Quid de la Démocratie en Ukraine ?

L’Ukraine et la Révolution Orange : stop ou encore ?

Et quid de l’indépendance énergétique de l’Europe ?

, par Fabien Cazenave

L'Ukraine et la Révolution Orange : stop ou encore ?

Les élections législatives ukrainiennes du 26 mars prochain risquent de réserver une bien mauvaise surprise à tous ceux qui espéraient que la Révolution Orange arrimerait pour longtemps l’Ukraine au camp de l’Union européenne...

Le bilan des quelques mois passés au gouvernement par les « troupes » du président Victor Iouchtchenko est malheureusement peu brillant quand nous voyons que le parti hier au pouvoir risque, demain, de revenir aux affaires par la porte démocratique.

Et ceci grâce au désenchantement « post-Révolution Orange ».

La crise du gaz, machine à relancer la Révolution Orange ?

Cependant, la querelle opposant aujourd’hui les responsables ukrainiens et russes sur le prix du gaz pourrait permettre au camp orange de repasser au vert.

Nous en avons eu l’exemple avec M. Poutine et la Tchétchénie, M. Bush et l’Irak, M. Clinton et le Kosovo : rien ne vaut une bonne cause nationale face à « l’extérieur » pour ressouder les électeurs autour de leur Président et de son camp : symbole, s’il en est, de la Nation.

Nous pouvons nous demander si les dirigeants ukrainiens n’ont pas tout intérêt à laisser pourrir cette situation... où ils se sont pourtant mis tous seuls.

Rappelons-nous, en effet, que ce sont les dirigeants ukrainiens qui, arrivant au pouvoir, ont alors dénoncé (sous le prétexte de l’indépendance énergétique de l’Ukraine vis-à-vis de son voisin Russe...) les accords sur les importations en gaz faites par ces cousins « russes » éloignés à destination des habitants de Kiev, d’Odessa, de Lwow ou Karkhov qui, politique mise à part, en ont grand besoin.

Les dirigeants russes, en accord avec ceux de Gazprom notamment, en ont alors profité pour remettre à niveau les prix accordés jusque-là à l’Ukraine.

L’Union européenne n’a pas encore d’indépendance énergétique

La crise du gaz rejaillit maintenant sur l’Union européenne.

En effet, à l’ocasion de cette nouvelle ’’guerre du gaz’’, nous voyons ces jours-ci à quel point, en tant qu’Européens, notre indépendance énergétique est aujourd’hui encore mal assurée.

Ainsi, lors de cette dernière semaine, on a vu nombre de pays d’Europe centrale subir le contre-coup de la pénurie en gaz importé de Russie via les gazoducs d’Ukraine : -30% pour l’Autriche, -40% pour la Hongrie, -35% pour la Pologne et -25% pour la Hongrie.

Et juste souligner que, dans dix ou quinze ans, notre actuel approvisionnement en gaz naturel en provenance de la Norvège et des Pays-Bas (environ 30% du total actuel, pour la seule France) se sera tari : l’Union Européenne pouvant alors devenir dépendante d’un approvisionnement extérieur désormais massivement russe (puisqu’à hauteur de 80 %).

Et cela pose donc la question d’un avenir où, pour assurer nos besoins en gaz et en pétrole, nous aurons alors le choix de faire alliance soit avec la Russie autoritaire de Poutine (ou de ses héritiers...), soit avec quelque axe « Turquie-Géorgie-Azerbaïdjan » (soutenu par les Américains).

Une Révolution démocratique achevée ?

Cependant, plutôt que de laisser aujourd’hui les Ukrainiens s’interroger sur le fait de savoir, à l’instar de Gilbert Bécaud, « qui a volé, a volé, a volé, a volé [la révolution] Orange... » autant rappeler le pourquoi du comment des manifestations qui sont parties en octobre-novembre 2004, de Maïdan (la place de l’indépendance) à Kiev : rattacher l’Ukraine au camp de la démocratie.

Car tel est, après tout, le véritable enjeu des élections législatives ukrainiennes de mars prochain (surtout à l’heure où les chancelleries occidentales bruissent de nouvelles rumeurs quant à la prochaine présentation par l’Ukraine, en cette année 2006, d’un dossier de candidature pour adhésion à l’Union européenne...).

Photo : Victor Iouchtchenko

Vos commentaires
  • Le 11 janvier 2006 à 10:42, par Ronan Blaise En réponse à : Derrière la crise : le retour en force de la Russie...

    Outre les interrogations quant à la démocratisation de la vie politique en Ukraine, quant à l’éventuelle candidature de l’Ukraine à l’UE et quant à notre indépendance énergétique, ces récents événements nous montrent bien que la Russie reste bel et bien, malgré toutes les difficultés du moment, une grande puissance dirigée de façon bien peu démocratique.

    Certes, ses missiles rouillés et ses épaves de sous-marins nucléaires ne sont guère plus vraiment capables de menacer le monde du feu nucléaire (quoi que...). Certes, frappée par les désertions et par l’impopularité de la conscription, son armée conventionnelle achève de s’autodétruire dans une ambiance de pronunciamento permanent et dans la sale guerre de Tchétchénie. Certes, frappé d’une crise démographique et d’une dénatalité sans précédent, ce pays d’aujourd’hui 145 millions d’habitants se dépeuple lentement...

    Mais, cela dit, la grande Russie reste néanmoins le premier producteur et exportateur mondial de gaz ainsi que le deuxième producteur et exportateur mondial de pétrole, ce qui n’est guère négligeable.

    Sans oublier que la Russie surveille étroitement (voire contrôle...) la production et une grande partie de l’exportation en gaz et pétrole des pays du Caucase (Azerbaïdjan) et de tous ces pays d’Asie centrale autrefois membres de l’ ’’Empire’’ (Kazakhstan, Ouzbekistan, Turkménistan, etc).

    Et sans oublier que la Russie pèse désormais -de par sa volonté productrice affirmée- de façon très influente sur les cours mondiaux des hydrocarbures, n’en déplaise aux onze pays de l’OPEP (cartel des pays producteurs et exportateurs dont elle ne fait donc pas partie...).

    Ainsi, la Russie -pays qu’on croyait ruiné il y a peu- est tranquillement assise sur un confortable pactole énergétique aux richesses gigantesques avec le pouvoir de faire évoluer les cours mondiaux à sa convenance voire de rationner en énergie une vingtaine de pays de son ’’étranger proche’’ (et capable de limiter ainsi, de façon drastique, l’approvisionnement énergétique d’une bonne partie de l’Europe).

    Et c’est ainsi que Poutine peaufine pour la Russie un retour à la grandeur passée sur le plan international (et à un statut de superpuissance) en faisant clairement comprendre à l’Occident que l’accès aux ressources gazières et pétrolières a un prix politique.

    Et ce n’est pas nécessairement pour nous rassurer quand on examine de près les méthodes de gouvernement du Président Poutine, quand on voit l’état actuel des libertés et des droits de l’homme les plus élémentaires en Russie... (ou quand on considère de quelle manière se conduit, aujourd’hui, l’armée russe dans les confins du Caucase...).

    Thèmes sur lesquels on reviendra très largement en cette année 2006 où, succédant au Royaume-Uni de Grande-Bretagne, la Russie accède à la présidence annuelle du G8...

  • Le 4 août 2006 à 17:40, par Ronan Blaise En réponse à : L’Ukraine et la Révolution Orange : stop ou encore ?

    On se souvient des fameuses élections présidentielles ukrainiennes de 2004-2005 (et de la fameuse ’’révolution orange’’) qui avaient alors vu s’affronter, par de là l’opposition entre les deux candidats finalistes, les deux Viktor (i. e : Viktor Iouchtchenko et Viktor Ianoukovitch) deux Ukraines et deux conceptions de l’avenir de celle-ci.

    Avec un choix à faire entre une Ukraine ’’occidentale’’ (polonophile, ukrainophone et russophobe) tournée vers l’Occident (vers l’UE et vers l’OTAN) et une Ukraine ’’orientale’’ (polonophobe, russophone et russophile) tournée vers Moscou (et soucieuse de renforcer ses liens avec la Russie, dans la perspective de nouer peut-être avec elle quelque nouvelle ’’alliance slave’’). Le psychodrame allant alors même jusqu’à l’expression de velléités sécessionistes, sinon quelques effrayantes perspectives de guerre civile...

    Or, les élections législatives ukrainiennes de mars dernier ont finalement renvoyé les deux ’’camps’’ rivaux dos à dos : avec 32% pour le ’’Parti des régions’’ du russophile Ianoukovitch et 14% pour le parti présidentiel de l’occidentophile Iouchtchenko ; bref : pas de majorité parlementaire claire.

    Du coup, les formations en question ont - ces derniers jours de début août 2006 - signé un accord de gouvernement en forme de compromis géopolitique (’’unique chance de rapprocher les deux rives du Dniepr’’, selon les propos du Président Iouchtchenko) :

    Viktor Ianoukovitch devenant donc le PM de son ancien rival pour la magistrature suprême (PM à la tête d’une ’’grande coalition’’ dans laquelle siègeront donc quelques uns de ses pires adversaires politiques d’autrefois).

    Mais l’orientation pro-occidentale décidée par Kiev, à la fin 2004, ne semble officiellement néanmoins pas être remise en question.

    Et l’Ukraine devrait donc poursuivre son rapprochement actuellement en cours avec l’Union Européenne et l’OTAN (toute adhésion future à l’OTAN devant néanmoins faire l’objet d’un prochain référendum : comme annoncé par le Président Iouchtchenko, à Odessa, le 26 juin dernier). Le tout dans un climat d’appaisement et de retour à des relations ’’normales’’ avec la Russie : à quelques mois seulement du prochain sommet de l’OTAN, à Riga (Lettonie), en novembre prochain...

    Telle est, en tout cas, la situation à l’heure actuelle à Kiev, alors que le président Iouchtchenko doit - pour résoudre la crise politique qui secoue l’Ukraine depuis mars dernier - se résoudre à nommer PM son ancien rival pro-russe...

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