Louis Le Pensec : « Nous sommes passés d’un texte fondateur porteur de valeurs à un règlement intérieur »

, par Fabien Cazenave

Louis Le Pensec : « Nous sommes passés d'un texte fondateur porteur de valeurs à un règlement intérieur »

A l’occasion des États Généraux de l’Europe du 21 juin 2008 à Lyon, le Taurillon interroge Louis Le Pensec, président de l’Association du Conseil des Communes et Régions d’Europe (AFCCRE). L’ancien Ministre revient pour nous sur le rapport des citoyens à l’Europe.

Le Taurillon : Vous êtes Président de l’AFCCRE. Quel est son objet ?

Louis Le Pensec : L’Association du Conseil des Communes et Régions d’Europe (AFCCRE) a été créée en 1951 pour promouvoir la construction d’une Europe du citoyen et pour permettre une représentation plus forte des collectivités territoriales dans cette construction.

L’AFCCRE compte aujourd’hui près de 2000 membres, communes, départements, régions et structures intercommunales. Sont donc rassemblés toutes les collectivités territoriales au delà des clivages politiques dans un seul et même but ; s’investir pour que l’Europe soit plus proche des citoyens et qu’elle reconnaisse et respecte l’autonomie locale.

Lieu de réflexion et d’échanges, l’AFCCRE est aussi une source d’information et de conseil sur l’actualité des politiques européennes intéressant les collectivités territoriales. Notre Association à ouvert un certain nombre de commissions de travail : Commission « Cohésion Territoriale », « Environnement et développement durable », « Europe élargie », « Europe et service publics locaux », « Commission Franco-Allemande ». Notre Association est la branche française du Conseil des Communes et Régions d’Europe, réseau européen qui regroupe près de 100 000 collectivités territoriales. Elle est également présente sur la scène internationale en tant que membres de Cités et Gouvernement Locaux Unis.

De plus, l’AFCCRE anime le mouvement des jumelages européens en France. Elle aide les collectivités locales dans la recherche de partenaires en Europe. Elle les conseille dans la préparation de leurs projets européens et elle les accompagne dans la recherche de soutiens communautaires à leurs activités d’échange et de coopération. Depuis la création de l’AFCCRE mes prédécesseurs à la tête de l’association ont été successivement Édouard Herriot, Gaston Deferre, Jacques Chaban-Delmas et Michel Barnier.

Le Taurillon : Vous allez participer aux EGE le 21 juin à Lyon sur la thématique de l’Europe au quotidien. En quoi l’Europe touche-t-elle le citoyen au quotidien dans sa vie de tous les jours ?

Louis Le Pensec : Tout d’abord, si j’ai répondu à l’invitation des organisateurs des États Généraux de l’Europe, c’est qu’il s’agira, de fêter l’Europe et de la célébrer comme un espace de découverte, de dialogue, de coopération et de solidarité. Si l’Union européenne a été créée, c’est pour pouvoir régler à plusieurs des questions qu’il est plus difficile voire impossible de régler seul. Par exemple, dans un marché intérieur comprenant 27 pays, il est indispensable d’avoir partout les mêmes règles en matière de protection des consommateurs, de sécurité alimentaire ou de santé publique.

La préservation de l’environnement, la lutte contre la pollution, le développement des énergies renouvelables sont des politiques qui, si elles ne sont pas menées au niveau communautaire auront un impact insignifiant sur le bien être de nos concitoyens. La cohésion territoriale est une politique européenne à laquelle nous sommes très attachés.

Dans le cadre de cette politique menée au niveau régional et local, des milliers d’équipements allant de points multiservices en zone rurale à la future ligne TGV Ouest, en passant par l’accès à l’ADSL, ou encore des structures d’élevage modernes sont réalisés grâce à des aides financières de l’Union européenne. Et nous avons, avec quatorze autres pays, la même monnaie dans notre portefeuille…

Le Taurillon : Pourquoi dès lors le citoyen a-t-il l’impression que l’Europe se trouve à « Bruxelles », dans un imaginaire lointain ?

Louis Le Pensec : Si le sentiment d’appartenance à une communauté relève de l’imaginaire -au sens de l’image que l’on se fait de cette communauté-, il relève également de l’histoire de chacun, de ses origines, de sa situation professionnelle ou de la vie quotidienne tout simplement.

Un Européen qui revient d’un séjour aux États-Unis et traverse le portail « ressortissants européens » à l’aéroport peut visualiser sa citoyenneté européenne. Un étudiant qui passe une année en Erasmus à Heidelberg et qui partage son logement avec des camarades hongrois, grecs et suédois se sent dans une ambiance européenne. Une élue Irlandaise qui siège dans le Conseil municipal d’une commune d’Auvergne exerce sa citoyenneté européenne d’une manière active. Un Hollandais marié à une Espagnole et dont les enfants sont scolarisés dans la ville anglaise où ils habitent ont même l’Europe dans leur univers affectif. L’impression d’une Europe lointaine, donc ailleurs, vient souvent du fait que la majorité des Européens, dans leur vie quotidienne, ne sont pas suffisamment « stimulés » comme dans les cas que je viens de mentionner.

N’oublions pas par ailleurs que l’Union Européenne s’est vue confier par les États membres un rôle de réglementation dans certains domaines et des missions de coordination, d’harmonisation, d’accompagnement dans d’autres secteurs. La Commission européenne est une administration de conception. Elle ne délivre pas de services ou de prestations selon les modalités auxquelles nous sommes habituées. Par exemple, il n’y a pas d’école européenne, « l’Europe » ne construit pas de routes, elle ne délivre pas de permis de conduire, de papiers d’identités... « L’Europe » ne nous amène pas à accomplir toutes ces démarches qui, au cours de notre vie, nous mettent en contact avec l’institution. De plus, l’Union européenne n’exécute pas elle-même les politiques qui lui sont demandées par les États membres. Elle ne dispose d’aucun service déconcentré. La majorité des mesures adoptées par l’Union sont mises en œuvre par les États membres et les collectivités territoriales. Nombre de lois votées par les Parlements nationaux sont des transcriptions en droit national de directives communautaires. Il faut lire très attentivement nos textes de loi pour s’en apercevoir.

Enfin, nos institutions, qu’elles soient nationales ou locales, ne sont pas exemptes de tout reproche quant au manque de visibilité de l’Europe. Combien de soutiens financiers sont accordés sans que leur origine communautaire ne soit mentionnée ? Combien de jeunes agriculteurs savent-ils qu’une partie de leur subvention d’installation est versée par « l’Europe » ? N’avons-nous jamais entendu de responsables politiques exprimer de sévères critiques sur telle ou telle législation communautaire alors qu’ils l’ont eux-mêmes négociée avec leurs collègues des États membres ?

Et le fait que des éléments aussi simples que les symboles de l’Europe (la Devise de l’Europe, l’Hymne et le Drapeau européens), mentionnés au projet de Traité constitutionnel n’aient pas été repris dans le Traité de Lisbonne prouve bien le manque de volonté de donner un minimum de visibilité à l’Union européenne.

Peut-être est-ce une des raisons qui a conduit nombre d’Irlandais à voter non ? Nous sommes passés d’un texte fondateur porteurs de valeurs à un règlement intérieur. A force de vider les textes de leur substance on peut comprendre que certains ne s’y reconnaissent plus.

Le non Irlandais et avant lui, celui de la France et des Pays-Bas, montrent que le fossé se creuse entre l’Europe et ses citoyens. On assiste peu a peu à un repli sur soi qui fait ressurgir le débat, que je juge stérile du « pour ou contre l’Europe ». Depuis plusieurs années, nous avons attiré l’attention des gouvernements des Etats membres sur le rôle que jouent les collectivités territoriales dans l’élaboration d’une Europe plaçant le citoyen au cœur de son projet.

En tant qu’échelon de base de la démocratie, les collectivités territoriales peuvent peser sur les politiques européennes en s’organisant et en s’appropriant les sujets qui concernent les citoyens européens. Actuellement, notre association et ses partenaires membres du Conseil des Communes et Régions d’Europe, suivent de très près l’évolution de la législation sur les services publics locaux. Nous avons la ferme intention de les sauvegarder et de les faire reconnaître sur le plan communautaire.

Cela ne nous empêche pas d’encourager communes, départements et régions à s’engager dans des partenariats, à rendre plus visible l’intervention financière de l’Union dans leurs territoires, à mettre en place des structures d’information sur l’Europe et à célébrer l’Europe à travers leurs échanges.

Le Taurillon : Que peut apporter la société civile pro-européenne au débat sur l’Europe ?

Louis Le Pensec : Qu’elles aient une vocation européenne plus ou moins clairement affichée, les associations, les organisations de jeunesse, les collectivités territoriales peuvent agir efficacement pour que les réalités européennes soient connues par le plus grand nombre. Chacun doit agir avec ses capacités et ses compétences. Il faut penser l’Europe, la construire. Il faut aussi la montrer, l’expliquer et la pratiquer pour mieux la comprendre et pour mieux nous comprendre. Je crois beaucoup aux vertus de la stimulation. Je trouve dommage, par exemple, que l’on ne joue pas l’Hymne européen lors de compétitions sportives entre deux équipes européennes. Rien ne nous empêche de pavoiser nos mairies aux couleurs européennes le 9 mai. Je connais une commune française qui arbore, à côté des drapeaux français et européen, le drapeau du pays qui assure la Présidence de l’Union européenne. De plus en plus de mairies ont un Point d’Information Europe qui renseigne le public et assure des animations locales.

Parcourir l’espace européen et y faire des rencontres est également un excellent stimulus. Les programmes Erasmus, Comenius, Leonardo Da Vinci (du nom de grands voyageurs), le Programme Jeunesse en Action, que l’Union européenne a inventés il y a 20 ans, sont extraordinaires. Les jeunes qui en ont bénéficié en redemandent. Ces dispositifs sont tellement plébiscités que de plus en plus de villes, de départements et de régions fournissent des moyens supplémentaires pour en élargir l’accès. Il existe également un programme appelé "l’Europe pour les Citoyens" qui soutient notamment les échanges grand public entre villes jumelées. Les collectivités territoriales coopèrent étroitement dans le cadre du programme Interreg.

Il faut continuer sur cette voie et même amplifier le mouvement. Car ces échanges sont bénéfiques à tous points de vue. Ils permettent a chacun un épanouissement personnel indiscutable, mais surtout ils impliquent une mise en situation dans un nouvel élément (langue, codes culturels et comportementaux…) qui stimule la curiosité, l’observation, l’ouverture d’esprit et qui, à force d’imprégnation, développe la sensation d’évoluer dans une communauté plus vaste que celle à laquelle on imaginait appartenir.

États Généraux de l’Europe le 21 juin à Lyon

Un évènement de la société civile, festif et populaire

Les États Généraux de l’Europe (EGE) sont conçus avant tout comme un lieu de débats ouverts et accessibles au grand public sur les enjeux européens. Ils sont organisés par la société civile, en toute indépendance, dans une approche pluraliste, en coopération avec les autorités publiques nationales et locales. Organisés sur une journée, les EGE se décomposent essentiellement en trois types d’activités :

• 2 plénières :

 Plénière d’ouverture : de grandes figures européennes lanceront cette grande journée de débats en évoquant la citoyenneté européenne sous ses différentes déclinaisons : économique et sociale, politique et culturelle. Avec notamment : Giorgio Napolitano, Président de la République d’Italie ; Jean-Pierre Jouyet, Secrétaire d’État chargé des Affaires européennes ; Jacques Delors, ancien Président de la Commission européenne ; François Chérèque, Secrétaire Général de la CFDT, Elie Barnavi, Historien.
 Plénière de clôture : des députés européens de tous pays et des responsables français, seront interpellés par les trois représentants des associations organisatrices (Europanova, le Mouvement Européen - France et Notre Europe) pour réagir aux questions posées pendant la journée dans le cadre des ateliers-débats. A un an des élections européennes, les députés européens mettront en lumière la pluralité des sensibilités et des positions présentes au Parlement européen. Avec notamment : Daniel Cohn-Bendit, Martine Roure, Alain Lamassoure, Pat Cox, etc.

• 18 ateliers-débats autour des trois thèmes suivants :

 les outils de la démocratie en Europe (le droit de vote, la représentativité des citoyens, l’échange des idées par internet…)
 les échanges humains en Europe (la mobilité des jeunes, le sport, la santé, la culture, …)
 les responsabilités de l’Europe (la mondialisation, le développement durable, la responsabilité sociale des entreprises, les migrations…).

Ces tables rondes ont été conçues pour donne l’occasion à tous de s’exprimer et dialoguer avec des responsables européens, locaux, des syndicalistes, des chefs d’entreprises, des journalistes, des écrivains de tous horizons, sur l’Europe ! Seront notamment parmi nous : Michel Barnier, Jacques Barrot, Tommaso Padoa-Schioppa, Elisabeth Guigou, Bronislaw Geremek, Gérard Onesta, Bernard Soulage, Mercedes Bresso, Jean Besson, Didier Jouve, Thierry Philip, Jean-Michel Aulas, etc.

• Des activités ludiques seront proposées tout au long de la journée :

 Des activités pour les plus jeunes permettront aux parents de faire découvrir l’Europe à leurs enfants. Un spectacle pour enfant et des jeux « européens » seront prévus pour eux !
 Le café littéraire sera l’occasion de rencontrer les auteurs de livres consacrés à l’Europe avec la présence de Jean-Noël Jeanneney, ancien président de la Bibliothèque Nationale de France, de Guy Verhofstadt, ancien Premier ministre Belge, de Daniel Henri auteur du manuel d’histoire franco-allemand, etc.
 Le village européen rassemblera tous les partenaires de l’évènement.
 La simulation des travaux du Parlement européen. Pour fêter les 50 ans du Parlement européen, la « simulation » rassemblera près de 500 jeunes citoyens de 15 à 22 ans, de la région mais également d’Italie. Ils débattront et voteront une résolution sur « la participation des citoyens européens au développement durable ». La résolution, sera remise à Didier Jouve, Vice Président de la Région Rhône-Alpes, comme une des contributions à l’élaboration d’une vision partagée de Rhône - Alpes au 21ème siècle. Elle sera également remise symboliquement aux Députés européens.

Les associations impliquées dans l’organisation :

Action fédéraliste - Socialisme et Liberté, AFCCRE, Association Européenne Des Enseignants, Agence de l’Education par le Sport, Association réalités et relations internationales, Banlieues d’Europe, Bouge ta ville, bouge l’Europe !, Bruegel, cafebabel.com, FONDA/CAFECS, CCMSA, Cercle des Européens, Centre des Jeunes Dirigeants, CFDT, CGI, Chambre de Commerce et d’Industrie de Lyon, CIDEM, CIMADE, Commission européenne, Commission pour l’étude des Communautés Européennes, Communauté urbaine Grand Lyon, Confrontations Europe, Conseil Général du Rhône, Conseil Général des Jeunes du Rhône, Conseil régional Rhône-Alpes, Conseil syndical interrégional Alpes Arc alémanique, Débarquement jeunes, Decitre, EAPN France, EUCIS-LLL, EUNIC, Euractiv.fr, European Coalition for Corporate Justice, Europe Direct Rhône-Alpes, Europe et mondialisation, Europe et Société, Euros du Village, Fédération des centres sociaux, Fondapol, Fondation Armée du Salut, Fondation Robert Schuman, Forum civique européen, French American Foundation, GENEPI, GISTI, GL Events, Goethe Institut – Lyon, Groupe des Belles feuilles, Imagine ton futur, Institut ASPEN France, Institut de la Protection Sociale Européenne, Jeunes Européens – France, Jeunes Décideurs Europe Young leaders, Jeunesse Ouvrière Chrétienne, L’Europe à la Une, Ligue de l’enseignement, Ligue Européenne de Coopération économique, Maison de l’Europe, Movimento Federalista Europeo – Italie, Ministère des Affaires étrangères / Secrétariat d’Etat aux Affaires européennes, Mouvement rural de jeunesse chrétienne, Musée de l’Europe, Musée des confluences, Mutualité Sociale Agricole, Nouvelle Europe, Parlement européen, Parlement européen des jeunes, Plateforme sociale européenne, Pole européen de Lyon et Rhône-Alpes-Réalités européennes du présent, Sauvons l’Europe, Secours catholique, Sport et Citoyenneté, Taurillon, Terra Nova, Touteleurope.fr, UEF - Rhône-Alpes, Union pour une Europe Fédérale, UNIOPSS, URIOPSS Rhône-Alpes, UNSA, Ville de Lyon / Communauté urbaine.

Illustration :
 logo de l’AFCCRE
 photographie de Louis Le Pensec

Merci à Philippe Tarrisson pour sa collaboration et son aide dans la préparation de cette interview.

Biographie de Louis Le Pensec

Ancien Ministre / Sénateur du Finistère / Président de l’Association Française du Conseil des Communes et Régions d’Europe.

- Responsabilités actuelles : Sénateur / Maire –Adjoint de Mellac (Finistère) / Vice-Président international du Conseil des Communes et Régions d’Europe / Membre du Conseil mondial et du Bureau exécutif de Cités et Gouvernements Locaux / Membre du Conseil national du développement durable / Membre de la Commission Nationale de la Coopération Décentralisée / Membre de la Délégation du Sénat pour l’Union européenne

- Fonctions antérieures : Maire de Mellac de 1971 à 1997 / Député du Finistère de 1973 à 1997 / Ministre de la Mer en 1981 et 1988 / Ministre des Départements et Territoires d’Outre-Mer jusqu’en 1993 / Ministre de l’Agriculture et de la Pêche de 1997 à 1999 / Vice-Président du Conseil Général du Finistère jusqu’en 2008

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