Lutte contre la fraude fiscale, la gouvernance européenne une fois de plus désavouée

, par Ferghane Azihari

Lutte contre la fraude fiscale, la gouvernance européenne une fois de plus désavouée
Auteur : Redfishingboat (Mick O)

L’actualité européenne est dominée par ce qui est présenté comme la lutte contre la fraude fiscale et les paradis fiscaux. Ainsi cette lutte était au menu du Conseil européen du 22 mai 2013. Bien qu’Herman Van Rompuy, président de l’institution, parle d’une rencontre « aussi brève qu’efficace », il y a lieu de s’interroger sur l’efficacité de la gouvernance européenne quand on sait que l’intervention des États-Unis s’est avérée décisive. Face à de telles carences, une réforme de la gouvernance européenne est nécessaire et indispensable...mais les dirigeants européens l’ont-ils seulement compris ?

Les origines de la prise de conscience

Mais il convient tout d’abord de se demander d’où vient ce soudain engouement pour les paradis fiscaux qui, rappelons le, étaient supposés avoir été éradiqués sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Plusieurs éléments ont suscité le réveil des dirigeants politiques en France, en Europe et même dans le Monde.

La crise des Finances Publiques que connaissent une grande partie des pays avancés y est pour quelque chose. A l’heure où la plupart des États sont obligés de vivre au rythme de l’austérité et que les contraintes budgétaires peinent à être maîtrisées, on ne peut que réagir vivement aux publications d’un consortium de journalistes d’investigation (Offshore leaks) qui livrent des chiffres vertigineux quant aux pertes générées par la fraude fiscale et autres pratiques plus ou moins légales pour éviter l’impôt. Selon le Parlement européen, ces sommes s’élèveraient à 1000 Milliards d’euros.

Avec l’affaire Cahuzac en France, les controverses quant à la stratégie fiscale des entreprises au Royaume-uni ou aux États-Unis, on peut légitimement se réjouir du timing de la publication des révélations susmentionnées qui ne peuvent que conforter la tendance internationale allant a priori vers une lutte plus sérieuse contre les paradis fiscaux et la fraude fiscale. Mais à l’échelle européenne, on peut également regretter un certain retard dans la prise de conscience des dirigeants européens...

L’Europe et la fiscalité, vingt ans de retard

Les principales controverses fiscales intracommunautaires se concentrent autour d’États tels que le Luxembourg, l’Autriche, Andorre, Monaco, Chypre, l’Irlande et le Liechtenstein. Ils sont blâmés par certains États européens qui leurs reprochent d’être des paradis fiscaux en ce qu’ils seraient complices de la fraude fiscale, notamment par le biais de leurs éventuels secrets bancaires, complice d’organisations criminelles en raison de l’opacité des activités financières ou encore complice de l’évitement fiscal en ayant une fiscalité parfois jugée beaucoup trop généreuse (dumping fiscal).

Alors ou est le vrai du faux ? Cette question ne se poserait même pas si tous les problèmes de fiscalité avaient été réglés avant l’adoption de l’euro. La question que l’on est en droit de se poser est alors la suivante : comment les dirigeants européens ont-ils pu faire preuve de tant de négligence vingt ans plus tôt en pensant qu’un système économique composé uniquement d’un marché, d’une monnaie et d’une banque centrale serait soutenable ? Mais le mal étant déjà fait, il ne nous reste plus qu’à appliquer les solutions que l’ont connaît tous afin de parachever l’union économique et monétaire. Mais l’état de notre gouvernance nous permet-il d’aller dans ce sens ? Rien n’est moins sûr...

Le pouvoir normatif fiscal de l’UE, une impuissance humiliante

Les traités imposent l’unanimité pour toute action relative à la fiscalité. C’est pour cela que l’Union ne peut nullement contraindre un État, par la norme, à cesser un comportement qu’elle juge contraire aux intérêts du marché commun et que c’est l’intervention des États-Unis, qui profitant des facteurs géo-économiques, s’avère décisive pour résoudre un problème avant tout européen. Ainsi le Luxembourg envisage sérieusement d’abandonner son secret bancaire grâce ou à cause de la menace américaine de représailles économiques et commerciales et nullement grâce à l’action européenne.

Réformer la gouvernance de l’Union, une priorité absolue.

Une fois encore, le caractère confédéral de l’Union la rend impuissante face aux enjeux les plus impérieux. A cet égard, on ne peut être que sceptique lorsqu’on entend le Président français annoncer un « gouvernement économique » de la zone euro composé de ministres des finances qui se réunira une fois par mois. On est ainsi bien loin des rencontres hebdomadaires du Conseil des ministres à l’échelle nationale. Une telle cosmétique intergouvernementale prouve que les leçons de la crise que nous traversons, et qui est avant tout rappelons le politique et non économique, n’ont pas été tirées. A croire que les questions économiques peuvent être dissociées des questions sociales, environnementales, industrielles, politiques, institutionnelles, agricoles etc. On peut le regretter mais ce n’est hélas pas comme ça que les choses fonctionnent. Une politique économique s’inscrit dans une vision globale et non dans une approche strictement sectorielle. Une telle proposition, qui n’exprime en vérité que la même philosophie souverainiste qui gangrène le projet européen depuis soixante ans ne peut nullement être qualifiée d’européïste. Les élections européennes de 2014 vont hélas nous le confirmer.

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