Déchéance de nationalité : la Belgique saute le pas et la France suit

, par Nathan Delbrassine

Déchéance de nationalité : la Belgique saute le pas et la France suit
Manuel Valls, Premier ministre français, doit faire face aux oppositions de sa majorité sur la réforme de la constitution pouvant comporter l’élargissement de la déchéance de nationalité. Jean-Christophe Cambadélis, président du Parti socialiste, tente de rassembler sa famille politique pour supporter le gouvernement sur ce dossier. - Parti socialiste (CC/Flickr).

Dans nos colonnes, un jeune Belge prend la plume pour dénoncer le projet de loi du gouvernement français sur la déchéance de nationalité, déjà adoptée en Belgique. Une mesure qui crée des citoyens de second rang.

Dans mon dernier article, j’écrivais, ici même, quelques lignes dénonçant la volonté du gouvernement français de déroger à la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales . Les récents propos de Manuel Valls sur Facebook démontre qu’un virage à droite a bel et bien été initié concernant la déchéance de nationalité, mais surtout, la Belgique n’est pas en reste.

Voici ce que le Premier ministre français affirmait sur son compte Facebook, le 28 décembre dernier.

Il est amusant de lire que « le débat public et libre témoigne de la force de notre démocratie » et ensuite de se référer à la première phrase du texte : « Je ne peux laisser tout dire sur la déchéance de nationalité ». Je ne peux que m’interroger quant à la définition du débat libre et public, une subtilité doit m’échapper. De plus, le Premier ministre s’en presse d’ajouter que d’autres Etats européens débattent de la question comme la Belgique. Il ne croit pas si bien dire, puisque le plat pays de Jacques Brel a désormais sauté le pas.

En effet, le 16 juillet 2015 à la Chambre des représentants du Parlement belge a voté une loi permettant la déchéance de la nationalité et est parue au Moniteur belge, le journal officiel, au mois d’août 2015. Moment plus qu’importun, étant donné qu’une partie importante des citoyens belges sont en congés. Contrairement, au gouvernement français, les autorités belges ne se sont pas contentées d’en débattre, elles l’ont adoptée. Cette réforme prend place dans un cadre normatif plus large visant à lutter efficacement contre le terrorisme. Cette volonté de renfoncer le dispositif sécuritaire remontre aux attentats de janvier 2015 contre Charlie Hebdo.

Bien sûr, il n’est pas question de retirer la nationalité belge à tout condamné de droit commun. Il s’agit uniquement de retirer la nationalité aux citoyens belges qui ont été naturalisés et qui sont titulaires d’une seconde nationalité. Il n’est donc pas question de retirer la nationalité à la deuxième ou troisième génération de « nationalisé », contrairement à la France qui pourrait selon le projet de réforme retirer la nationalité à des binationaux nés sur son sol en inscrivant ce principe dans la constitution, hiérarchisant droit du sol et droit du sang, et donc les citoyens dépendant de chacun de ces droits. Outre le caractère extrêmement aberrant de cette loi, consacrant une mesure d’exception et empreinte d’émotions malavisées, il est à noter le caractère absurde de la mesure. En effet, je ne vois absolument pas comment cette mesure pourrait dissuader un terroriste d’agir, il n’a que faire de cette sanction.

Premièrement, je ne vois pas ce qui empêcherait les terroristes de passer les frontières, qu’ils soient titulaires ou non de la nationalité du pays attaqué. Dès lors, certains diront qu’il faut, sans attendre mettre un coup d’arrêt à l’espace Schengen. A ceux-là, je dirais simplement qu’ils pourront construire tous les murs qu’ils souhaitent, ils n’empêcheront jamais un terroriste déterminé d’entré sur le territoire. Tout ce que vous gagnerez à ce jeu-là, c’est de donner de l’emploi au faussaire.

Deuxièmement, d’après les derniers développements des enquêtes aux quatre coins de l’Europe, les auteurs de ces actes ne sont pas des « naturalisés », mais des jeunes convertis ou issus de la deuxième ou la troisième génération d’immigrés. Cette mesure est donc un symbole plus qu’une réelle barrière au terrorisme étant donné qu’elle ne sera sans doute jamais appliquée dans le cas belge. De plus, dans l’hypothèse où cette mesure est efficace, elle ne sanctionne que la forme actuelle du terrorisme, et non d’autres formes ou types de menace, et en cela, ne constitue pas une mesure capable de prévenir durablement le terrorisme.

Troisièmement, il est possible que cette mesure soit en accord avec tous les instruments supranationaux, mais je ne peux m’empêcher de déceler dans cette mesure des relents de racisme et de discrimination puisqu’étant né de parents belges, je suis immunisé contre la mesure phare de ce dispositif antiterroriste. Et pourtant, que je sois belge ou non, si je suis porté par un idéal meurtrier, je commettrai mon attentat.

Il est inquiétant de constater qu’un membre important du parti socialiste ne voit pas en quoi privé un individu de sa qualité de membre d’une société sur le plan du droit est une mesure fortement imprégnée à droite. Finalement, je voudrais appeler de tous mes vœux le gouvernement français à ne pas adopter une telle mesure à l’image de la Belgique. Ce n’est pas parce que vos voisins prennent une décision ou souhaitent en prendre qu’elle est bon. Ne laissons pas les droits devenir symboliques et les meilleurs outils de la répression aveugle.

Vos commentaires
modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?

Pour afficher votre trombine avec votre message, enregistrez-la d’abord sur gravatar.com (gratuit et indolore) et n’oubliez pas d’indiquer votre adresse e-mail ici.

Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Suivre les commentaires : RSS 2.0 | Atom