Accord UE-Turquie : Carton rouge au Conseil pour sa vision court-termiste et son manque d’humanité

, par Chloé Fabre

Accord UE-Turquie : Carton rouge au Conseil pour sa vision court-termiste et son manque d'humanité
Donald Tusk n’a pas réussi à accorder les violons des chefs d’Etat et de gouvernement européens. - European People’s Party (CC/Flickr).

Le Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement n’est pas parvenu les 7 et 8 mars à un accord avec la Turquie sur la crise migratoire. L’accord précédemment négocié par Ankara et Berlin, sur le principe « one in, one out », n’a pas été validé par les Vingt-Huit, ce qui renvoie l’adoption d’un accord pour résoudre la crise des réfugiés aux 17 et 18 mars. La proposition reste cependant sur la table et traduit leur manque d’ambition. La proposition est indigne de l’Europe et montre une fois de plus que l’Europe des Etats ne fonctionne pas. Lettre ouverte à l’attention des dirigeants européens.

Mesdames et Messieurs les chefs d’Etat et de gouvernement,

Vous sortez une fois de plus de vos réunions au sommet en affaiblissant l’idéal européen. Vous venez d’affirmer que l’Europe est un espace de paix et de prospérité qui veut vivre en autarcie, coupé des réalités du reste du monde. Vous allez nous répéter à l’envi que vous voulez sauver Schengen, que grâce à ce futur accord nous allons pouvoir enlever les contrôles aux frontières que vous avez rétablis un peu partout.

De quoi allez-vous décider ?

1. De continuer à confier la gestion de nos frontières communes aux Etats limitrophes

Depuis la mise en place des accords de Dublin, la volonté des Etats du nord de l’Europe de ne pas accueillir des réfugiés se traduit par le principe de la responsabilité du pays d’accueil. Au vu d’une politique d’asile bouchée, qui oblige les demandeurs à entrer illégalement sur le territoire de l’Union européenne pour déposer leur demande, ce sont les Etats à la frontière de l’Union qui doivent gérer les arrivées de demandeurs d’asile. Ce système ne marche pas et met les Etats limitrophes sous tension, eux qui, à l’instar de la Grèce font déjà face à de nombreuses difficultés.

Vous voyez que ça ne marche pas et vous continuez ? En versant gentiment quelques millions d’euros à la Grèce et quelques milliards à la Turquie ? Et en laissant les murs s’ériger en Europe ? C’est ça votre conception de la solidarité européenne ? Ce n’est pas la mienne.

2. De continuer à externaliser toujours un peu plus la gestion des migrants et demandeurs d’asile à des pays tiers

Les accords de rapatriement, les camps de réfugiés européens en dehors de nos frontières ne sont pas une nouveauté. Mais vous continuez, vous persévérez à renvoyer des êtres humains dans des pays qui sont soit non-démocratiques (la Libye de Kadhafi à l’époque), soit instables et sous tension (la Turquie actuellement).

Que peut faire la Turquie de plus que nous avec le nombre de réfugiés qu’elle a déjà accueillis ? Vous être vraiment sûrs que ces réfugiés seront mieux traités là-bas que chez nous ?

3. De mettre en concurrence les migrants entre eux avec votre système du « one in, one out »

Je ne pense pas que la Turquie pourra accueillir mieux que l’Union européenne ces réfugiés, je pense qu’ils vont s’entasser dans des camps de réfugiés et s’installer dans la précarité.

Mais il y aurait un « happy few » qui aurait le droit d’accéder à la sacro-sainte Europe, selon le principe du « one in, one out ». L’accord propose de renvoyer les migrants sauvés et interceptés aux frontières extérieures de l’Union en Turquie, et d’accepter un réfugié syrien à relocaliser dans l’Union pour un Syrien renvoyé en Turquie. Ceci signifierait que certains valent mieux que d’autres ? Ne sont-ils pas des êtres humains, tous et toutes égaux ? Est-ce là votre conception de l’humanisme ? Ce n’est pas la mienne !

4. D’afficher une fois de plus la faiblesse politique de l’Union européenne

Par votre décision, vous montrez une fois de plus que le Conseil européen est incapable de prendre des décisions à la hauteur des enjeux de notre temps. Depuis plus de 3 ans, la Syrie est en proie à une guerre civile, l’Union n’a pas fait entendre sa voix dans le règlement ou l’apaisement du conflit. Et là, elle est même incapable de ramasser les pots cassés, si tant est que des millions de personnes fuyant l’horreur peuvent être considérées comme des victimes collatérales de votre couardise.

Quel monde souhaitez-vous construire avec cet accord ? Quelle vision de l’Europe portez-vous pour les années à venir ? Une Europe sécuritaire, forteresse et égoïste ? C’est cela votre vision de l’Europe ? Cette Europe-là n’est pas la mienne !

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