Les députés manqueraient-ils de sérieux dans le suivi des affaires européennes  ?

, par Alexandre Marin

Les députés manqueraient-ils de sérieux dans le suivi des affaires européennes ?
L’Assemblée nationale française. Source : Wikipédia.

Le jeudi 1er décembre 2016, l’Assemblée Nationale a été le théâtre d’un grand événement  : la venue de l’une des femmes les plus puissantes d’Europe, Margrethe Vestager. La commissaire à la concurrence se soumettait à une audition devant les représentants des citoyens français, répondant à leur préoccupation d’avoir leur mot à dire sur les politiques menées au niveau européen. L’hémicycle du palais bourbon s’est vite retrouvé plein à craquer, avec un taux de présence record…de dix députés.

Les questions à poser étaient pourtant nombreuses et variées. Elles pouvaient porter sur l’optimisation fiscale abusive, via le suivi du dossier Apple, sur les abus de positions dominantes d’entreprises aussi diverses qu’Apple, Google, Uber ou EDF, sur les conditions d’ouverture à la concurrence d’entreprises publiques, sur les concessions hydro-électriques, sur la politique concurrentielle en matière de téléphonie mobile, ou encore sur les effets des traités de libre-échange sur les politiques de concurrence.

Plusieurs sujets ont été abordés, sur des compétences tant nationales qu’européennes  : fiscalité, numérique, transports, énergie, sans oublier la protection de l’environnement.

Tous ces thèmes sont cruciaux pour la bonne santé économique et industrielle de l’Europe, comme pour les finances publiques des Etats membres. Pourtant, le débat autour de ces problèmes n’a, semble-t-il, pas autant intéressé le législateur français que celui relatif au délit d’entrave à l’IVG. Ce dernier avait lieu au même moment que l’audition de la commissaire et a rassemblé soixante députés. Il a également été beaucoup plus médiatisé.

Ce triste spectacle a clôturé la vie législative française pour l’année 2016. Il est derrière nous. L’an 2017 a commencé et verra des élections aux Pays-Bas, en Irlande du Nord, en Bulgarie, en Hongrie, en France, en Allemagne et en Slovénie. Un quart des Etats membres de l’Union européenne sont concernés. L’épisode Vestager, qui remonte déjà à l’année dernière, peut sembler anecdotique et dépassé.

Néanmoins, la perspective de voir les partis démagogues gagner la bataille des urnes n’est pas plus préoccupante que celle d’élire une classe politique dont la désinvolture est aussi flagrante.

Qui plus est, l’absence des membres du Parlement lors de discussions sur des enjeux vitaux pour les citoyens est une préoccupation on ne peut plus actuelle. Ces dernières semaines ont été consacrées, à juste titre, aux conflits d’intérêts dont se rendent coupables nos hommes politiques en embauchant comme collaborateurs des membres de leurs familles, parfois pour des emplois fictifs.

Cependant, le manque de sérieux des élus nationaux dans le suivi des affaires européennes est très peu abordé, et ce, alors même que des traités internationaux dit «  mixtes  », négociés au niveau européen, devront être ratifiés par les pouvoirs législatifs nationaux et locaux. Ces institutions se plaignent de ne pas être suffisamment impliquées dans les dossiers concernant le vieux continent.

Ce reproche est parfois justifié, comme au moment où la Commission européenne avait superbement ignoré les observations formulées par les parlementaires wallons à l’encontre du CETA, ce qui a déclenché le psychodrame d’octobre 2016.

Toutefois, dans la majorité des cas, ces lamentations servent juste à faire porter à l’Europe le chapeau de l’incompétence des députés nationaux. Quand les extrémistes de droite et de gauche veulent faire exploser l’Union européenne, les membres de l’Assemblée nationale la détruisent à petit feu à cause de leur passivité. Cela laisse croire aux citoyens que l’Union ne les écoute pas, décide sans eux, et n’a cure de leurs soucis quotidiens. Les députés Joaquim Peyo et d’Arnaud Richard, ont avoué, le 7 février dernier, découvrir l’existence de la médiatrice européenne alors qu’ils font partie de la commission parlementaire consacrée à l’Europe depuis 2012. Ces déclarations glaçantes sont révélatrices d’une indifférence exaspérante quant au fonctionnement de l’Union des 28.

Il est urgent de remédier à cette situation alarmante  ; les élections législatives auront lieu en juin. Il ne faudrait pas sombrer dans le dilemme qu’est le choix entre des nationalistes et des personnes qui n’ont aucune intention de faire avancer le projet européen.

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