Élections générales en espagne : le compte à rebours est lancé

, par Marie Long

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Élections générales en espagne : le compte à rebours est lancé
De gauche à droite, Nadia Calviño (première vice-première ministre et ministre de l’économie), Pedro Sánchez (Premier ministre) et Yolanda Díaz Pérez (seconde vice-première ministre et ministre du travail) lors de l’ouverture de la Présidence du Conseil de l’Union européenne, le 1er juillet. © Présidence espagnole du Conseil de l’Union européenne

Il y a un peu plus d’un mois, le lundi 29 mai, le réveil était difficile pour les partisans de la gauche espagnole. La veille, le dépouillement des votes a révélé la victoire du Parti popular (droite) d’Albert Núñez Feijóo face à la gauche du PSOE lors des élections régionales et municipales. Un échec important pour le parti de l’actuel chef du gouvernement socialiste, Pedro Sanchez qui se voit plus que jamais affaibli. Ce n’est que quelques heures après la découverte des résultats que l’actuel Premier ministre a annoncé dissoudre le Parlement et convoquer des élections anticipées. L’issu du scrutin adviendra quelques jours seulement après le début de la présidence espagnole du conseil de l’Union européenne, un conflit de calendrier laissant planer l’incertitude sur le déroulement des six mois de présidence à venir.

Echec des socialistes aux élections régionales et communales : un fervent désaveu pour Pedro Sanchez, l’actuel chef du gouvernement espagnol

Le bleu du PP recouvre la carte des régions et communes espagnoles après les élections du 28 mai 2023, caractérisées par un taux de participation historiquement bas (63,9%). Outre la défaite du parti de gouvernement, d’autres partis ressortent grandement affaiblis de ces élections comme le parti de gauche radicale Podemos dont la perte de vitesse s’est fait sentir dans les urnes. C’est également le cas du parti centriste Ciudadanos qui semble devoir tirer sa révérence et se voit être absorbé par le PP.

L’arrivée d’une alliance entre la droite et l’extrême droite à la tête de la plupart des régions espagnoles inquiète. Angels, une jeune électrice de la région de Valence, nous avoue ses craintes concernant les persécutions proférées par la droite contre l’usage du Valencien, sa langue natale, ainsi que la menace que constitue l’extrême droite pour les droits des minorités : «  J’ai peur pour l’usage du Valencien qui sera assurément persécuté. Je m’inquiète aussi pour le respect des droits des LGBT+ et des femmes, le parti Vox n’a pas eu peur de montrer qu’il souhaite jeter toutes ces préoccupations ‘à la poubelle’ », elle fait ici référence à une banderole déroulée par le parti d’extrême droite démontrant une main jetant des symboles comme le drapeau LGBTQ+ ou un emblème féministe à la poubelle agrémenté du slogan «  decide lo que importa  » (« décider ce qui compte »). Ses craintes pourraient se voir confirmer après la prise de la présidence du Parlement Valencien par une membre de Vox fermement opposée à l’avortement et aux mouvements féministes.

Des préoccupations similaires se dressent chez un autre électeur de la région de Valencia qui nous confie son sentiment face à la victoire de la droite : «  c’était vraiment déprimant, j’ai un peu peur pour les années à venir, je pense que les actes de violences homophobes vont devenir plus fréquents  ». C’est donc avec beaucoup d’inquiétude qu’ils envisagent tous les deux les futures élections générales.

Sanchez lance une course contre la montre pour rassembler la gauche

C’est donc à la surprise générale que le chef du gouvernement espagnol a annoncé, au lendemain des élections régionales et communales, la dissolution du Parlement et convoquer des élections générales anticipées pour le 23 juillet. Taha, jeune électeur catalan, nous témoigne son premier sentiment face à cette annonce : «  La décision de Sanchez a beaucoup surpris, mais on comprend pourquoi il l’a prise, le but est de pouvoir mobiliser les votants et de pouvoir faciliter une alliance de gauche ».

L’actuel chef du gouvernement lance donc un contre-la-montre pour former une coalition de gauche et tenter de se maintenir au pouvoir. L’autre facteur décisif de cette élection résidera dans le taux de participation : les électeurs de gauche se sont en moyenne plus abstenus lors du dernier scrutin que les électeurs de droite.

Sanchez a donc pressé ses soutiens de s’allier pour empêcher l’alliance de droite et d’extrême droite d’obtenir la majorité absolue au Parlement. C’est après un épisode de négociations éclair qu’un front uni a finalement émergé à gauche, malgré de fortes tensions entre la gauche radicale de Podemos et le parti de la ministre du travail Yolanda Díaz, Sumar.

Le rapprochement entre la droite et l’extrême droite cristallise les tensions

De son côté, la probable alliance entre la droite du PP et l’extrême droite de Vox est au cœur des débats, à gauche comme à droite. La normalisation de la droite radicale inquiète comme nous l’explique Taha : «  L’extrême droite a pénétré les institutions espagnoles, avant il était impensable pour le PP de gouverner avec l’extrême droite, aujourd’hui, c’est une réalité ».

Les positions extrémistes de Vox concernant les droits des femmes ou les droits des personnes LGBTQ+ enracinent les tensions avec la droite, certains membres du PP font de la résistance et refusent la collaboration.

Un jeune électeur de Madrid nous confie sa confusion et ses inquiétudes quant à cette probable alliance au niveau national : «  Je ne sais toujours pas pour qui je vais voter pour les prochaines élections, mais je ne veux pas d’une coalition avec l’extrême droite, je pense que l’on doit vraiment s’inquiéter du fait qu’autant de personnes soient partisanes de leur idéologie ». Nacho, partisan de gauche, est lui aussi fermement opposé à une telle alliance : «  Je ne me sentirais pas en sécurité avec un tel gouvernement ».

Ce rapprochement entre les deux forces politiques semble représenter une tare pour Albert Núñez Feijóo qui reste discret sur l’état des négociations avec Vox.

Présidence espagnole du conseil de l’UE : une présidence « gaspillée »

Au beau milieu du tumulte électoral, la présidence espagnole du conseil de l’UE a débuté le 1 juillet dernier, très attendues des europhiles espagnoles. La surprise de la dissolution du Parlement en a été d’autant plus grande pour eux. Taha nous avoue sa déception : « On pensait que Sanchez profiterait de cette présidence du conseil de l’UE. Peu importe qui sera à la tête du gouvernement, la présidence espagnole va être gaspillée ».

La décision de Sanchez est lourde de conséquences pour la présidence du conseil qui peine à se faire une place à l’approche des élections nationales. Il a reçu lundi, après sa rencontre avec Charles Michel, le collège des commissaires européens à Madrid, et a fait un bilan des enjeux majeurs de ces six mois à venir aux côtés d’Ursula Von Der Leyen : le soutien envers l’Ukraine, la clôture du pacte asile et immigration, ou le renforcement des liens entre l’UE, l’Amérique Latine et les Caraïbes.

Les objectifs du Premier ministre espagnol tournent autour de quatre axes : l’unité européenne, la transition écologique, l’économie juste, l’autonomie stratégique. Cette feuille de route pourrait bien être compromise par une possible alternance politique à partir du 23 juillet prochain, laissant place à l’incertitude sur le déroulement de cette présidence.

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