L’unité européenne menacée

, par Célia Genest

L'unité européenne menacée

Depuis plusieurs années, l’Union européenne fait face à la résurgence de partis nationalistes et séparatistes, particulièrement dans ses pays fondateurs. Actuellement ces partis regroupent près de 33 millions de personnes.

Il y a un an, des régions comme la Catalogne (Espagne) ou les Flandres (Belgique) ont mis en place des élections locales et l’Écosse a obtenu un référendum en 2014 sur son auto-détermination. Ces mouvements ne sont pas nouveaux, ils existent depuis plus de 60 ans et on en dénombre aujourd’hui près d’une soixantaine.

Comme l’écrit la correspondante du journal El Mundo en France, Luisa Corradini : certains demandent l’autonomie, d’autres l’union avec un autre pays, la majorité réclame l’indépendance. Par exemple, en octobre 2012, le parti séparatiste belge « Nouvelle Alliance Flamande » a gagné les élections municipales à Anvers et a ainsi remis en cause l’équilibre fragile du pays.

La désunion européenne face à la crise

Le contexte difficile dans lequel est l’Union européenne a permis le développement d’autres mouvements dans tous les pays fondateurs : la Ligue du Nord, xénophobe, en Italie, les attentats de séparatistes corses en France ou au Pays Basque en Espagne par exemple. En effet, les passions autonomistes sont attisées par la crise économique qui ne paraît pas pouvoir se terminer. Pour Luisa Corradini : la crise de la dette a gagné l’architecture politique de l’Union Européenne.

Même si cette crise n’a pas été l’élément déclencheur, elle a été selon Pascal Boniface « un accélérateur ». Ainsi, les Belges flamands ne comprennent pas pourquoi leurs impôts devraient entretenir les 4,5 millions de Belges francophones, les Catalans espagnols pensent que le transfert de leurs impôts vers les régions les plus pauvres les mène à la ruine. Cependant, accepter toutes les indépendances serait, pour cette Union européenne construire comme une unité de diversités, un aveu de son incapacité à régler ses problèmes.

La motivation première de ces mouvements est de trouver une meilleure situation que celle que ces régions connaissent dans l’État auquel elles appartiennent. Cependant, d’autres caractéristiques inquiétantes sont notables, en premier lieu le rejet du multiculturalisme. En juin 2010, le Parti pour la liberté, dirigé par le provocateur xénophobe Geert Wilders, s’est transformé en troisième pouvoir politique des Pays-Bas. Il a construit sa politique sur le rejet de l’Islam et la revendication des valeurs néerlandaises.

Les nationalismes européens actuels n’ont rien à voir avec ceux du siècle précédent. Comme le dit Riva Kastoryano : aujourd’hui ils ne luttent plus pour une frontière mais pour affirmer les limites de leur identité, de leur culture ou de leur langue. La structure supranationale de l’Union européenne instrumentaliserait ce nationalisme, c’est-à-dire que ce sont les mêmes discours et les mêmes phénomènes d’autodétermination qui se manifestent aujourd’hui contre elles et qui se manifestaient dans le passé contre les empires. Et ce phénomène pourrait bien mettre lentement en danger une Europe unie.

L’Union Européenne en danger de mort

Le journaliste du Washington Post Charles Kupchan a écrit en août 2010 que l’Union européenne pourrait mourir de ses divisions internes. C’était l’Allemagne qui était particulièrement visée par cet article. En effet, il écrivait : la récente réticence à aider la Grèce durant ses difficultés financières a violé l’esprit de bien-être commun qui est l’étiquette d’une Europe collective. Les intérêts personnels de chaque pays peuvent menacer la survie de l’unité européenne.

La renationalisation de la politique européenne est un phénomène courant, pas seulement en Allemagne mais dans tous les pays qui ont encore des intérêts à protéger. Ces pensées ont été confirmées par les comportements face à la crise économique et cela ne rassure par sur l’équilibre de l’Union européenne : les pays qui ont beaucoup souffert ont réclamé l’aide de l’UE, ceux qui en ont moins souffert ont voulu protéger leur situation aux dépends des autres et les régions, au sein d’un pays, qui ont souffert à cause d’une autre région ont voulu leur indépendance.

Dans un article publié en avril 2012 dans le journal espagnol El Pais, F. Gonzales Márquez a écrit : le nationalisme a été le virus qui a détruit l’Europe dans la première moitié du XXe siècle. La construction d’un espace public partagé, en approfondissant les compétences communes et en l’élargissant à un nombre plus grand de pays, a aidé l’Europe à dépasser cette pathologie qui l’a menée au conflit pendant un siècle.

Mais aujourd’hui, cette pathologie du « nationalisme individuel » paraît menacer de nouveau l’unité européenne. Selon le journaliste, pour sauver l’UE, la seule solution est de trouver des compromis dans chacun des pays : ils doivent céder de la souveraineté à une entité qui défendrait les intérêts de l’Union européenne au complet. L’opération exige des compromis de tous et entre tous et la gestion doit être commune, sans contraintes imposées par des directoires nationaux, qui attisent et entraînent des réponses nationalistes en retour. La solution est donc politique et commune. Les solutions individuelles font juste entendre de plus en plus les voix des extrêmes européens, chargés de discours xénophobes et contre l’Union qui gagnent de plus en plus de votes.

Vos commentaires
  • Le 27 novembre 2013 à 08:13, par Valéry-Xavier Lentz En réponse à : L’unité européenne menacée

    Merci pour cette contribution au débat qui reviens sur des thèmes souvent évoqués sur Le Taurillon. Toutefois vous aborder des phénomènes très divers et semblez les assimiler sans qu’un fil rouge venant le justifier ou l’expliquer soit véritablement identifiable dans votre propos.

    Je me permet donc de souligner que le nationalisme des territoires aujourd’hui considérés comme des régions (qui recouvre indépendantisme et irrédentisme en effet) est une démarche bien différente de l’autonomisme ou du régionalisme en général. Si il existe naturellement des passerelles de l’un à l’autre ce sont des phénomènes bien distincts en ce que le sens de leur revendication est très différent.

    Il serait utile de se demander pourquoi certains autonomistes sont devenus nationalistes. Une des hypothèses pour l’expliquer est aussi le nationalisme des partisans du maintien du statu quo. Ainsi le nationalisme catalan est avant tout une réponse au nationalisme espagnol qui refuse précisément le multiculturalisme et l’autonomie véritable des communautés.

    J’en profite pour souligner d’une part que les organisations que vous semblez désigner sont parfois bien plus anciennes que les 60 ans que vous évoquez un peu arbitrairement et d’autre part que la crise actuelle n’est en rien liée avec le terrorisme corse ou basque, lequel a globalement pris fin avant le déclenchement de celle-ci. Notons également que ces phénomènes de violence politique n’ont rien à voir avec la démarches d’organisations démocratiques, au pouvoir dans certains territoires grâce au vote des citoyens qui y résident. L’amalgame n’apporte rien d’utile au débat.

    Enfin il reste à démontrer le danger que représenterait pour l’Union européenne l’apparition de nouveaux États. Elle a su montrer sa capacité à accueillir de nouveaux membres par le passé. Le danger me semble plutôt être le nationalisme des dirigeants des États-membres actuels qui refusent de construire une Europe plus efficace et plus démocratique qui répondrait enfin aux attentes des Européens pour préserver une gouvernance postdémocratique fondée sur l’intergouvernementalisme. La source de la défiance envers l’Union me semble venir plutôt de cette attitude.

    Je vous invite à prendre connaissance d’une série d’articles que j’ai rédigé sur ces thèmes :

  • Le 29 novembre 2013 à 11:10, par HLD En réponse à : L’unité européenne menacée

    Le Taurillon où, de plus en plus, la voie du stato-nationalisme anti-européen.

    Voir dans l’affirmation des peuples d’Europe de l’Ouest la « fin de l’UE » alors que les petites nations qui se mobilisent sont toutes pro-UE, il suffit de voir les drapeaux de l’Union flotter aux côtés de ceux de la Catalogne ou de l’Ecosse, c’est vraiment une vue de l’esprit... Et sur pression des vieux stato-nationalismes rancis, Barroso se rallie en dénonçant les plus européistes de tous !

    Ecosse comme Catalogne ont depuis l’origine demandé à intégrer l’UE immédiatement. La menace serait caractérisé si ces pays voulaient quitter l’UE, pas l’inverse.

    Hélas cet article est franco-français ou plutôt parisiano-jacobin, reprenant à son compte tout ce qui conforte le mythe étatiste et souverainiste. Les mêmes forces qui s’opposent au fédéralisme !

    Bref, Le Taurillon, qui se veut européen, ne sort au final pas des sentiers battus de « l’Europe des Nations » chère à Dupont Aignan et consorts.

  • Le 29 novembre 2013 à 19:33, par Aurélien Brouillet En réponse à : L’unité européenne menacée

    Le taurillon accueille des opinions diverses tout en restant évidemment fédéraliste. Beaucoup d’article notamment de Valéry-Xavier vont à l’opposé. Le débat pourra nourir les réflexions de chacun.

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