Pour une harmonisation de la fiscalité européenne du travail

, par Olivier Beddeleem

Pour une harmonisation de la fiscalité européenne du travail

La renégociation de la convention fiscale franco-belge met en valeur la nécessité d’harmoniser les fiscalités européennes sur les revenus du travail.

La fiscalité est un domaine qui est peu harmonisé dans l’Union européenne. Chaque pays gère lui-même sa fiscalité, indépendamment des autres, et peut donc choisir quels contribuables il taxera et quel impôt il va créer. Afin d’éviter les doubles impositions, les Etats ont conclu entre eux des conventions fiscales bilatérales qui déterminent la résidence fiscale d’un contribuable qui perçoit des revenus de plusieurs pays, et organisent la répartition de la taxation entre ces pays. Or, la différence de taxation entre les pays peut conduire à des stratégies fiscales aux effets néfastes.

La fiscalité franco-belge du travail

Un bon exemple de cette situation est la fiscalité franco-belge. En 1964, la France et la Belgique ont conclu une convention fiscale afin d’organiser leurs relations fiscales. Cette convention reprend le modèle proposé par l’OCDE et prévoit donc qu’un contribuable sera résident fiscal d’un seul pays, en principe au lieu où se trouve sa famille, même s’il perçoit des revenus ou travaille dans l’autre pays. Une telle convention est très utile car en l’absence de convention, un résident français qui travaillerait en Belgique pourrait dans certaines conditions être imposé sur son salaire à la fois en France et en Belgique ! La convention fiscale franco-belge prévoit également que les salaires sont en principe imposés dans le pays d’exécution du travail. Toutefois, en 1964, les deux pays avaient décidé de créer un statut particulier de travailleur frontalier, afin d’inciter les travailleurs d’un coté de la frontière à accepter des offres de travail de l’autre coté de la frontière, dans une zone de moins de 20 kilomètres de celle-ci. Selon ce statut, un travailleur frontalier paie ses impôts sur son travail dans son pays de résidence, et non au lieu d’exécution du travail. A l’époque, chacun des pays connaissait une situation de plein emploi et la France, comme la Belgique, avait intérêt à amener à elle les compétences dont elle manquait mais dont l’autre pays bénéficiait.

Une convention devenue insupportable pour la Belgique

Cette convention était intéressante pour chacun des pays signataires, jusqu’au jour où le chômage a fait son apparition de part et d’autre de la frontière, en France et en Wallonie. Lorsque les emplois sont devenus plus rares, les français ont en masse traversé la frontière et aujourd’hui, 30.000 salariés traversent tous les jours la frontière pour travailler en Belgique. Ceci est d’autant plus courant que la fiscalité française du travail, grâce à la règle du quotient familial, est beaucoup plus intéressante pour le salarié que la fiscalité belge du travail. Inversement, seuls 5.000 belges travaillent dans la zone frontalière française. Cette situation est devenue insoutenable pour la Belgique car cet afflux de main d’œuvre augmente le chômage wallon, mais alimente les caisses de l’Etat français, les impôts étant payés au lieu de résidence fiscale. Pire encore, les salariés français et belges de la même entreprise, soumis à des régimes fiscaux différents, perçoivent un salaire net fort différent.

L’avenant du 12 décembre 2008 change la donne

Le 12 décembre 2008, la Belgique a obtenu la disparition du statut de frontalier franco-belge. Cette disparition est immédiate pour les Belges travaillant en France, alors qu’elle sera progressive pour les Français travaillant en Belgique. Cette situation ne résout pas les difficultés, mais les déplace. En effet, la Belgique pourra à compter de 2012 taxer les revenus des Français qui débuteront une activité professionnelle en Belgique, mais cela va créer de nouvelles difficultés. D’abord, la fiscalité des français travaillant en Belgique sera plus importante que la fiscalité française. Les Français ne seront donc pas incités à travailler en Belgique, dans les domaines dans lesquels la Belgique a besoin de main d’œuvre.

De plus, cette situation sera d’autant plus problématique en zone flamande, qui connaît une situation de quasi-plein emploi et a donc terriblement besoin de cette main d’œuvre française. Pire encore, la nouvelle fiscalité va inciter la main d’œuvre Belge, y compris flamande, à travailler en France afin de bénéficier des conditions fiscales françaises plus favorables, rendant d’autant plus problématique la situation flamande de pénurie de main d’œuvre. Enfin, l’assèchement du marché du travail Belge se fera au détriment du marché du travail Français, où les zones frontalières franco-belges sont celles qui connaissent les plus forts taux de chômage en France.

Pour une harmonisation de la fiscalité du travail

Comme le démontre cet exemple bien réel, on tombe donc de Charybde en Sylla. Quelle que soit la solution fiscale adoptée par les Etats dans leur convention fiscale bilatérale, cela conduit à un résultat qui n’est intéressant ni pour la France, ni pour la Belgique. La solution idéale serait une harmonisation des fiscalités du travail entre les Etats. Ainsi, le choix de travail dans un pays ou un autre ne serait pas imposé par la fiscalité et chaque entreprise qui aurait besoin de main d’œuvre n’aurait qu’à proposer une rémunération un peu plus attractive pour inciter un salarié à franchir la frontière et remplir son besoin de main d’œuvre.

L’harmonisation européenne des fiscalités du travail n’est pas impossible … mais elle nécessite encore aujourd’hui l’unanimité des Etats membres et une volonté politique encore hypothétique.

Illustration Pièce d’euro grecque.

Source : Flickr, Taking Owls to Athens

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