Des médias européens pour une démocratie européenne

, par Guillaume Bullier

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Des médias européens pour une démocratie européenne
CC - European Parliament

Les élections européennes de 2019 ne verront a priori pas l’instauration d’une circonscription pan-européenne. Cela aurait constitué un coup de pouce non négligeable, mais il ne s’agit fort heureusement pas de la seule manière de raviver la démocratie européenne. Pour ce faire, intéressons-nous à la question primordiale de la communication.

Parler du déficit démocratique de l’Union européenne est à la mode, mais pour le résoudre il faudrait se pencher sur ce qui différencie vraiment la démocratie européenne des démocraties nationales. Le système institutionnel est relativement similaire, et l’UE dispose d’ores et déjà des principaux mécanismes d’une démocratie : un parlement élu au suffrage universel, au scrutin proportionnel qui plus est, et un exécutif approuvé par le parlement. Mis à part une grande place occupée par l’intergouvernemental, quelle grande différence avec les démocraties nationales ? La « bureaucratie » ? Balayons déjà devant la porte de nos administrations nationales ! Non, la principale différence entre la démocratie européenne et les démocraties nationales réside dans le débat et l’information.

Les médias, principal vecteur de la démocratie

Si les partis politiques, les candidats et les élus en sont les principaux acteurs, la démocratie n’est rien sans communication. Les médias ont bien évolué de l’antiquité à nos jours, mais une démocratie n’est en bonne santé que lorsque ses citoyens sont correctement informés de la vie politique. Quelles décisions sont prises ? Qui en est responsable ? Quels sujets occupent le débat ? Il est essentiel que les réponses à ces questions parviennent aisément à l’ensemble des citoyens.

S’ils l’exercent pleinement pour la politique nationale, les médias nationaux ont toujours peiné à remplir leur rôle dans le cadre de la politique européenne. En cause, certains préjugés : les citoyens ne s’intéresseraient pas à l’Europe. Les Jeunes Européens ont l’habitude d’aller à leur rencontre, et la réalité est toute autre : les citoyens se révèlent curieux et demandeurs d’informations sur l’Union européenne. Conscients que les réponses à de nombreux enjeux les concernant sont européennes, ils aimeraient bien comprendre comment les décisions sont prises, et qui est aux commandes.

Toutefois, blâmer les médias nationaux serait bien trop facile. D’autant que certaines rédactions ont fait de beaux efforts ces dernières années pour aborder davantage les questions européennes. Mais parler davantage d’Europe ne suffit pas. Le problème réside en réalité dans la nature nationale de ces médias : des journalistes principalement d’une nationalité communiquent aux citoyens de cette même nationalité, avec un point de vue, un cadrage et une compréhension des enjeux propres à leur pays. L’information se trouve alors fragmentée, les citoyens de chaque pays recevant une communication différente. Ces biais étant inhérents aux médias nationaux, il sera impossible de pallier ces problèmes en persistant dans cette voie. Une démocratie supranationale nécessite un débat supranational, que cette segmentation nationale de l’information ne permet évidemment pas. Il convient donc d’abattre ces frontières médiatiques.

Des responsables et des partis européens en manque de visibilité

Les partis politiques européens sont aujourd’hui presque inconnus du grand public, ce qui est un comble dans une démocratie. Les citoyens ont besoin de connaitre ces mouvements politiques et leurs leaders, et que des débats permettent de confronter leurs idées sans prisme national. Dans le cadre des élections européennes, les débats ont coutume d’opposer les représentants de chaque famille politique d’une même nationalité, discutant souvent de l’influence de leur pays en Europe, ce qui n’apporte rien à la construction d’une Europe politique.

La démocratie, c’est aussi la responsabilité des élus devant leurs citoyens. Même s’ils ne sont pas connus de tous, nos ministres nationaux et les parlementaires influents interviennent régulièrement à la télévision, à la radio, dans les journaux, sont amenés à présenter et expliquer leurs projets et leurs choix politiques, et à rendre des comptes à leurs électeurs. La même chose est nécessaire pour les responsables européens. Les citoyens doivent pouvoir identifier clairement les responsables de chaque décision afin d’avoir une influence sur les choix politiques.

Quelles solutions ?

Il n’est pas nécessaire de créer un nouveau média, qui risquerait de ne pas avoir la portée recherchée. Le plus simple et le plus efficace serait que les grands médias de masse nationaux, principalement les chaines de télévision ou de radio, diffusent à des heures de grandes écoutes des programmes à dimension européenne. Il s’agirait d’émissions d’informations, de débats ou de décryptages produits et réalisés par la coopération de plusieurs médias nationaux. Ce ne serait pas une première, ce type de coopérations existe déjà : en 2014, l’Union européenne de Radio-télévision, association d’un grand nombre de médias nationaux, avait permis l’organisation et la diffusion du débat entre les candidats à la présidence de la Commission européenne. Il faut donc transformer l’essai et que les grands médias, privés comme publics, nouent des partenariats ou exploitent leurs partenariats existants afin de créer et diffuser ces contenus européens.

Même en l’absence d’une circonscription paneuropéenne, afin d’européaniser les élections de 2019, il serait pertinent que plusieurs émissions de débats permettent de confronter les idées des différents mouvements politiques européens. La dynamique ainsi créée devrait être poursuivie, afin de faire vivre la démocratie européenne en dehors des périodes électorales, et aboutir à plus long terme à l’instauration d’éditions européennes des journaux télévisés qui précéderaient les éditions nationales. Les éventuels coûts de traduction seraient largement compensés par les économies permises par la mutualisation des coûts de production.

Pourquoi la télévision ?

Vous vous demandez peut-être pourquoi, à l’ère d’internet, parier sur des émissions de télévision, alors que les citoyens s’informent aujourd’hui par d’autres moyens ? Vous remarquerez que la radio et la télévision jouent toujours un rôle central dans la vie politique nationale, internet et les réseaux sociaux ne servant généralement qu’à relayer ou commenter des contenus ou informations issus des médias traditionnels. On assiste à une délinéarisation : le temps moyen passé devant les écrans de télévision diminue. Toutefois, le temps passé à regarder des contenus de télévision sur l’ensemble des écrans est toujours en légère croissance. La télévision a également l’avantage d’être universelle, en communiquant une même information à tous, contrairement à la fragmentation réalisée par les réseaux sociaux. L’Europe serait trop éloignée des citoyens ? Alors, amenons-la directement dans nos salons !

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