Présidence allemande : une arène pour la politique nationale

, par Traduit par Emmanuel Vallens, Jan Seifert

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Présidence allemande : une arène pour la politique nationale

En Allemagne, toute politique européenne est en définitive une politique nationale, sinon régionale. Quoiqu’attendent le monde et les États membres de l’Union de la double présidence allemande (de l’Union européenne et du G8) pendant la première moitié de 2007, la marge de manoeuvre est limitée par la capacité de la grande coalition à rester unie au niveau national. À cet égard, le slogan « Europe : réussissons ensemble » me semble plutôt approprié, quoique dans un autre sens : si l’on observe l’espace public allemand et la manière dont l’Union a été abordée ses derniers mois, il apparait que l’objectif de « réussir ensemble » devra d’abord être réalisé par nos acteurs nationaux (ministres-présidents, députés non membres de la Délégation pour l’Union européenne, dirigeants de la coalition, administrations nationales, médias).

Ceci dit, mon sentiment général est que la Présidence a été bien préparée (en dépit des retards typiquement allemands dus aux désaccords au sein de la coalition et aux pressions de dernière minute exercées par certains Länder). Mais ce qui est moins bien préparé, c’est le programme d’action national pour 2007. Même si l’économie se remet finalement en marche et que l’augmentation de 3 % de la TVA depuis le 1er janvier ne semble pas s’accompagner d’effet économiques notables, les projets de réformes nationaux restent gelés. La santé reste un casse-tête pour la Grande coalition, mais la réforme ne peut tout simplement pas être encore remise à demain. La Föderalismusreform II sur les relations financières entre les Länder est également très importante.

Sur ce dernier point, j’espère de grandes avancées, avec encore une fois une répartition des compétences plus claires et plus de pouvoirs pour les Landtage [1]. Malheureusement, un système dans lequel six Länder paient pour les dix autres est par nature peu favorable aux réformes sérieuses qui auraient de sérieuses implications pour les bénéficiaires nets. Ces deux projets de réforme domineront également l’agenda politique national pendant le premier semestre et, ce faisant, forceront la chancellière à se préoccuper plus que de besoin des questions et conflits nationaux.

Les derniers mois m’ont donné l’impression que ces relais d’opinion bien éduqués et influents peuvent vraiment faire la différence. Des études, comme par exemple Aus Politik und Zeitgeschichte, montrent que le soutien et la connaissance de l’Union sont globalement proportionnels au niveau d’éducation. On est donc d’autant plus inquiet lorsqu’on fait constate les positions vis-à-vis de l’Union de la plupart des responsables qui ne sont pas absolument tout en haut de l’échelle.

En Allemagne, l’euroscepticisme d’un trop grand nombre de députés, hauts responsables et journalistes qui ne traitent pas directement des questions européennes commence à devenir effrayant.

Je ne suis donc pas plus surpris que ça si seul un tiers des Allemands attendent de la présidence qu’elle donne une meilleure image de l’Union dans le pays (selon le journal Die Welt).

Plus encore, il suffit d’allumer la télévision sur l’un de talkshows politiques les plus en vue, Berlin Mitte. Ils eurent la bonne idée d’interviewer Merkel et Barroso en décembre. Mais les bonnes intentions, une chancellière positive, un Président de la Commission et un animateur comme Maybrit Illner ne changeront jamais l’opinion avec un format d’émission aussi idiot : avant d’introduire un sujet de débat, un court reportage présentait tous les mauvais exemples de la bureaucratie.

Si on en est arrivé là, je ne suis pas surpris que le gouvernement dépense quelques centaines de milliers d’euros en publicité dans nos principaux journaux, en expliquant les avantages de l’appartenance à l’Union européenne...

Tant que l’engagement totalement bénévole de plusieurs milliers de personnes organisées dans Europa Union (UEF) ou JEF n’a pas droit à un seul mot sur le site du gouvernement ou de la présidence, il n’est pas étonnant que les attitudes ne changent pas. L’Europe ne pourra se construire qu’en commençant par les citoyens.

Le changement fondamental d’attitude de l’Allemagne vis-à-vis de l’Union se traduit de manière inquiétante par un commentaire que m’a fait récemment un haut fonctionnaire de la Commission. Il m’a dit que si le fort engagement européen n’avait pas été réaffirmé au plus haut niveau politique allemand (chancellière, ministre des Affaires étrangères et quelques bons députés dans la Délégation pour l’Union européenne), il est probable que les hauts fonctionnaires dans les ministères, les Staatskanzleien [2] et les ministres-présidents auraient déjà tué l’Union.

Mais tout n’est pas noir, et voici où je vois des possibilités de réussite.

1. Notre ambitieux ministre de l’environnement Gabriel s’assurera que la politique énergétique et le changement climatique joueront un rôle clé à l’agenda du G8 et de l’Union. J’espère sincèrement que la présidence du G8 pourra être utilisée pour amener les États-Unis dans une sorte de coalition du changement climatique.

2. L’ancien chef de Chancellerie de Schröder et actuel ministre des affaires étrangères Steinmeier connaît tout simplement le « système » de l’administration nationale comme nul autre. Son intelligence et son approche humble permettront à l’Allemagne de jouer un rôle positif autant que possible. Un bon exemple en est peut-être son récent voyage en Asie centrale pour préparer une stratégie plus large de l’Union dans la région.

3. Avant tout, Merkel sait favoriser les compromis.

Sans aucun doute, présider un Conseil européen n’est pas entreprise aisée. Mais gérer 16 ministres-présidents dont quatre au moins pensent qu’ils auraient plus mérité la chancellerie qu’elle, est selon moi une réussite encore plus grande. Immédiatement après sa prise de fonction, Merkel avait appelé les experts allemands de l’Union les plus réputés dans leurs diverses administrations et les avait nommés à des postes clés dans son entourage. Je suis convaincu qu’elle écoute leurs avis lorsque c’est nécessaire.

Mais s’il est bon d’avoir un programme ambitieux pour sa présidence, c’est sur deux questions que je jugerai Merkel et Steinmeier :

1. Parviendront-ils à faire avancer la Constitution européenne en intégrant durablement la société civile ?

2. Montreront-ils leur détermination à faire la différence sur la changement climatique ? Il n’y aura pas dans les années à venir de convergence entre les présidences de l’Union et du G8 autre que l’Allemagne, qui a probablement plus à gagner d’un mouvement vers les énergies renouvelables.

Si j’avais à faire un vœux, je voudrais voir les ministres-présidents se lever et soutenir l’Union dans leur action quotidienne. Peut-être les prochaines élections à Brême apporteront-elles quelque changement de ce front-là ?

Article traduit de l’anglais par Emmanuel Vallens, rédacteur en chef du Jungstier, Magazin der Europabürger

Notes

[1Assemblées régionales, NdT

[2administrations régionales, N.d.t.

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