Rappel de l’ambassadeur en Italie : une réponse anachronique à la provocation

, par Valéry-Xavier Lentz

Rappel de l'ambassadeur en Italie : une réponse anachronique à la provocation

Réagir à la provocation du vice-premier ministre italien venu rencontrer des opposants extrémistes au gouvernement français par le rappel de l’ambassadeur en Italie, est une démarche anachronique et disproportionnée contradictoire avec l’esprit de la construction européenne. Cette initiative, de nature diplomatique, est une mauvaise réponse alors que l’Europe forme désormais un espace politique et citoyen où les désaccords doivent s’exprimer d’abord sous la forme du débat public.

Luigi Di Maio (M5S), le chef de l’une des deux formations constituant la coalition « rouge-brun » qui gouverne l’Italie, a clairement fait oeuvre de provocation en venant rencontrer à Paris, mardi 5 février, quelques uns des plus radicaux des « gilets jaunes », lesquels envisagent de se présenter aux élections européennes sur l’une des nombreuses listes en cours de constitution se réclamant de ce phénomène.

Le gouvernement français a réagit dans un communiqué publié par le ministère des Affaires étrangères : « La France a fait, depuis plusieurs mois, l’objet d’accusations répétées, d’attaques sans fondement, de déclarations outrancières que chacun connaît et peut avoir à l’esprit. Cela n’a pas de précédent, depuis la fin de la guerre. Avoir des désaccords est une chose, instrumentaliser la relation à des fins électorales en est une autre. Les dernières ingérences constituent une provocation supplémentaire et inacceptable. Elles violent le respect dû au choix démocratique, fait par un peuple ami et allié. Elles violent le respect que se doivent entre eux les gouvernements démocratiquement et librement élus. ». En conséquence, le gouvernement a choisi de rappeler l’ambassadeur de France en Italie.

En procédant ainsi, une démarche exceptionnelle au sein de l’Union européenne, le gouvernement français a choisi de transformer un désaccord de nature politique en une crise diplomatique entre État. L’incident passe alors du champ politique au champ des relations internationales. En se cachant devant le soi-disant « respect que doivent se porter entre eux les gouvernements » le gouvernement commet une erreur grossière dans le contexte du processus d’unification européenne qui est le nôtre.

Naturellement, il est légitime de condamner les orientations du gouvernement nationaliste italien. Ce dernier mène une politique visant à dissimuler l’échec de sa politique aux yeux de son électorat en désignant des ennemis extérieurs. Alors que les intérêts communs aux pays européens, et tout particulièrement ceux du pourtour méditerranéen devraient primer, la recherche de la confrontation va contre les intérêts du pays.

Toutefois l’Union européenne constitue désormais un espace public transnational en formation. Elle est une union d’États mais aussi de citoyens. Aujourd’hui, il est parfaitement normal que les Italiens soient concernés par ce qui se passe en politique en France et que les Français s’intéressent à la politique italienne. À l’approche des élections européennes, les partis politiques des États-membres sont pour la plupart rassemblés dans des partis européens qui présentent chacun un programme en commun et un candidat à la présidence de la Commission européenne.

Il existe une autre Italie que celle qu’incarne le gouvernement rouge-brun où siègent Salvini et Di Maio. C’est à elle que les formations politiques démocratiques européennes doivent s’adresser. Ces désaccords ne doivent pas se cristalliser dans une relation d’État à État mais doivent être au coeurs de débats politiques où l’on s’adresse aux citoyens européens d’Italie. C’est à eux qu’il faut s’adresser directement en retour car l’Europe doit être une affaire de citoyens et non pas de diplomates. La bonne réponse aux provocations et aux insultes des nationalistes démagogues, c’est d’abord de faire campagne, en Italie, et avec les Italiens favorables à la démocratie et à l’unité européenne. Pour autant la campagne doit porter sur les véritable enjeux de l’élection et non pas sur une opposition factice entre nationalistes et soi-disant pro-européens, alors que l’on vote d’abord pour élire des députés qui auront à contribuer à définir les orientations des politiques publiques au sein de l’Union européenne bien réelle qui existe aujourd’hui et non pas dans l’Europe fantasmée des uns et des autres.

En renonçant à mener ce combat politique et en choisissant de faire appel aux instruments désuets de la diplomatie internationale, le gouvernement français agit en contradiction des principes fondamentaux de la construction européenne. On peut d’ailleurs légitimement se demander aujourd’hui s’il ne faudrait pas tout simplement fermer les ambassades dans les autres États membres de l’Union européenne tant la relation entre eux est désormais différentes de celles avec les États tiers. Les ambassades devraient être réservées aux États étrangers. En Europe, les consulats sont largement suffisants. Un tel mauvais réflexe révèle la nature essentiellement conservatrice d’un establishment européiste qui se contente d’une Europe des États et des gouvernements, éventuellement vaguement aménagée à la marge, et refuse au fond de la transformer radicalement dans le sens d’une démocratie fédérale, seule approche qui permettrait de doter l’Union des moyens politiques, institutionnels et financiers susceptibles de lui permettre de mener enfin les politiques publiques nécessaires pour répondre aux attentes des Européens.

Vos commentaires
modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?

Pour afficher votre trombine avec votre message, enregistrez-la d’abord sur gravatar.com (gratuit et indolore) et n’oubliez pas d’indiquer votre adresse e-mail ici.

Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Suivre les commentaires : RSS 2.0 | Atom