« Grazie Professore ! »

Point de vue italien, point de vue européen

, par David Soldini

« Grazie Professore ! »

A peine sûr de la victoire, Romano Prodi l’a déjà annoncé : la paix et l’Europe seront au centre des choix programmatiques de la nouvelle majorité.

Oui, l’Italie s’est débarrassée - péniblement - du monstre Berlusconi. L’Italie a surmonté le populisme qui gagne toute l’Europe.

Mais elle s’est également débarrassée du gouvernement le plus anti-européen de l’histoire moderne italienne, et a décidé de renouer avec l’héritage de De Gasperi et Spinelli, les pères de l’Europe.

Plusieurs leçons doivent être tirées de ce scrutin.

La première, sans doute, c’est le fait que cette victoire, qui à l’étranger et chez de nombreux intellectuels semblait être certaine, a été une victoire serrée, difficile. Comment interpréter cela ?

La menace populiste

Probablement, ces commentateurs avaient sous-estimé la force du populisme, la capacité de Berlusconi de mobiliser un électorat généralement absent des urnes. Un électorat sensible aux diatribes berlusconiennes contre les juges, les hommes politiques, les fonctionnaires, les immigrés et les communistes.

Le vote réactionnaire et populiste a montré, malgré cinq années de gouvernement désastreux, sa capacité à peser lourdement sur les équilibres politiques dès lors qu’il se trouve un champion. Une leçon à ne pas oublier en France, où la droite réfléchit depuis longtemps à comment récupérer le vote du Front National : l’Italie offre une solution de rêve.

Donnez à un petit chef qui aime - visiblement - diviser le pays (et qui se targue de parler « franchement »...) une télévision et des médias puissants à son service, matraquez le ’’consommateur-auditeur-électeur’’ et le tour est joué. La force de la ’’solution’’ populiste est une des leçons que l’on peut tirer de ces élections italiennes.

Une victoire réformiste

La seconde leçon à tirer est forcément plus optimiste. La victoire d’une gauche profondément européenne et avec des idées très éloignées du réac’ socialisme de la gauche de la gauche de la gauche...

En somme, la victoire d’une gauche moderne, capable de donner des remèdes raisonnables, rationnels et crédibles à des problèmes contemporains. Encore une leçon pour la gauche française, si prompte à critiquer la démocratie transalpine et qui aurait pourtant beaucoup à apprendre.

Finalement, cette victoire - même si acquise ric-rac - nous remplit d’espoir. Un espoir pour l’Italie, certainement, mais surtout et avant tout pour l’Europe qui voit l’Italie renouer avec sa tradition fédéraliste et européenne.

Un espoir pour l’Italie, un espoir pour l’Europe

L’Europe en avait cruellement besoin, ’’encerclée’’ par les euro-sceptiques à Paris, à Londres, à Varsovie et -jusque hier- à Rome. La victoire de Prodi, comme celle de Zapatero en Espagne et de Merkel en Allemagne, ouvre peut être une nouvelle ère pour l’Europe. Si la France pouvait éviter demain de s’engouffrer ou plutôt de s’enfermer - encore - dans l’euro-scepticisme populiste, l’intégration européenne pourrait peut être reprendre rapidement.

Et là encore, la victoire de Prodi semble démontrer - aux socialistes de France et d’ailleurs - que, pour gagner des élections, il n’est pas toujours nécessaire de faire de la mauvaise démagogie utopiste, mais bien de proposer une alternative crédible, possible à mettre en œuvre : à la fois européenne et pragmatique.

Alors, pour tout cela, et parce que de nombreux européens sincères vous ont critiqué injustement alors que vous étiez à la Commission et regrettent amèrement ces critiques faciles : Grazie Professore e buon lavoro.

Illustration :

 Romano Prodi (Sources : Document tiré du site internet de l’Union européenne).

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  • Le 16 avril 2006 à 12:03, par Ronan Blaise En réponse à : Prodi veut une « Europe plus »

    LONDRES (dépêche AFP ; dimanche 16 avril 2006, 7h38 ) - Le vainqueur des élections législatives italiennes Romano Prodi a déclaré souhaiter l’accélération de l’intégration d’un noyau dur d’Etats au sein de l’Union européenne, dans une interview publiée dimanche par l’hebdomadaire britannique Sunday Times. Le chef de l’Union de la gauche italienne, 66 ans, a ajouté vouloir injecter du sang neuf dans le projet de constitution à 25 et procéder à une nouvelle alliance de pays proches, susceptible de laisser la Grande-Bretagne en dehors.

    Ancien chef du gouvernement italien et président de la Commission européenne de 1999 à 2004, M. Prodi a ajouté souhaiter une alliance de « pays pour lesquels une politique européenne commune » serait la priorité. « Nous avons besoin d’une relation forte non seulement avec la France et l’Allemagne, mais également avec le groupe des six, des pays comme la Belgique et le Luxembourg, mais pas avec les Pays-Bas », a-t-il ajouté au journal.

    Interrogé sur le fait de savoir si ce groupe incluait le Royaume-Uni, M. Prodi a déclaré : « Je pense qu’il est difficile de l’inclure dans les pays qui font en sorte d’obtenir une plus grande intégration ». « La Grande-Bretagne a décidé de ne pas organiser de référendum sur l’Europe, et donc elle n’a pas approuvé la position européenne. De toute évidence, elle est fidèle à une politique qui est plus indépendante de l’UE », a-t-il dit.

    « Je pense que les initiatives européennes doivent avoir des caractéristiques propres sans lesquelles elles ne peuvent être appelées européennes, et cela doit rester ouvert à tous les membres. Cela est vrai du domaine financier, militaire ou de n’importe quel autre domaine », a ajouté M. Prodi. « Certains membres qui veulent faire plus peuvent prendre des initiatives, mais cela ne devra jamais exclure les autres », a dit le vainqueur des élections italiennes.

    Il a appelé à la mise en place de réformes pour « une Europe plus », conduite par l’Italie, l’Allemagne, la France et l’Espagne. « Le temps dira si nous serons une force conductrice ou non, mais les Etats membres doivent comprendre qu’ils ne peuvent avoir une politique monétaire audacieuse d’un côté et une politique économique dépassée de l’autre. Les deux doivent être liés », a-t-il dit.

    Il a estimé que l’UE devait reprendre les discussions sur la Constitution européenne après les élections en France l’année prochaine, avec une nouvelle version soumise à vote référendaire en même temps que les élections parlementaires de l’UE en 2009. La Constitution a été ratifiée par 14 membres, mais a été rejetée l’année dernière par la France et les Pays-Bas.

    « Nous devons tendre vers une constitution beaucoup plus simplifiée qui s’attache aux grands principes. Cela sous-entend la première partie de la constitution, le chapitre sur les droits fondamentaux et peut-être le protocole social. Mais nous devons (en) retirer tous les aspects techniques qui ont effrayé les gens », a-t-il dit. Le Sunday Times a précisé que le téléphone cellulaire de M. Prodi avait pour tonalité de sonnerie « l’Hymne à la joie » de Beethoven, le thème musical choisi pour l’Europe.

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