Pour une politique communautaire de l’énergie (II)

La marche vers une politique communautaire de l’énergie

, par Maud Rolhion

Pour une politique communautaire de l'énergie (II)

Les institutions européennes ne sont pas restées inactives sur le chantier de l’énergie. De nombreuses propositions ont été faites, notamment par la Commission afin de mettre en œuvre une véritable politique communautaire de l’énergie. Cette politique pourrait être érigée en modèle et être exportée dans le cadre d’une diplomatie européenne.

C’est à la Commission européenne qu’est revenu l’initiative d’inciter l’Union Européenne à mettre en œuvre une politique énergétique au niveau communautaire.

A ce titre, dans une communication adressée au Conseil européen et au Parlement européen du 10 janvier 2007, la Commission européenne introduit un ensemble de mesures regroupées au sein d’un Plan d’action pour l’efficacité européenne dit « Paquet énergétique » comprenant 3 grands lignes directrices et l’idée de mettre en place une réelle politique énergétique commune aux États membres.

Le « Paquet énergétique » proposé par la Commission

Au sommet de Hampton Court, le 27 octobre 2005, le Conseil européen (réunion des chefs d’État et de gouvernement) donne mandat à la Commission européenne pour élaborer une nouvelle stratégie dans le domaine de l’énergie.

De fait, en mars 2006, la Commission publie un Livre vert intitulé « Une stratégie européenne pour une énergie sûre, compétitive et durable ». Ce livre vert est suivi, le 19 octobre 2006, d’un Plan d’action pour l’efficacité énergétique (2007-2012) dans lequel la Commission propose une série de mesures visant à rationaliser la consommation d’énergie et à améliorer les capacités de production d’énergies nouvelles et renouvelables.

Par la suite, la Commission publie une communication en date du 10 janvier 2007 intitulée « Une politique de l’énergie pour l’Europe » dans laquelle elle présente un ensemble de propositions, dont la reprise du plan d’action pour l’efficacité énergétique d’octobre, appelées « Paquet énergétique ». Celui-ci se présente sur la base de 3 grands piliers. Le plan proposé par la Commission est adopté par le Conseil européen les 8 et 9 mars 2007.

Les 3 grands piliers qui constituent le paquet énergétique sont les suivants : la concrétisation du marché intérieur européen de l’énergie, la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la réduction de la consommation énergétique des européens.

1. Concrétiser le marché intérieur européen de l’énergie

L’une des priorités du plan proposé par l’exécutif communautaire est de concrétiser le marché intérieur européen de l’énergie. Pour la Commission, une des conditions préalables indispensables et impératives à la mise en place d’une politique énergétique européenne est la libéralisation des marchés de l’énergie. La Commission est en effet convaincue que le marché unique est bénéfique en terme de compétitivité, mais aussi pour le développement durable et la sécurité énergétique.

Déjà, depuis le 1e juillet 2007, les opérateurs seront libres d’offrir leurs services aux particuliers dans toute l’Union Européenne et Bruxelles exige désormais des actions supplémentaires pour arriver à terme à la séparation totale des activités de production et de distribution de l’énergie.

A cette libéralisation, la Commission entend adjoindre un contrôle réglementaire indépendant plus fort destiné à réguler le marché : elle souhaite harmoniser les réglementations et annonce qu’elle va multiplier ses inspections pour veiller à la stricte application des règles de la concurrence. En outre, davantage de transparence doit être exigée de la part des gestionnaires de réseaux pour faciliter l’entrée sur le marché de nouveau concurrent.

Il faut aussi améliorer les interconnexions entre les réseaux énergétiques (électriques et gaziers) des États membres afin de créer un véritable réseau européen avec un niveau minimal d’interconnexion de 10 %. La Commission propose également la création d’un service public de l’énergie et l’élaboration d’une « charte du client » qui viserait à faire respecter les droits des consommateurs. Enfin, elle insiste sur la nécessité de garantir la sécurité de l’approvisionnement énergétique.

2. Réduire les émissions de gaz à effet de serre

Le second pilier qui figure au plan proposé par la Commission est de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Afin de réduire la part des énergies à forte production de carbone (pétrole et gaz), la Commission fait le choix de la diversification énergétique en se fixant des objectifs chiffrés. Dans un 1er temps, la Commission propose que les pays développés, s’engagent dans un accord international, qui prendrait la suite du protocole de Kyoto (expirant en 2012) à réduire d’ici à 2020, les émissions de CO2 et d’autres gaz à effet de serre de 30 % par rapport à leurs niveaux de 1990. Avant même la conclusion de cet accord, l’Union Européenne s’engagerait aussi à réduire ses émissions d’au moins 20 %. L’objectif relatif aux énergies renouvelables sera assorti d’un objectif minimal de 10 % pour les biocarburants.

Pour atteindre ces objectifs, la Commission préconise une série de moyens. Il s’agit avant tout de recourir aux énergies renouvelables. Elle souhaite ainsi convaincre les États membres d’augmenter de 20 % la part de leurs énergies renouvelables (éolien, biocarburants, solaire…) d’ici 2020. La recherche doit aussi être développée : les investissements de l’Union Européenne dans la recherche et le développement de technologies énergétiques pourraient augmenter de moitié au cours des 7 prochaines années.

La Commission préconise également une croissance massive dans chacun des 3 secteurs utilisant des énergies renouvelables : l’électricité, les biocarburants et la climatisation. Les biocarburants de transports devraient quant à eux représenter un minimum de 10 %.

C’est aussi dans ce « paquet énergétique » que la Commission se risque à envisager l’option du nucléaire civil pour en évoquer les avantages (indépendance énergétique, pas d’émission de carbone, un moyen économique de production d’électricité avec la construction de nouvelles centrales nucléaires). Cette prise de position a été critiquée.

Pourtant, la Commission a pris soin de rappeler que chaque États membres reste libre de décider de recourir ou non à cette source d’énergie. Le programme indicatif nucléaire insiste néanmoins sur la nécessité de mener une action commune cohérente en matière de sécurité, de sûreté et de non-prolifération ainsi que concernant le démantèlement des installations et la gestion des déchets. L’énergie nucléaire représente actuellement 14 % de la consommation énergétique de l’Union Européenne et 30 % de son électricité. Parmi les pays membres de l’Union, la France et l’Estonie prônent le recours au nucléaire afin d’assurer la sécurité énergétique de l’Union Européenne et de réduire sa dépendance énergétique vis-vis de la Russie.

En 2006, la Commission a engagé l’Union Européenne à la mise en place d’un programme de recherche scientifique sur la fusion énergétique, The International Thermonuclear Experimental Reactor (ITER), chargé de développer des solutions durables à la production d’énergie. Participent au projet l’Union Européenne, la Chine, les États-Unis, l’Inde, la Russie et le Japon. L’Union européenne représentent à elle seule 45.4 % du budget du projet.

3. Faire des économies d’énergie

Le 3ème et dernier axe proposé par la Commission consiste, pour l’Union Européenne, à faire des économies d’énergie. La Commission réitère l’objectif d’économiser 20 % de la consommation totale d’énergie primaire d’ici à 2020. Si cet objectif était atteint cela signifierait que d’ici à 2020, l’Union Européenne consommerait environ 13 % d’énergie en moins par rapport à aujourd’hui, épargnerait 100 Mds de dépenses par an et éviterait la production de quelque 780 tonnes de CO2 chaque année.

En termes de moyens, ces objectifs impliqueraient de rendre par exemple plus efficaces les appareils consommateurs d’énergie : les bâtiments, les transports et la production d’énergie. De même, la Commission propose de mettre en place de nouvelles normes contraignantes en matière d’efficacité énergétique pour les bâtiments, les appareils (étiquetage), les transports et des mécanismes de financement spécifiques pour encourager le recours à des produits plus économes en énergie.

Les propositions axées sur ces 3 piliers devront être étayées par une politique externe cohérente et crédible de l’Union Européenne. Ainsi, la Commission européenne préconise une politique énergétique européenne pour laquelle l’Union parle d’une seule voix. L’accent sera mis sur cette dernière proposition.

Vers une future « diplomatie énergétique » européenne ?

Pour la Commission, « l’énergie doit devenir une partie centrale de toutes les relations externes de l’Union européenne ». C’est l’idée que l’Union ne peut pas réaliser à elle seule les objectifs en matière d’énergie et de changement climatique. L’énergie fait effectivement partie de ces domaines trans-nationaux pour lesquels une politique commune aura beaucoup plus de poids et d’influence sur la scène internationale qu’une somme de politiques extérieures indépendantes.

L’Union européenne a pour cela besoin de collaborer tant avec les pays en développés et en développement, qu’avec les consommateurs et les producteurs d’énergie. Elle se doit de développer une politique énergétique externe commune afin de toujours davantage « parler d’une seule voix » avec les pays tiers en développant des partenariats énergétiques réels avec les fournisseurs, fondés sur la transparence, la prévisibilité et la réciprocité.

Parmi les initiatives destinées à une diplomatie européenne, la Commission souhaite d’abord renforcer les accords internationaux existants. Sont ici concernés le traité sur la Charte de l’énergie (adopté en 1991 ce traité est destiné à promouvoir une coopération entre les pays de l’Union Européenne et les pays d’Europe de l’Est), le régime de l’après-Kyoto en matière de changements climatiques, et l’extension du mécanisme des échanges de quotas d’émission aux partenaires mondiaux ainsi que l’élargissement des accords bilatéraux avec les pays tiers.

La perspective de créer de nouveaux accords internationaux est aussi envisagée par l’exécutif communautaire. A ce titre, la Commission a pris une initiative majeure en proposant la mise en place d’un partenariat global entre l’Afrique et l’Europe. De plus, un accord international sur l’efficacité énergétique pourrait être également crée. Par ailleurs, la Commission estime important d’établir un partenariat équilibré avec la Russie, principal producteur d’énergie de l’Union Européenne.

A noter la proposition de Daniel Cohn-Bendit qui appelle à « considérer sérieusement la question de l’intégration du volet énergétique dans la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) » toujours exclue du champ communautaire.

Si le principe de l’établissement d’une politique énergétique commune est désormais admis, il reste bien entendu à s’entendre sur les modalités d’une telle politique.

Le Taurillon remercie le Conseil de Réflexion des Jeunes Européens - Universités de Paris de nous avoir transmis un synthèse de leurs travaux.

Illustration :
 photographie issue du site de la Commission dans la thématique "énergie".
 photographie d’un réacteur issue du site Touteleurope.fr sur la page consacrée à ITER.
 photographie d’une usine sur le site de la Commission.

Sources :
 Dossier complet : « Europe, Energie, Climat » disponible sur le Site Touteleurope.fr.
 Livre vert de la Commission européenne intitulé « Une stratégie européenne pour une énergie sûre, compétitive et durable », mars 2006, en ligne sur le portail de l’Union européenne Europa.eu.
 Communiqués de presse de la Commission européenne disponible sur le Site de la Commission européenne Europa.eu :
« Une politique de l’énergie pour l’Europe », 10 janvier 2007.
« UE-Russie : le dialogue sur l’énergie poursuit », 16 octobre 2007.
« Penser l’énergie pour penser l’avenir », 27 novembre 2007.
 Articles sur www.eurogersinfo.com :
« L’énergie, talon d’Achille de l’Union européenne », 10 mars 2006.
« La politique de l’énergie, nouveau grand dessein de l’Union européenne », 12 janvier 2007.
 Daniel Cohn-Bendit, « l’Europe face au défi de l’énergie », Le Monde, 21 mars 2007.

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