Session parlementaire des 13-14-15-16 février 2006.

Le Parlement européen examine la directive services, dite Bolkestein

De nombreuses étapes pour un compromis équilibré

, par Fabien Cazenave

Le Parlement européen examine la directive services, dite Bolkestein

La directive sur les services peut être un révélateur : est-ce un nouveau pas dans la construction européenne ?

Elle peut l’être à plusieurs niveaux. Premièrement quant à sa capacité à développer un projet original et cohérent. Ensuite quant aux rapports de force qu’elle crée entre les institutions européennes. Enfin quant au rôle que les citoyens souhaitent voir jouer à l’Union européenne.

La directive sur les services à l’heure de vérité au Parlement

La proposition de directive sur les services dans le Marché intérieur traite de l’ensemble des aspects touchant à la circulation des services : la libre prestation pour qu’une entreprise européenne puisse intervenir dans tout territoire de l’Union, la liberté d’établissement, le droit des consommateurs (avec plus de choix car plus de prestataires potentiellement) et faciliter l’accès des PME aux marchés de l’ensemble de l’Union européenne. Par ailleurs, ce texte prétend faciliter l’établissement de guichet unique pour les formalités administratives.

Même s’il est un texte essentiellement à visée économique, il a des retombées sur le social : la question s’est posée quant à l’application de la notion de pays d’origine (que vous trouverez expliquer dans l’article de Frédérique Rollin), rebaptisée désormais « clause du marché intérieur ». Aujourd’hui, cette notion semble aller dans un sens clair et restreint de manière à ne pas créer de dumping social [1].

Néanmoins, cette directive est nécessaire pour organiser l’ensemble des secteurs des services , enjeu important de la mondialisation. La question est donc de savoir si l’Union européenne peut assurer la pérennité de son modèle social (aux multiples particularités) dans une économie mondiale ouverte.

Le Parlement européen dans le rôle du porte-parole de la population européenne

Devant la levée de bouclier du monde syndical et de la société civile, les parlementaires, sous la direction de l’équipe de Mme Gebhardt, vont proposer un compromis qui semble recueillir un consensus largement majoritaire au sein de l’institution représentant les peuples au sein de l’Union européenne. À l’heure actuelle, le droit du travail est clairement exclu du champs d’application de la notion de pays d’origine, ainsi que d’autres secteurs [2]. Cependant, l’aile « ultra-libérale » du Parlement promet toute une série d’amendements qui seront aussi contraires et nombreux que ne le seront ceux de l’aile « rouge »... La bataille parlementaire va donc avoir lieu même si les grandes lignes semblent déjà déterminées.

Le vote du Parlement a aussi un autre enjeu : en votant le compromis, il réaffirme son rôle d’équilibre au sein des institutions ainsi que celui de porte-parole de la population européenne. Alors que la Commission désirait un texte qui permette surtout d’abaisser les frontières protectionnistes et les freins à un liberté de circulation des entreprises et des citoyens totale, M. Barroso (son président) a fait savoir qu’il accepterait le compromis du Parlement si celui-ci est voté. Le Parlement s’affirmerait ainsi face au Conseil (représentant les gouvernements) où les pays refusant la notion de pays d’origine sont en minorité. C’est donc bien le Parlement qui permet au citoyen européen d’avoir une directive faisant grandement avancée le processus d’intégration du Marché intérieur tout en lui donnant des garanties quant au domaine social.

L’Union européenne face à un choix quant à sa construction

Nous venons de voir les limites de la méthode intergouvernementale. Nous voyons aussi les limites de la vision « européenne » de ceux qui nous promettent le pire avec l’Europe actuelle. Aujourd’hui, la construction européenne a permis l’avènement d’une manière originale de construire ensemble. Cependant, certains y verraient un projet seulement négatif, uniquement tourné vers le marché et son capitalisme débridé... Il faudrait selon tout remettre à plat. Et jeter toutes les avancées obtenues ? Regardons ce que nous dit le camp du non qui s’est reformé après avoir pourtant disparu de la circulation à la sortie du référendum français : il ne faut pas de Directive sur les services [3].

Pourtant, la Confédération européenne des syndicats (dont font partie la CFDT ou la CFTC par exemple) approuve le compromis parlementaire. Pourtant l’Unice (le Medef européen, présidé actuellement par M. Seillière) le dénonce. Avec toutes ces nuances et ces étapes, il est difficile pour le citoyen européen de s’y retrouver, malheureusement. Cela pose donc la question du passage à une nouvelle étape dans la construction politique de l’Union européenne. Car sans des choix politiques claires, effectués par une majorité élue par les citoyens, comment créer véritablement une Europe sociale finalement ?

Photo : (cc) effpunkt

Notes

[1Pour les salariés détachés, c’est la directive sur détachement qui s’appliquera où c’est le droit le plus avantageux qui s’applique pour le salarié. Cela n’évite cependant pas le dumping économique avec des charges patronales très différentes d’un pays à un autre.

[2Secteurs exclus de la directive : les services bancaires, financiers, assurance, retraite, services fiscaux, les transports (sauf le transport de fonds et celui funéraire).

Dans le compromis du Parlement seraient exclus les services publics non marchands, les services juridiques réglementés (avocats, notaires, etc), les soins de santé, l’audiovisuel.

L’électricité, le gaz, l’eau et la Poste restent de la compétence des États.

[3Lors de la manifestation du 10 février 2006 à Strasbourg, Pierre Khalfa pour Solidaires (dont les trotskystes de Sud sont une composante) disait qu’il voulait le retrait pur et simple, « Le Monde » 14 février 2006.

Vos commentaires
  • Le 16 février 2006 à 17:21, par Jon Worth En réponse à : Le Parlement européen examine la directive services, dite Bolkestein

    Je ne suis pas tout a fait d’accord avec ton article... La Directive des Services n’est pas limite par « les limites de la méthode intergouvernementale. »

    La Directive - plutot liberale - reflet les actualites politiques de l’Europe aujourd’hui - des gouvernements du centre-droite au pouvoir, majorite PPE au Parlement Europeen.

    Mais de l’autre cote, la Directive est tres mal concu et aussi - a mon avis - tres mal ecrit (j’ai lis la texte entiere), et a cause de cela a ete impossible a expliquer a la population.

    Et puis, le Parlement Europeen a adopte aujourd’hui un compromis plus ou moins incomprehensible...

    J’aimerais mieux commencer avec une texte nouveau et avec de neouveaux efforts a expliquer le sens du Directive a la population.

  • Le 17 février 2006 à 01:15, par ? En réponse à : Le Parlement européen examine la directive services, dite Bolkestein

    Un nouveau texte qui dirait globalement la même chôse et qui serait tout aussi difficile à lire pour le commun des mortels ?! John, est-ce bien sérieux ?!

    Pour ma part, je pense que la directive services est surtout aujourd’hui ’’victime’’ du nom de son initiateur (qui n’est pourtant plus Commissaire européen depuis belle lurette...) mais par lequel on s’obstine néanmoins à la désigner (d’où la diabolisation qui y est liée).

    Et ce, même si M. Bolkestein, vu tous les changements apportés au texte initial (et dont semblent aujourd’hui être victimes les principales mesures ’’phares’’ initiales, PPO en tête), aurait sans doute aujourd’hui bien du mal à reconnaître son ’’bébé’’...

    (Ronan)

  • Le 20 février 2006 à 11:58, par Ronan Blaise En réponse à : Le Parlement européen examine la directive services, dite Bolkestein

    Et d’ailleurs (petite réflexion complémentaire...), vu que la dite directive a été présentée, en tant que rapporteur, par l’Eurodéputée allemande (PSE / SPD) Evelyne GEBHARDT, je proposerais donc bien volontiers qu’on parle désormais de ’’directive Gebhardt’’ et non de ’’directive Bolke(n)stein’’, ce qui (il me semble...) collerait donc ainsi bien davantage à la réalité objective des faits...

    Ronan BLAISE

  • Le 20 février 2006 à 20:19, par Fabien En réponse à : Le Parlement européen examine la directive services, dite Bolkestein

    Le compromis ne semble pas aussi icompréhensible que cela puisque la CES appelait à voter pour...

    Pourquoi faire un nouveau texte ? Sera-t-il meilleur qu’un compromis établi après une mobilisation de la Société civile qui a influé sur le Parlement européen ?

    Le problème n’est pas dans le fait qu’il faille expliquer : nous n’avons pas à nous laisser entrainer sur le chemin de la justification de faire une directive sur les services.

    Sinon, on finit comme le PS français a trouvé le compromis bon et le soutenir lors des propositions d’amendements... pour au final voter contre, parce que les arguments des anti-européens sont que cette directive serait purement la marche en avant d’un capitalisme qui va détruire le système français de protection sociale.

    Bref, nous avons encore du chemin !

  • Le 20 février 2006 à 23:19, par Ronan Blaise En réponse à : Le Parlement européen examine la directive services, dite Bolkestein

    J’avais cru comprendre que cette directive ’’services’’ avait pour but de rendre possible l’achèvement du marché intérieur prévu par le traité de Rome de 1957 et par l’acte unique de 1986.Les services représentant 70% du PIB intérieur de l’UE.

    Mais pas non plus de libéraliser nécessairement tous les services (puisque seraient exclus du champs d’application de cette directive précisément ce que nous, français, appellons ’’services publics’’ et auxquels nous tenons tant : Education, Santé, Hopital, Transports publics, etc...) ou tout en préservant l’exercice de ces ’’missions de service public’’ par la mise en place de gardes-fous juridiques.

    Alors, je peux très bien me tromper mais si ces garanties juridiques ont bel et bien été obtenues, faudrait-il peut-être désormais enfin savoir ce qu’on veut...

    (Ronan)

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