Lier les Etats comme solution à la guerre : l’exemple européen

, par Jérôme Quéré

Lier les Etats comme solution à la guerre : l'exemple européen
National Archives USA - débarquement en Normandie - Domaine Public (source : wikipedia)

Les conflits inter-étatiques reviennent sans cesse ponctuer les informations, devenant presque banals pour certaines régions. Des bombes éclatent, des civils sont tués. On ne sait plus vraiment pourquoi, on ne nous explique pas vraiment non plus. On le prend pour un fait établi. La guerre est présente depuis si longtemps dans certaines régions que l’on ne cherche plus la source des problèmes.

Cet état de fait viendrait à confirmer les théories dites « réalistes » selon lesquelles les relations internationales seraient gouvernées par l’alternative de la guerre et de la paix. Raymond Aron, dans son ouvrage Paix et guerre entre les nations publié en 1962, parle de l’inéluctabilité de la guerre au vu de la nature belliqueuse de l’être humain. Les États veulent par essence imposer leurs volontés, la guerre étant l’ultime recours. La fin est de vaincre pour imposer et non de vaincre pour vaincre.

L’Union européenne, un contre-exemple à promouvoir

Pourtant, un contre-exemple vient infirmer cette théorie. Depuis ses origines, l’Union européenne s’est engagée dans la promotion de la paix. Son existence même prouve que les relations entre États, y-compris celles d’ennemis historiques, peuvent être pacifiées grâce à une institutionnalisation de celles-ci.

L’opposition aux empreintes fatalistes de ces théories existe de longue date. Emmanuel Kant s’y est opposé dès le XVIIIe siècle, dans son ouvrage "Projet de paix perpétuelle", publié en 1795. Kant croyait en la paix entre les Nations par le biais d’une organisation mondiale qui aurait inspiré la création des Nations Unies.

Bertha Von Suttner, figure du féminisme et pacifisme européen de la fin du XIXème siècle, avait la vision d’un pacifisme international, au-dessus des partis et plaidait pour une politique mondialisée des traités et des tribunaux d’arbitrage entre les Nations [1].

Un marché commun liant les ennemis d’hier et permettant une paix durable

Les pères fondateurs de la Communauté européenne, voulant mettre un terme à ces guerres sans fin au sein du continent européen, sont partis du postulat de Montesquieu selon lequel « le commerce est une douce alternative à la guerre ». Ils ont donc favorisé une coopération économique étroite entre les ennemis d’hier. Le marché commun est une garantie de paix durable en Europe. La construction européenne a essuyé des critiques en ce qu’elle se concentrait sur l’économie et s’éloignait des individus qui la composaient. Mais on ne doit pas oublier que le marché commun, souvent incompris, a été réalisé au service de la paix. L’élargissement de ce marché commun aux pays d’Europe centrale et orientale, anciennement à l’Est du rideau de fer, a mis fin à la division qui régnait sur le continent. Les pulsions de protectionnisme étatique et les remises en question de la liberté de circulation au sein de l’espace Schengen ne font que l’affaiblir, ce qui pourrait mettre en danger cette paix tant recherchée. S’il n’est pas parfait, le marché commun ne mérite pas tous les maux de la crise actuelle et ne doit pas être remis en cause.

Une tentative d’exportation du modèle européen

L’Union ne s’est pas contentée d’assurer la paix entre ses membres, elle le promeut également dans la sphère internationale. L’approche européenne du maintien de la paix s’appuie sur la consolidation de la démocratie et la coopération économique. L’Union européenne essaye ainsi d’enjoindre ces valeurs à ses partenaires, à travers les tant controversées clauses politiques dans ses Accords de Partenariat Économique notamment. Elle subordonne certaines concessions tarifaires, ses aides au développement au respect des Droits de l’Homme et à la bonne gouvernance. Les Accords de Partenariat Économique sont censés s’appuyer sur des intégrations régionales, permettant la stabilité dans la région concernée. Cela pourrait permettre à des pays traditionnellement en conflit de prendre exemple sur l’Union et d’assurer une paix durable qui leur serait profitable au vue du développement économique possible, notamment en étant plus attractif du point de vue des investissements étrangers. A l’heure actuelle, seul un accord complet de ce type a été conclu avec les États du CARIFORUM (États de la Caraïbe). Les pays partenaires sont récalcitrants car ils voient dans ces accords une certaine forme de néocolonialisme.

Une Union défenseur de la paix dans le monde

L’Union européenne ne dispose pas uniquement de son influence économique pour promouvoir la paix. Elle s’engage aux côtés de ceux qui œuvrent pour la démocratie. Le 26 octobre, le Parlement européen a ainsi décerné le prix Sakharov à deux dissidents iraniens pour récompenser leur « liberté de l’esprit ». L’avocate Nasrin Sotoudeh et le cinéaste Jafar Panahi sont reconnus pour leur combat pour les Droits de l’Homme.

L’Union prend également régulièrement position contre les crimes de guerre et la répression de la démocratie. De par son statut d’observateur aux Nations Unies depuis le 3 mai 2011, elle peut prendre la parole d’une seule voix pour exprimer ses prises de position internationale. Son haut représentant pour la politique extérieure de l’Union européenne a la charge d’exprimer ses positions dans les organisations internationales et au sein des conférences internationales depuis le traité de Lisbonne.

L’Union européenne, dont certains anticipaient la chute il y a peu, est l’exemple, tant dans sa configuration interne que dans son volet externe, que l’institutionnalisation des relations entre États est la bonne voie pour la consolidation de la paix. Le prix Nobel de la paix qui lui a été accordé cette année semble aller dans ce sens. On ne peut que souhaiter que d’autres prennent exemple sur ce modèle, ce qui pourrait être la solution face à l’incapacité de l’ONU de régler les conflits internationaux.

Notes

[1Pour plus d’information, voir la thèse de Marie-Antoinette Marteil : L’œuvre de Bertha von Suttner de 1880 à 1897 une aristocrate autrichienne en rupture avec la tradition, soutenue le 15 juin 2012 à l’Université François Rabelais de Tours.

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