Interview d’Eric Maurice, rédacteur en chef de Presseurop

Presseurop, c’est rendre accessible à environ 80% de la population européenne des articles de toute l’europe dans sa langue maternelle

, par La Rédaction du Taurillon

Interview d'Eric Maurice, rédacteur en chef de Presseurop

Suite à la décision de la Commission européenne d’abandonner Presseurop, le premier médias européen multilingue, le Taurillon est allé interroger Eric Maurice, le rédacteur en chef sur l’organisation et le rôle d’un tel journal.

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Le Taurillon : Presseurop existe depuis maintenant 4 ans, quel bilan pouvez vous faire de ces quatre années sur les méthodes de travail d’un journal en dix langues ?

Eric Maurice : Faire Presseurop au quotidien est une expérience complexe mais passionnante. Chaque matin, il nous faut rassembler la sélection de nos 10 journalistes à plein temps, répartis dans 5 pays, et de notre dizaine de correspondants dans toute l’Europe. Il faut le faire assez vitre pour pouvoir choisir la matière de notre première publication du jour : les unes commentées de la presse européenne. Puis ils nous faut décider des sujets que nous pouvons faire en brève ou en article. La plupart des journalistes rédigent ces brèves dans une autre langue que la leur. Il y a donc un gros travail d’édition avant d’envoyer les textes en traduction vers les 9 autres langues. Pour tous les journalistes, il y a également le processus d’édition de tous les articles traduits en intégralité ou en larges extraits.

Il a donc fallu mettre au point un processus bien réglé pour faire travailler une rédaction multinationale, multilingue et en partie délocalisée. Mais l’aspect le plus intéressant est bien sûr le travail en commun d’une équipe aux sensibilités différentes, avec des points de vue qui se complètent en fonction des cultures ou des nationalités, en plus des personnalités. Et c’est tout cet équilibre que nous avons tenté de mettre en œuvre à travers nos choix éditoriaux, en terme de sujets, de sources et de types d’articles

Le Taurillon : Comment des médias tels que Presseurop peuvent-ils œuvrer vers la constitution d’un véritable espace public européen, garant d’une véritable démocratie européenne ?

Eric Maurice : Dans la notion d’espace public européen, il faut bien sûr retenir les notions de “public” et d’”européen”, c’est-à-dire que s’adresser au public et le faire participer, et le faire à l’échelle européenne, est essentiel. Mais il faut aussi retenir la notion d’”espace”. C’est-à-dire ne pas seulement faire passer l’information de Bruxelles aux publics des différents Etats-membres, ou d’un Etat-membre à un autre. La véritable contribution de Presseurop est de trouver des informations et de points de vue partout en Europe et de les traduire en 10 langues, c’est-à-dire de les rendre accessibles à environ 80% de la population européenne dans sa langue maternelle. C’est en faisant se croiser toutes ces informations et ces points de vue que nous pouvons réellement faire vivre l’espace européen. Un Allemand peut lire ce que lit un Grec. Un Polonais ce que lit un Portugais, etc... C’est en partageant la même information mais conçue à partir de sources différentes que nous pouvons mieux nous connaître et débattre.

Le Taurillon : Comment vivez vous la décision de la Commission de mettre un terme à votre contrat de financement ?

Eric Maurice : Evidemment nous sommes très déçus. Nous aurions aimé poursuivre ce projet éditorial et ce lien avec nos lecteurs. Il faut tout de même dire une chose importante : nous ne nous sentons pas propriétaires de Presseurop. L’appel d’offre que la Commission européenne a publié puis retiré l’été dernier était ouvert à tous les candidats le désirant, et nous étions prêts à être comparé à d’autres projets. Mais cet appel d’offres a été critiqué pour des raisons qui n’ont rien à voir le travail effectué par Presseurop depuis 2009, et la conséquence a été que nous n’avons pas pu tenter notre chance.

De plus, cet automne, le Parlement européen, en accord avec les Etats, a voté une extension du budget des projets médias de la Commission européenne, afin de permettre à Presseurop de continuer en 2014, le temps de couvrir les élections européennes, un moment fort de la vie de l’UE. Le temps aussi de réfléchir à un appel d’offres qui ne s’expose pas aux critiques. La Commission n’a pas souhaité utiliser cet argent pour Presseurop.

Presseurop est géré par 4 groupes de presse européen, dont Le Monde à travers Courrier international. Mais poursuivre un tel projet, dans la situation qui est celle de la presse actuellement, avec si peu de temps pour se préparer, est extrêmement difficile. Nous devons donc arrêter Presseurop le 20 décembre. En espérant qu’un jour, sous une autre forme peut-être, un tel projet puisse renaître.

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