Michel Barnier pour une « Union unie et non uniforme »

, par Diane Bolet pour les Jeunes-Européens Sciences Po Paris

Michel Barnier pour une « Union unie et non uniforme »
Depuis 2010, Michel Barnier occupait le poste de vice-président au marché intérieur et aux services au sein de la Commission Barroso II. - Valsts kanceleja

Michel Barnier, ancien vice-président de la Commission européenne au Marché Intérieur et aux Services, a dressé un bilan des élections européennes de mai 2014 et est revenu sur les défis à relever pour l’Union européenne lors d’une conférence à Sciences Po - Paris, le lundi 6 octobre dernier. Retour sur l’exposé de ses idées.

Lors de cette conférence à Science Po - Paris, le discours de l’ancien commissaire français fut un cri d’alarme sur la situation européenne après les élections de mai 2014, mais aussi un manifeste plein d’espoir. Face à un contexte budgétaire et géopolitique complexe, aux nouvelles menaces terroristes et aux défis du changement climatique, l’ancien vice-président de la Commission européenne pose un ultimatum : « se reposer ou être libre ».

Cette citation de Thucydide, qui est aussi le titre de son dernier livre, paru en avril, est une façon de dire aux citoyens européens qu’ils ont le choix entre se replier sur eux-mêmes ou être libre d’œuvrer pour la construction européenne. Pour lui, considérer les principes de démocratie et de paix comme acquis ne peut que précipiter le futur déclin de l’Union européenne. A la place, il insiste sur le devoir de préserver les valeurs, qui ont forgé notre civilisation, sur des bases solides.

Une vision pragmatique de l’Europe

Après le choc des élections européennes, Michel Barnier s’interroge sur les moyens de reconnecter le citoyen avec le projet européen. Sa vision de l’Europe est celle d’une « Union unie et non uniforme », où la préservation des identités nationales prévaut. Contrairement à l’idée originelle des Pères fondateurs, il ne souhaite visiblement pas d’un Etat fédéral, qui se substituerait en partie aux Etats-nations. Il incarne ce profil atypique d’Européen gaulliste profondément patriote et résolument européen qui veut dépasser les clivages politiques et les rivalités partisanes. Son message se veut simple : « Si on ne s’unit pas face à la concurrence internationale, on est foutu », déclara-t-il ce soir-là. S’il est question de peser à l’échelle mondiale, alors l’unité européenne est impérative.

Créer ce demos européen passe par un engagement direct avec les citoyens au niveau local, national et européen. Selon lui, il faut rétablir l’envie de croire en l’Europe en nourrissant le débat public transeuropéen pour créer l’écosystème le plus favorable. Il s’agit bien de créer une société civile européenne. L’ancien commissaire porte ainsi un message rempli de sagesse, mais qui de ce fait manque de mesures concrètes face à cette désaffection européenne généralisée.

Des défis à relever

Michel Barnier a procédé à un rapide examen des acquis européens. Parmi eux, figure la création d’entreprise à caractère sociale, qui représente maintenant un quart des nouvelles entreprises. Le commissaire sortant dessine aussi les potentialités européennes face à un monde « instable, fragile et injuste ». Selon lui, il manque à l’Europe une « culture commune » pour agir de manière unilatérale en matière de politique étrangère. Elle doit se doter d’outils de politique extérieure efficaces, d’une véritable diplomatie commune et d’une force d’intervention armée. Cependant, vouloir une politique étrangère commune n’entrerait-elle pas en désaccord avec sa vision de gaulliste ?

Une réhabilitation du travail de la Commission

Fervent défenseur de la Commission Barroso, Michel Barnier préfère taire les nombreuses critiques portées à l’égard de la Commission sortante. Jugée trop technocratique et pas assez politique, il n’y ait pourtant revenu que brièvement, lorsqu’il a mentionné qu’il serait nécessaire de revenir « à la politique et faire moins de réglementations ». Celui-ci souligne le souci de transparence de l’institution. Il rappelle la structure collégiale qui contribue à cet « esprit de corps » et de consensus parmi les commissaires. Il défend une Commission, qui n’a pas toujours été organisée en « silo », mais qui fut plutôt organisée en direction générale, notamment lors du passage du Marché unique II et la relance du marché intérieur.

Or, la Commission Barroso a été principalement critiquée pour cette méthode de travail en « silo », c’est-à-dire une Commission où aucune décision n’est transversale, ni prise en commun. Provoquant des luttes internes et des contradictions politiques, elle a surtout cassé la collégialité, qui doit prévaloir au travail de cette institution. Au vu de la nouvelle organisation de la Commission Juncker, qui place les 28 commissaires sous dépendance mutuelle pour s’affranchir du travail en « silo », on ne peut que rester sceptique face à ce choix. Michel Barnier n’a fait aucun commentaire sur la nouvelle Commission, si ce n’est d’espérer voir son idée d’ « examen européen de la valeur ajoutée » (« European added value review ») prendre forme pour accentuer encore un peu plus la transparence.

Même si plusieurs points de fond sont contestables, notamment sur le fonctionnement de la Commission, Michel Barnier a au moins le mérite de tenter de reconnecter le citoyen avec l’Union européenne. Sa solution est toute simple : l’Europe doit être unie plus que jamais et l’on ne doit pas considérer ses principes comme acquis. L’ancien commissaire donne une image non optimiste d’une Europe qui se replie sur elle et d’un besoin de rétablir des fondements solides sans lesquels ce « beau projet européen » ne pourrait perdurer. Les citoyens doivent comprendre les enjeux qui se posent à eux aujourd’hui, car le projet européen, plus que jamais actuel, n’est pas chose acquise.

Vos commentaires
  • Le 31 mars 2015 à 16:54, par LE RETOUR DU GRAND FRéRE En réponse à : Michel Barnier pour une « Union unie et non uniforme »

    L’Europe est un désastre on s’en rend compte tous les jours. On prend les décisions en fonction de ce l’oncle Sam nous nous indique. Il n’y a pas de volonté politique en dehors des ces malheureux commissaires qui sont les exécutants de sa majesté les USA. En matière de défense et de politique économique c’est soit Washington ou New York qui nous instruit sur ce qu’il fait faire.

  • Le 1er avril 2015 à 22:52, par Alexandre Marin En réponse à : Michel Barnier pour une « Union unie et non uniforme »

    « On prend les décisions en fonction de ce l’oncle Sam nous nous indique. Il n’y a pas de volonté politique en dehors des ces malheureux commissaires qui sont les exécutants de sa majesté les USA. »

    A titre d’exemple, je tiens juste à rappeler l’affaire Microsoft : Le géant américain voulait éradiquer toute concurrence pour la vente de ses produits en Europe pour pouvoir monter les prix sans subir de pertes. C’est un commissaire, Mario Monti, qui a imposé une amende à Microsoft, et a réussi à faire condamner cette multi-nationale malgré la pression des USA, et de certains Etats-membres.

    Pour prendre un autre exemple dans un domaine où l’Union européenne est absente, la fiscalité, beaucoup de grandes multi-nationales américaines, comme par exemple amazon s’arrangent pour ne pas payer d’impôts en Europe, faute d’action européenne, du au refus de certains Etats-membres de mettre en place une véritable union fiscale.

    D’ailleurs, les grandes entreprises américaines (et aussi beaucoup d’opérateurs européens et français) reprochent à l’Europe sa politique de protection des consommateurs.

    Quant à la défense, il n’y a tout simplement pas d’Europe. Il y a l’OTAN, dont sont membres la plupart des pays de l’Union européenne, mais l’Union européenne et l’OTAN sont deux organisations différentes et indépendantes l’une de l’autre. Bref, l’OTAN n’a rien à voir avec l’Europe. Et comme ce sont les Américains qui investissent le plus dans l’OTAN, ils ont des moyens de pression plus efficaces qui leur permettent d’avoir une influence énorme sur les décisions qui sont prises. D’où la nécessité d’une armée européenne pour rééquilibrer les rapports de force.

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