Fédéralisme européen et systèmes scolaires

, par Elisa Clolot

Fédéralisme européen et systèmes scolaires

Le programme Erasmus, le processus de Bologne … Les initiatives pour rapprocher les systèmes scolaires dans l’Union Européenne ne manquent pas. Ces dernières décennies, les politiques éducatives des Etats membres tendent vers une harmonisation des systèmes scolaires. Un questionnement émerge : Un système scolaire unique dans un État fédéral d’Europe : pour le meilleur ou pour le pire ?

Quel système ?

L’élaboration d’un système unique amène de facto à évaluer les systèmes déjà présents en fonction de leur efficacité. Cependant l’efficacité n’est pas mesurable en tant que telle en raison de la diversité des facteurs à prendre en compte. Cela implique des choix et des objectifs à établir. Si l’intégration sur le marché du travail est essentielle, l’école doit-elle être un outil pour la construction européenne, ou bien un élément de compétitivité répondant aux critères établis par le PISA. Le choix des facteurs constitue un débat dont le résultat reflète un choix politique. De plus, chez les pays membres, ce ne sont pas les mêmes instances qui décident des systèmes scolaires. Certains Etats laissent les ministres avoir un certain pouvoir sur la question, d’autres donnent la prérogative aux régions. Pour d’autres , la question se trouve dans les mains du chef de gouvernement. A cela s’ajoute le choix compliqué de la gestion à l’échelle de l’union.

Quelle place pour les critiques ?

Pensons maintenant à l’éventualité d’une politique gérée par l’Union européenne. Dans l’éventualité où l’Europe aurait en charge un système scolaire unique, il y aurait très peu de place à la critique. La critique interne serait exclue, sinon le système perdrait en légitimité et en force, et se désintègrerait de l’intérieur. Il n’y aurait pas non plus beaucoup de place à la critique externe. En effet, plus personne ne pourrait prendre du recul, incarner une autre lecture, une autre vision, puisqu’ils n’auraient plus la main sur le système scolaire, et qu’il n’y aurait plus d’autres systèmes pour inspirer et incorporer une autre manière de faire. On fait partout pareil, et la politique est décidée par un bureau central. Et cela représente un danger

La personnalisation des programmes

Prenons-nous au jeu, quittons les questions théoriques et commençons à imaginer la pratique. L’organisation de l’emploi du temps serait titanesque : comment rassembler l’étude de la littérature et de l’histoire roumaine, croate, slovène, espagnole et suédoise ? . Et puis comment choisir les auteurs ou les événements qu’on juge assez importants pour être gardés ? J’entends déjà les critiques des extrêmes dénoncer une “réduction inadmissible de la culture nationale”. En effet, cela laisse peu de place à la personnalisation des programmes. Or cette personnalisation est précisément la garantie d’une Europe qui garantit la visibilité, la présence, les droits et l’inclusion de chacun. Cela contreviendrait aux principes mêmes de notre Union.

Rigidité européenne

N’est-ce pas justement cette mobilité, cette diversité culturelle et éducative qui nous font nous confronter à la différence ? A travers cette dernière,on questionne notre identité individuelle et collective.. C’est ce qui donne au programme Erasmus sa beauté. Si le système européen est uniformisé, ne courons-nous pas un risque d’ankylose, de repli sur soi ?

Un nivellement à quel impact ?

De la façon de définir la norme commune émerge celle du nivellement des systèmes. Dans une Europe obtenant des résultats PISA disparates, le système choisi serait-il optimal pour tous ? Les pays avec les scores les plus faibles seront-ils stimulés ? L’harmonisation ne serait-elle pas préjudiciable aux “meilleurs” actuellement ? Et puis il est probable que le manque d’adhésion des extrêmes soit une opposition interne au projet global.

L’effacement des failles nationales

Cependant, admettons que l’on réussisse à créer un centre scolaire indépendant européen qui soit chargé de définir une politique commune. Prenons l’éventualité d’un système hybride reprenant les caractéristiques considérées comme efficaces de certains systèmes éducatifs européens : la réécriture se ferait au profit des pratiques locales les plus mauvaises.. Par exemple, dans plusieurs pays, les élèves sont orientés trop tôt tandis que dans un autre, ils sont considérés comme mauvais en langues étrangères. D’autres, ont un emploi du temps trop chargé, ainsi qu’un système de sélection des professeurs archaïque … tout cela pourrait se retrouver “lissé” au niveau fédéral.

Une Europe plus compétitive

Une harmonisation scolaire au sein de l’Union Européenne la rendrait plus compétitive, en lui assurant une présence à l’internationale redynamisée. En effet, l’union des moyens, des connaissances, des chercheurs, des pratiques … la rendrait beaucoup plus innovante. De nos jours, l’Europe universitaire se résume à de simples échanges de pratiques, de données, de chaires, de chercheurs et à des collaborations coûteuses en investissements et en démarches administratives. Tout cela serait amélioré par un réseau intégré et unifié améliorant la compétitivité et l’innovation

Une meilleure coordination avec les autres politiques

A terme, l’Union Européenne sera plus cohérente. En effet, la politique éducative viendrait soutenir dans un effet boule de neige les autres politiques des autres domaines et vice-versa telles que les politiques énergétiques et économiques. L’Union gagnerait en efficacité.

Un pas de géant pour l’Europe

L’écriture d’un système politique commun implique une réorganisation de la société, des congés parentaux à l’organisation au travail en passant aux horaires d’école.. L’harmonisation des discours et des attentes des sociétés est compliquée à obtenir. Cela implique que beaucoup de démarches post-scolaires doivent également suivre cette harmonisation. Les principes légaux de la pratique d’un métier devront suivre cette harmonisation, telle l’ouverture d’un salon de coiffure ou la gestion d’un supermarché. Les normes et les pratiques s’harmonisent elles aussi.

Les implications sont énormes, beaucoup plus qu’on ne pourrait s’en rendre compte. Toutefois, il convient d’abord de rapprocher les sociétés, en termes de mœurs et de code légal, avant d’officialiser cette démarche par des études, des diplômes et des cours communs à toute l’Union Européenne.

En résumé, sur le plan idéologique, malgré des oppositions prévisibles, un système scolaire européen commun présente des arguments solides en sa faveur. C’est plutôt dans sa réalisation concrète et pratique que l’idéal semble moins atteignable, notamment sur les questions d’influence, de conséquence sur les critiques et d’élaboration des emplois du temps. Mais peut-être n’est ce que pour un temps.

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