Libye – à suivre…

Le scandale du SIDA à Benghazi et le destin de 5 infirmières et d’un médecin innocents

, par Traduit par Benjamin Anoufa, Kiril Stoychev

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Libye – à suivre…

Le film d’horreur a débuté il y a 8 ans déjà, pour les 5 infirmières bulgares Kristiyana Valtcheva, Nasya Nenova, Valentina Siropulo, Valya Chervenyashka, Snezhana Dimitrova et le médecin palestinien Al-Hadjudj d’Ashraf.

Date : 19 décembre 2006 : Tripoli, Libye

Les pays occidentaux se préparent à fêter noël et la nouvelle année. Dans les états musulmans, la population attend aussi avec impatience, leurs fêtes religieuses de fin d’année. Mais dans les villes libyennes de Benghazi et de Tripoli, l’humeur n’est pas si joyeuse.

La scène principale a lieu dans le bâtiment principal de la c*Cour suprême de Libye. Elle est entourée par des gardes armés. Il est 11 heures. Dans la grande salle du tribunal, beaucoup d‘hommes et de femmes impliquées dans l’affaire attendent. Ils attendent tous leur sentence de ce procès hautement politisé.

La sentence arrive… Le juge lit le verdict. Les infirmières bulgares et le docteur palestinien sont condamnés à mort. Condamnés a être fusillés par un peloton d’exécution pour avoir délibérément infectés 400 enfants avec le virus HIV, ainsi que pour intelligence avec des services secrets étrangers. Une clameur s’élève de la salle. Certains crient « Dieu est grand ! »

Les proches des victimes chantent à l’extérieur de la cour de Tripoli « Exécution ! Exécution ! ». Ces personnes portent de grandes affiches montrant les enfants aux cotés de squelettes en costumes blancs près à leur donner l’injection mortelle. Cette image vous glace le sang. Les familles veulent vengeance.

Ces parents ont été abusés par leur Chef, Muammar Kadhafi. Ils les a convaincus que les 5 infirmières et le médecin sont coupables de cet horrible crime.

Quel est le scénario ?

L’histoire de ce film d’horreur commence en 1998. A cette époque, la rumeur se propage sur plusieurs cas d’enfants contaminés par le virus du SIDA après avoir été admis à l’Hôpital de Benghazi. Le journal local « La » réalise une enquête sur la situation. Les journalistes constatent un manque d’hygiène évident à l’hôpital. Les instruments jetables sont employés à plusieurs reprises.

Les premières voix s’élèvent et affirment que les enfants ont été délibérément infectées, que c’est une l’œuvre d’une conspiration contre l’état libyen.

La saga commence…

Les médecins et ainsi que d’autres membres du personnel de l’hôpital, qui a employé beaucoup d’étrangers, furent suspectés en décembre 1998. Deux mois plus tard, un autre groupe de médecins est arrêté en liaison avec l’épidémie de SIDA à Benghazi. Il y avait 23 Bulgares. L’ambassade bulgare n’en fut pas informée. La plupart du personnel médical fut libéré quelques jours plus tard. Les infirmières bulgares Kristiana Vulcheva, Nassya Nenova, Valentina Siropoulo, Valya Chervenyashka et Snezhana Dimitrova, ainsi que le Dr. Zdravko Georgiev, restèrent en détention où ils furent torturés. Kristiana et Nassya passeront aux aveux sous la torture, pour plus tard se rétracter.

Le procès a commencé un an après. 9 libyens salariés de l’hôpital, 6 bulgares (5 infirmières et un médecin), ainsi que le médecin palestinien qui était responsable de l’administration et de la gestion de l’hôpital, ont été accusés de l’infection intentionnelle de 393 enfants sur ordre de services secrets étrangers. Les 6 bulgares furent de plus accusés pour consommation d’alcool sur la voie public et pour avoir entretenu des relations extraconjugales. Les accusés plaideront l’innocence. Elles expliqueront que l’épidémie est due au manque d’hygiène de l’hôpital et à l’utilisation à plusieurs reprises des seringues.

Malgré l’appel du gouvernement bulgare pour un procès juste et transparent, malgré les informations sur la torture dans la prison de Benghazi, le procès fut ajourné à plusieurs reprises. La Bulgarie a accusée la Libye de politiser le procès. Les organisations non gouvernementales ont également vivement critiquées les méthodes libyennes.

Des irrégularités sérieuses au cours de l’enquête furent rapportées par Amnisty International. Le Tribunal du peuple, qui juge les cas de sécurité nationale, a renvoyé le procès devant une cour ordinaire citant le manque de preuve sur l’accusation d’atteinte à la sécurité libyenne.

Intervention extérieure

En septembre 2003, l’éminent virologue français Luc Montagnier, qui fut le premier à isoler le virus HIV, démontra au cours de l’une de ses recherches que l’épidémie avait commencé avant l’arrivé des infirmières bulgares et que la cause de l’épidémie était le manque d’hygiène de l’hôpital.

Néanmoins, le 6 mars 2004, une cour de justice condamna les cinq infirmières bulgares et le docteur palestinien à la mort. Les neuf Libyens et le docteur bulgare furent acquittés. Quelques mois plus tard, les autorités libyennes ont proposé la libération des accusés bulgares contre compensation financières pour les familles des victimes. Le gouvernement de Sofia a refusé, car cela reviendrait à admettre la culpabilité des accusés.

Après quoi la Bulgarie, la Libye, l’UE et les Etats-Unis se sont mis d’accord sur la création d’un fond pour aider les enfants libyens et leurs familles si la cour suprême de Libye annulait la peine de mort et renvoyait le procès devant une cour de justice de rang inférieur. La somme exigée par les familles des victimes avoisine les 4.4 milliards d’euros ($5.6 milliards).

Malgré les négociations diplomatiques et les nouvelles preuves mis en évidence par une étude scientifique internationale publiée dans le magazine « Nature », démontrant que l’épidémie a démarré avant l’arrivé du personnel médical bulgare, le nouveau procès finit le 19 Décembre, avec comme sentence la peine capitale. Cette décision de la cour libyenne fut condamnée internationalement par la société civile et la classe politique mondiale.

Qui est le réalisateur de ce film ?

Le réalisateur de cette « production » est le Chef libyen Muammar Kadhafi. Malgré que les Etats-Unis aient retiré la Libye de leur liste noir, notamment grâce au renoncement de Kadhafi à obtenir des armes de destruction massive et du versement d’une compensation financière pour les victimes de l’attentat de Lockerbie, les peines capitales prononcées le 19 Décembre 2006 ont enlevé toutes possibilités pour Kadhafi de ne pas s’isoler sur la scène internationale.

Aujourd’hui, Kaddafi veut utiliser les 5 infirmières et le docteur dans deux buts. Premièrement, il essaye d’obtenir le remboursement financier des compensations versées par la Lybie pour l’attentat de Lockerbie. Il insiste pour que la compensation financière pour l’épidémie de VIH avoisine les 10 millions d’Euros par famille - la même somme versée par la Lybie pour l’attentat du Boeing de Lockerbie. Ensuite, Benghazi, deuxième ville du pays, a été dans le passé un des principaux lieux pour les groupes fondamentalistes anti-Kadhafistes. Un verdict clément pourrait rallumer l’opposition au régime.

Le chef libyen veut satisfaire les familles des victimes en employant les salariés étrangers de l’hôpital comme bouc émissaire pour les négligences de l’hôpital de Benghazi où les enfants ont été infectés.

En faisant cela, il se décharge de toutes responsabilités pour le drame qui a eu lieu. Or Kadhafi tiens une grande part de responsabilité dans cette tragédie. Dans un pays riche, regorgeant de pétrole, c’est un crime que les autorités ne donnent pas suffisamment d’argent pour les institutions de santé. Le martyre des 6 personnels soignant est donc dans son intérêt.

Un « happy end » est il encore possible ?

Les fortes critiques et le soutien venant du monde entier nous donne encore un espoir quant au sort des condamnés.

Il est nécessaire que les grands acteurs de la scène internationale et que la Bulgarie aient une action coordonnée, afin de faire pression sur les autorités libyennes pour que les innocents condamnés soient relâchés.

Depuis le 1er du janvier 2007, la Bulgarie est un Etat Membre de l’EU. Il est donc raisonnable de pensée que l’Union jouera un plus grand rôle dans l’affaire de Benghazi. Mais l’expérience de cette situation nous montre que si une solution sera trouvée, elle ne sera ni rapide ni aisée.

Images :

* Libyan High Court in Tripoli 19 December 2006 ; source : Flickr

* Poster of Muammar al-Gaddafi ; source : Flickr

A voir sur le web : Bulgaria-France.net

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