Pourquoi nous avons besoin de plus d’Europe au Moyen-Orient ?

, par Traduit par Nicolas Garcia, Michal Radoshitzky

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Pourquoi nous avons besoin de plus d'Europe au Moyen-Orient ?

Après sept années dépourvues de négociations israélo-palestiniennes officielles, le processus d’Annapolis lancé sous les auspices des États-Unis à la fin 2007 a conduit à une série de pourparlers toujours en cours entres officiels Israéliens et Palestiniens portant sur les paramètres d’un accord final afin de solutionner le conflit. Il apparaît cependant que la résolution israélo-palestinienne prise à Annapolis d’« engager avec vigueur des négociations permanentes et progressives et de mettre en œuvre tous les efforts pour conclure un accord avant la fin de l’année 2008 » sera très difficile à tenir.

Le manque de progrès peut être attribué à un certain nombre de facteurs incluant : les différences d’opinion et de perspectives entre les parties sur la question du statut final de l’accord ; les divergences internes entre les leaders et leurs opinions publiques respectives ; la scission entre le Hamas et la Fatah du côté palestinien ; la politique intérieure du côté israélien avec la démission du Premier ministre Olmert et son départ prochain du pouvoir [1] ; l’écart entre la situation sur le terrain et les discussions autour de la table des négociations, et l’absence d’encouragement aux concessions de la part des dirigeants de la communauté internationale.

Malgré l’implication des États-Unis, la construction de colonies israéliennes continue tout comme la violence et les attaques à la roquette des palestiniens à l’encontre des citoyens israéliens. Néanmoins, les États-Unis sont souvent perçus comme la force la plus susceptible de contrôler le processus de paix et de jouer en temps de crise le rôle de médiateur entre les parties. Le poids institutionnel de l’Union Européenne dans les orientations des politiques menées par Israël, à l’inverse, est perçu comme étant minimal et ne jouissant que de peu d’influence. Une vision en exacte opposition avec la conclusion portée par le Conseil Européen du 15 décembre 2006 qui « note avec inquiétude que le Moyen-Orient fait face à l’une des plus graves crises de ces dernières années » ; que « le conflit israélo-arabe est au cœur de cette crise » et que « la résolution du conflit au Moyen-Orient est centrale dans les intérêts stratégiques de l’U.E et reste une préoccupation majeure dans l’agenda de la politique extérieure de l’Union. »

Pour qu’Israël scelle un accord avec les Palestiniens et le reste de ses voisins arabes, et puisse ensuite tisser les fils de la compréhension mutuelle – un soutien actif et engagé de la part de l’Union européenne est une nécessité. Au regard de la propre expérience de l’Europe en matière d’unification derrière un projet commun, personne n’est mieux à même d’aider les Israéliens et les Palestiniens à faire évoluer les fausses illusions d’un jeu de massacre en perspectives tangibles d’une situation gagnant – gagnant.

Le lancement récent de l’Union pour la Méditerranée, avec la participation de leaders issus de 43 pays européens et méditerranéens, sous les auspices de la présidence française de l’UE est un bon exemple du renforcement de l’engagement que l’Union Européenne peut avoir dans la région. D’autres exemples font apparaître sa volonté d’occuper un rôle actif, notamment dans la solution pour le sort des réfugiés ; la provision d’avoirs financiers ; l’augmentation du nombre des visites d’officiels européens de haut rang dans la région et la communication directe des leaders européens avec le public israélien.

Ce dernier élément du renforcement constructif de l’engagement européen peut être parfaitement illustré par la visite officielle du Président français Nicolas Sarkozy dans la région en juin. Au cours de son bref séjour en Israël, M. Sarkozy a parlé devant la Knesset. Durant son discours le Président a reçu des ovations appuyées et nombreuses prononçant sans craindre les réactions hostiles qu’il ne peut y avoir de paix « sans reconnaissance de Jérusalem comme capitale de deux États » et « sans une frontière négociée sur la bases des accords de 1967 et d’échanges de territoire rendant possible la construction de deux États viables » [2]. Ces messages furent systématiquement communiqués et répétés au public israélien sur les différents canaux médiatiques.

A l’avenir, il ne fait aucun doute que nous aurons besoin d’une Union européenne forte pour nous soutenir dans la mise en application d’un accord quel qu’il soit. Un exemple tangible peut être trouvé ici dans le modèle d’accord le plus détaillé existant à ce jour, l’Accord de Genève, signé en 2003 par d’importants leaders de la société civile Israéliens et Palestiniens. Ce document explique avec précision les différents mécanismes tel qu’un Groupe de Contrôle International ainsi qu’une Force Multinationale nécessaire d’établir dans le but d’« assister les parties pour mettre en œuvre [un] accord et prévenir et gérer rapidement des incidents sur le terrain ».

Le dernier élément qu’il convient d’évoquer, qui pourra peut-être être une surprise pour certains, est le désir du peuple israélien de voir un plus grand engagement de l’U.E dans la région. Durant les années 2007 et 2008, l’organisation "Initiative de Genève" a commandé plusieurs sondages évaluant l’opinion publique israélienne sur un renforcement de l’engagement européen. De façon générale, ces sondages attestent une hausse du nombre d’israéliens souhaitant voir une Europe plus impliquée, avec le sondage le plus récent conduit les 25 et 26 juillet 2008, indiquant que pour la première fois la majorité des Israéliens (58%) soutient une plus grande implication de l’Europe dans le processus de paix israélo-palestinien (seulement 37% y étant opposé). Il est vrai que malgré ces conclusions et malgré le manque de progrès significatifs sur le terrain, les Israéliens continuent toujours de percevoir les États-Unis comme un médiateur privilégié (en comparaison, 73 % des Israéliens sont favorables à un renforcement de l’engagement américain) ; cependant il est très probable que cette tendance résulte de fausses perceptions de l’U.E en tant qu’acteur au parti pris en faveur du camp palestinien.

Un engagement européen constructif dans la région avec l’appui du camp de la paix en Israël serait de nature à atténuer de telles perceptions qui sont clairement le produit de la peur. Dans cette voie, puisse l’Union Européenne prendre son destin en main, opérer un choix stratégique et devenir ainsi plus impliquée dans le conflit israélo-palestinien ; la société civile israélienne pourrait alors jouer un rôle clé en fournissant aux institutions de l’U.E des conseils et des informations particulières.

Il est clair que si la volonté était là, l’on pourrait trouver un chemin pour développer l’influence européenne dans la résolution du conflit israélo-palestinien. A la suite d’un entretien dans lequel le Haut Représentant pour la Politique Étrangère et de Sécurité Commune (PESC) de l’U.E Javier Solana déclarait : « Je crois et défend profondément et constamment l’idée d’une solution négociée et pacifique en ce qui concerne le conflit israélo-arabe en général et le conflit israélo-palestinien en particulier. C’est de fait une priorité stratégique pour l’Union Européenne »[[Jérusalem Post, avril 2008)) – la question à poser est : qu’est-ce que nous attendons ?

Illustration : le puzzle israelo-palestinien, source : Lettre du Consistoire

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Notes

[1Ndlr : l’auteur de l’article a écrit celui-ci avant sa démission dimanche 21 septembre 2008. Pour plus d’infos : lejdd.fr.

[2Discours du Président Sarkozy, Jérusalem, 23 juin 2008

Vos commentaires
  • Le 22 septembre 2008 à 11:01, par Pierre-Jean VERRANDO | Jeunes Européens - Bordeaux En réponse à : Pourquoi nous avons besoin de plus d’Europe au Moyen-Orient ?

    Je suis très agréablement surpris de cette demande de la société civile israélienne à plus d’engagement européen. Loin d’être expert de la question, ce que je retiens de l’action européenne est avant tout symbolique : visites officielles et discours prônant une solution « équitable » pour sortir du conflit, cependant les actions concrètes manquent ou sont-elles peu médiatisées... Il reste aussi à savoir ce que l’Europe peut faire avec une politique extérieure qui reste dépendante des intérêts et des traditions diplomatiques des Etats. La construction de l’UPM est nécessaire et vitale pour le futur de l’Europe puisqu’elle a vocation a devenir un champ inédit d’exercice de notre politique extérieure commune et de validation des valeurs européennes (fin de l’arrogance universaliste européenne). Ce cadre méditerranéen permettrait idéalement de trouver une solution régionale et consensuelle, mais concernant l’hostilité de nombreux pays et des sociétés civiles méditerranéennes est-il judicieux d’engager l’Europe dans la résolution du conflit par le biais méditerranéen ? Ne risquons-nous pas l’inefficacité de notre politique extérieure qui a besoin de résultat pour convaincre en Europe ?

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