63% du commerce extérieur des pays de l’Union, sont bien plus développés que les échanges entre Etats fédérés aux USA. Les futurs élargissements vers l’Est ne feront qu’augmenter le flux de transports de marchandises et de personnes. Quelles solutions pour éviter l’asphyxie des réseaux européens ?

L’idée des réseaux transeuropéens (RTE) est apparue à la fin des années 80 afin d’améliorer la cohésion du Marché unique et la mise en place des libertés de circulation. Ils concernent les transports, mais aussi la distribution d’énergie et les télécommunications. Le but est naturellement d’augmenter la croissance de la zone UE et ainsi de favoriser la création d’emplois. Il s’agit également d’assurer une meilleure protection de l’environnement en favorisant le transport ferroviaire des marchandises notamment. Les années 90 ont vu la naissance de grands projets transeuropéens, dont finalement très peu ont été effectivement réalisés ; En 2003 seuls 3 projets des 14 annoncés lors des Conseils Européens d’Essen et de Dublin (1994) ont été menés à terme. Le projet Lyon-Turin, par exemple, qui a été jugé « prioritaire » à l’époque et qui est sans cesse repoussé !La réalisation de ces réseaux doit surmonter le manque de moyen financiers, le manque de volonté politique par rapport à l’engagement nécessaire de la part des Etats et l’insuffisance des mécanismes d’incitation.

Un gouffre béant sépare les moyens mobilisés pour les projets RTE et les besoins financiers réels. Estimés à près de 50 milliards d’euros pour la liste des projets prioritaires (et à 230 milliards par les états), ces projets ont dû, finalement, se contenter d’un budget sept fois inférieur aux besoins, soit 6,7 milliards d’euros sur la période 2007-2013 ! Sur cette somme ridicule, 1 milliard a déjà été réservé pour le projet Galileo, censé rentrer en compétition avec le système américain GPS. Suite aux recommandations du groupe de réflexion « « Van Miert » en 2003 qui constatait l’échec de la politique des RTE, la Commission européenne se concentre depuis sur des projets prioritaires et oriente ainsi les financements qui n’ont pas été utilisés. Malgré ces efforts, les crédits européens provenant du fonds de cohésion ou les prêts de la Banque Européenne d’Investissement ne suffisent toujours pas à créer des « effets de leviers » attirant les investissements des Etats Membres et/ou d’opérateurs privés.

Avec la crise économique que le monde traverse, jamais le besoin d’infrastructures solides ne s’est fait autant sentir. L’Europe est encore loin d’être réalisée quand le trajet Bruxelles-Strasbourg dure 5H30 en train et quand sur voyage-sncf.com un billet Paris-Prague semble ne pas exister. Avec la congestion des grands axes autoroutiers d’Europe, jamais le respect de l’environnement n’a été aussi urgent.

Train polonais

Mais les plus forts retards concernent les pays d’Europe centrale et orientale. Les infrastructures ferroviaires y sont parmi les plus denses d’Europe, imposées en son temps par l’URSS afin de garantir essentiellement le transport des marchandises. Les réseaux sont en effet fortement maillés, et bien moins hiérarchisés (en termes de capacité et de vitesse d’exploitation) qu’à l’Ouest, où les vitesses de circulation sont bien supérieures. Le maillage ferroviaire de l’Europe centrale est d’autant plus dense qu’il concerne des régions spécialisées dans l’industrie lourde, comme celles de Košice en Slovaquie, Ostrava en République tchèque, ou sa voisine polonaise de Katowice. Ce système n’a pratiquement pas évolué depuis. Seules quelques réalisations se distinguent comme les travaux de construction d’un corridor paneuropéen sur l’axe Berlin - Varsovie – Minsk. Mais ce n’est qu’un début.

En conclusion les projets de réseaux transeuropéens sont un signe supplémentaire du manque d’intégration économique de l’UE. Face à la crise, Bruno Lemaire, secrétaire d’Etat français aux affaires européennes ne cesse de relancer l’idée d’une meilleure concertation européenne auprès de ses partenaires. Mais finalement, les Etats travaillent chacun de leur coté à des plans de relance nationaux, laissant sur le bord de l’autoroute l’amélioration des réseaux transeuropéens.

Illustration :
 carte du trajet Lyon-Turin
 train polonais

Le Taurillon remercie le blog des étudiants du Master 2 “Politiques Européennes” de l’Institut d’Etudes Politiques de Strasbourg de nous avoir autorisé à reproduire cet article.

Vos commentaires
  • Le 23 mars 2009 à 06:07, par Martina Latina En réponse à : Les réseaux transeuropéens : concrétiser l’Europe ou non

    Merci d’attirer l’attention sur ces problèmes concrets qu’il faudrait d’urgence résoudre ! Car, si L’EUROPE existe, c’est par la circulation et par la relation inscrites dans son histoire comme dans son nom, puisqu’EUROPE - emmenée vivement à travers la mer et l’inconnu, certes d’après la légende antique, mais surtout pour notre commune AVENTURE bien réelle, par un TAUREAU dont la rapidité n’a d’égale que la divine beauté - signifie... « LARGES PERSPECTIVES » ! Surtout vue de STRASBOURG, cité qui, également, doit et peut répondre à sa vocation de VILLE où se croisent les ROUTES, l’EUROPE mérite des réseaux de communication souples et vivants : merci au TAURILLON d’y veiller et d’y travailler à sa manière.

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