Zum ewigen frieden / Entwurf

Pour la Paix perpétuelle, Projet philosophique

par Emmanuel Kant

, par Ronan Blaise

Pour la Paix perpétuelle, Projet philosophique

Deux obsessions dominent la pensée et la littérature européennes modernes depuis la Renaissance, deux rêves où s’exprime, à travers tout notre continent, une même insatisfaction devant le cours du monde : le rêve d’une société parfaite et celui de la paix entre les nations.

Parmi ces deux formes du « Principe espérance » : la pensée irénique, cette « pensée de la paix » lancée aux tous débuts de cette période par les Humanistes de la Renaissance (tels Erasme...) et reprise, ici, au moment de la Révolution française par l’Humanisme classique allemand qui, comme on va le voir ici, a joué un rôle tout particulier dans la transmission de cet héritage spirituel et philosophique.

L’essai philosophique « Pour la Paix perpétuelle / Projet philosophique » d’Emmanuel Kant (« Zum ewigen frieden / Entwurf ») a été rédigé en 1795, dans le contexte de la Révolution française et de l’explosion d’un conflit alors à venir d’environ un quart de siècle entre la France révolutionnaire et l’Europe monarchique.

On y retrouve les idées d’un ordre juridique et politique « cosmopolitique » à promouvoir entre les États (et entre des Nations trop souvent en conflit).

Et ce, par la reconnaissance d’une norme de Droit juridiquement supérieure aux seules souverainetés particulières. On y retrouve de même, ainsi, l’idéal « fédéraliste » de promotion d’un nouvel ordre international basé sur l’abandon des souverainetés nationales et sur leur soumission volontaire à un « ordre supérieur » pour sortir, enfin, de l’Etat de nature, d’anarchie et de lutte de tous contre tous (sinon de loi du plus fort...) qui -jusque là- régissait les rapports entre États et Nations.

Pour des États entretenant des relations réciproques, il n’est d’autre moyen rationnel pour sortir de l’état anarchique, qui ne renferme que la guerre, que de renoncer, tout comme les individus, à leur liberté sauvage.

Ouvrage où l’on apprend, entre autres choses, que le nouveau Droit international devra ainsi être fondé sur un « fédéralisme d’États libres » instituant entre eux et d’au-dessus d’eux un pouvoir législatif, exécutif et judiciaire à même de régler pacifiquement leurs conflits.

Car « pour des États entretenant des relations réciproques, il n’est d’autre moyen rationnel pour sortir de l’état anarchique, qui ne renferme que la guerre, que de renoncer, tout comme les individus, à leur liberté sauvage (sans lois), de s’accommoder de lois publiques contraignantes et de former ainsi un Etat des peuples (civitas gentium) qui, s’accroissant sans cesse, finirait par englober tous les peuples de la terre ».

Cet essai, principal manifeste philosophique moderne pour la paix, se trouve ici replacé -grâce à une anthologie de textes commentés- dans l’ensemble de l’oeuvre de Kant (dont on retrouve -ici- quelques extraits des oeuvres « iréniques » emblématiques...) et dans ce vaste courant de pensée qui part de l’Humanisme de la Renaissance (et d’Erasme...), pour nous conduire jusqu’à Freud (en passant ainsi par Hugo de Groot dit Grotius, l’Abbé de Saint-Pierre, Jean-Jacques Rousseau, Fichte, Görres, Clausewitz, Marx et Engels, etc.).

Cette vaste anthologie nous permet ainsi de découvrir quelques exemples et quelques développements remarquables de la réflexion philosophique moderne sur la guerre et la paix ; tous ces ouvrages ayant pour point commun évident l’exigence d’un dépassement nécessaire des comportements particuliers, en l’absence de toute autre garantie « dans les seuls mécanismes de la nature », pour enfin établir entre nous la paix véritable : une paix qu’on espère, comme Kant, perpétuelle.

Comme l’indique l’éditeur « La présente édition met ainsi parfaitemnt en lumière, à l’intention d’un vaste public, la signification philosophique et les enjeux historiques de ces textes visionnaires ».

Néanmoins, on remarquera ici très rapidement que Kant, ce grand philosophe idéaliste s’il en est, avait parfaitement perçu les limites de l’idéalisme en seuls termes de politique (et de la nécessité d’ancrer vraiment l’idéalisme dans le réel en lui donnant une consistance « technique » véritablement tangible...).

Car c’est en cela que l’oeuvre de Kant sort véritablement des rangs du seul pacifisme idéaliste traditionnel de tous temps. En effet, en faisant -dans cet ouvrage- la promotion des idées fédéralistes et de leur mode opératoire, Kant nous propose ainsi un « modus operandi » concret et un « chemin » réaliste pour ainsi mieux nous conduire vers l’idéal...

Car c’est à ce titre que l’émergence des idées kantiennes dans ce débat marquent alors à la fois un prolongement et un nouveau départ pour les idées pacifistes ; en leur proposant ainsi un nouveau cadre de mise en pratique, sinon le cadre de l’épanouissement : l’application concrète des principes fédéralistes.

Bonnes lectures fédéralistes, donc...

« Pour la Paix perpétuelle, Projet philosophique »

par Emmanuel Kant

(suivi d’un choix de textes sur la paix et la guerre d’Erasme à Freud).

Traduction, introduction, choix des textes et notes par Joël Lefebvre (Professeur de Littérature et d’Idéologies allemandes à l’université de Lyon).

Ouvrage publié aux Presses universitaires de Lyon, en 1985 ; édition au livre de poche, dans la collection « classiques de la Philosophie » (n°4669).

(190 pages / 04,55 euros).

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