Elargissement de 2004 : un anniversaire enflammé au Parlement européen

, par Paul Brachet

Elargissement de 2004 : un anniversaire enflammé au Parlement européen
Pavel TELIČKA et Fillip ŻIDEK, tous deux Tchèques, lors de la cérémonie de célébration des vingt ans de l’élargissement de 2004. © Parlement européen

Ce 24 avril, l’heure était au passage de flambeau au Parlement européen. Il y a 20 ans, en mai 2004, se produisait le plus grand élargissement que l’Union européenne ait connu : l’Europe des 15 devenait l’Europe des 25 en accueillant huit États d’Europe centrale et orientale, ainsi que les deux îles-États que sont Chypre et Malte. Un moment célébré durant la plénière du Parlement, à Strasbourg.

Alors que les élections européennes de juin 2024 sont dans tous les esprits, les eurodéputés étaient réunis en cette dernière semaine d’avril pour une ultime session avant la remise en jeu de leur mandat par les citoyens de toute l’Union. Des Européens de l’Ouest, du Nord, du Sud…et également de l’Est, qui célébreront cette année les 20 ans de l’adhésion de leur pays à l’UE. Pour l’occasion, le Parlement européen a souhaité organiser une cérémonie officielle commémorant l’anniversaire des vingt ans du plus grand élargissement de l’Union. Ainsi, les habituels députés européens avaient été rejoint par la Présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, ainsi que par des invités exceptionnels : des représentants de chacun des dix nouveaux États de 2004, acteurs de l’adhésion de leur pays à l’UE, des Premiers ministres, des ministres des affaires étrangères, des conseillers politiques…chacun accompagné par un ou une jeune né au mois de mai 2004. Tous les éléments pour un anniversaire chaleureux étaient en place.

2004-2024 : un Passage de flambeau

Les orateurs se sont succédé à la tribune. La première fut la présidente de l’institution, la maltaise Roberta Metsola, qui s’est inhabituellement exprimée dans sa langue natale, le maltais. Rappelant l’entrée de son pays dans l’Union en 2004, la présidente du Parlement n’a pas retenu son émotion quand elle dressa le parallèle du courage qu’il a fallu à l’Europe de 2004 pour doubler de taille, et le courage qui lui faudra pour intégrer l’Ukraine, aujourd’hui en guerre : « nous ne pouvons plus détourner le regard ! »

Les anciens responsables politiques des dix Etats orientaux et méridionaux se sont alors succédés au centre de l’hémicycle. Un manège, aux traits de rituel, par lequel un ou une vingtenaire posait une question relative à l’entrée de leur pays dans l’Union à un ou une responsable politique, acteur de cette adhésion. Acteur qui, à l’image de Pavel Telička (négociateur en chef pour la Tchéquie en 2004, et premier commissaire européen de nationalité tchèque), répondait à la question posée avant d’encourager la nouvelle génération qui lui faisait face à « prendre davantage de responsabilités [et à agir pour une Europe] plus unie ». Un vrai passage de flambeau entre une génération née sous le communisme et ayant apporté la démocratie et l’Europe à leur pays, et une génération née européenne et pour qui une Europe démocratique et libérale est une évidence. Une orchestration quasi-religieuse qui fut l’occasion pour certains d’entrer pour la première fois dans l’hémicycle européen, tandis que d’autres, des parlementaires européens, lui présentaient leurs adieux, émus.

Vingt ans après, Savoir entretenir la flamme

Si l’heure était au passage de flambeau, les discours n’ont pas épargné l’actualité. Si le représentant polonais Leszek Miller, Premier ministre de Pologne en exercice en 2004, a parlé d’une Union de sécurité et de valeurs – référence directe au retour d’un gouvernement libéral en Pologne – le représentant hongrois Péter Medgyessy n’a pas hésité quant à lui à tacler le gouvernement Orbán. Pour l’ancien Premier ministre magyar, le peuple hongrois a décidé de rejoindre l’Union pour deux principales raisons : le fort sentiment d’appartenance des Hongrois à l’Europe, et la conviction profonde que la souveraineté de la Hongrie ne pouvait exister qu’au sein d’une souveraineté « plus large  », européenne. Des propos qui semblent viser directement la conception illibérale et nationaliste de la souveraineté telle que vue par le Fidesz de Viktor Orbán.

Cérémonie d’intégration des 10 nouveaux Etats membres à l’UE en 2004, à Strasbourg.
© Parlement européen

Vingt ans après, l’enjeu est en effet de taille. Si les anciens responsables politiques étaient là pour passer le flambeau à la jeune génération, encore faut-il savoir entretenir la flamme.

Entretenir la flamme de la démocratie et des valeurs européennes que les pays ont embrassées lors de leur intégration à l’Union en 2004. Aujourd’hui, les dix anciens « nouveaux Etats » font face à des menaces graves à la préservation de l’Etat de droit. Que cela soit en Europe centrale où Robert Fico et Viktor Orbán menacent chaque jour un peu plus la démocratie slovaque et hongroise, à Malte où les allégations impliquant le parti gouvernemental à l’assassinat de la journaliste Daphne Caruana Galizia n’ont toujours pas été levées, ou même à Chypre où la question de la réunification empêche encore tout progrès sur la consolidation des valeurs européennes. « J’espère que votre génération pourra obtenir ce que n’a pas pu obtenir ma propre génération  » a ainsi indiqué Georgios Iacovou, ancien ministre des affaires étrangères chypriote, à Kyriakos, jeune Chypriote né en mai 2004.

Entretenir la flamme de l’élargissement également. Alors que le dernier élargissement a eu lieu en 2013, par l’adhésion de la Croatie, et que le dernier élargissement d’ampleur a eu lieu en 2004, les responsables politiques européens, anciens comme actuels, ont tous souhaité rappeler l’importance de l’élargissement pour l’Union et pour les pays à laquelle elle s’élargit. Dès le début, Roberta Metsola a appelé « à ne pas détourner le regard [notamment en ce qui concerne] les candidatures de la Géorgie de l’Ukraine, et de la Moldavie ». Une situation plus qu’actuelle qui était donc dans l’esprit de l’ensemble des personnes présentes dans l’hémicycle. Ursula von der Leyen a ainsi pu affirmer « [L’élargissement de 2004] était le 5ème élargissement de l’Union, le plus grand…et sûrement pas le dernier ». Un volontarisme repris par Pat Cox, président du Parlement européen en 2004, et par Romano Prodi, président de la Commission européenne au même moment, qui parlèrent tous deux d’un prochain élargissement de l’UE vers l’Ukraine et vers les Balkans occidentaux, appelant également de leurs vœux une « réforme ambitieuse » des institutions européennes permettant à l’UE de s’adapter aux nouvelles réalités de sa géographie.

La cérémonie s’acheva par une Ode à la joie chantée a capela par un chœur spécialement invité pour l’occasion. Des applaudissements bruyants et entremêlés surgirent alors, de la part d’une génération née sous le communisme et ayant apporté la démocratie et l’Europe à leur pays, et une génération née européenne pour qui l’Europe est une évidence.

Vos commentaires
modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?

Pour afficher votre trombine avec votre message, enregistrez-la d’abord sur gravatar.com (gratuit et indolore) et n’oubliez pas d’indiquer votre adresse e-mail ici.

Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Suivre les commentaires : RSS 2.0 | Atom