Solidarité pour la Grèce ? Un grand « oui » et une fédération économique à achever !

, par Pierre-Marie Simon

Solidarité pour la Grèce ? Un grand « oui » et une fédération économique à achever !
La victoire de Syriza au dernier scrutin grec a donné des sueurs froides aux dirigeants européens, dont le président de l’Eurogroupe et la présidente du FMI, respectivement Jeroen Dijsselbloem et Christine Lagarde. Les membres de l’euro zone ont finalement trouvé un accord avec la Grèce à propos de sa dette et d’un arsenal de mesures. La Troïka garde son emprise sur la dette grecque, bien qu’Alexis Tsipras, le nouveau Premier ministre grec, a réussi à redonner à la Grèce une once de souveraineté sur la gestion du pays et de sa dette. - EU Council Eurozone

Le nouveau gouvernement Tsipras est une « vraie plaie » pour l’Eurogroupe. Ces derniers temps, Jeroen Dijsselbloem, président de l’Eurogroupe, a dû passer de mauvaises nuits. Jour après jour, Tsipras a envoyé des fins de non-recevoir à ses demandes. Le nouvel accord provisoire permet une remise à plat de la gestion de la crise grecque, mais n’est en rien une fin en soi, il n’est que temporaire, un sursis supplémentaire. Une nécessité de solidarité s’impose, mais pas à n’importe quel prix. La solidarité doit achever le processus enclenché depuis la crise.

Le refus grec de perpétuer les plans d’aides a laissé les membres de l’Eurogroupe pantois. En refusant la gestion de la crise par la Troïka, ce nouveau consensus a permis au gouvernement grec de définir lui-même l’agenda des réformes à venir. C’est une grande victoire pour Tsipras qui reprend en main une partie de la destinée et de la souveraineté du pays, malgré les promesses de campagne qu’il ne pourra pas tenir. Pourtant, les marges de manœuvre d’Alexis Tsipras sont extrêmement limitées. Il le sait, ce sont les membres de la zone euro, et en particulier l’inflexible ministre des Finances allemand, Wolfgang Schäuble, qui conserve la manne financière indispensable au pays pour fonctionner.

Une réflexion de fond s’impose à propos d’une union économique et monétaire

Si l’on regarde les évolutions institutionnelles de l’Union européen et de la zone euro, en particulier depuis la crise de 2008, on peut voir l’émergence d’une réelle union économique et politique en devenir. La mise en place de nouveaux outils venant renforcer et stabiliser l’euro est une bonne chose qui démontre la force du projet européen. L’instauration du FESF , puis du MES et enfin de l’Union bancaire, ce dernier outil en vigueur permettant de mettre un coup d’arrêt au lien organique de solidité financière des banques et dette souveraine démontrent aujourd’hui la force de réaction de la zone euro.

L’Union s’est donc dotée de solides mécanismes de contrôle et de solidarité, qui font émerger une « quasi-fédération » économique.

Il manque cependant un attribut important pour désigner l’union économique, monétaire et bancaire comme une réelle fédération économique : c’est un contrôle démocratique. Aucun citoyen ne sait qui contrôle ces outils et ces mécanismes.

Le Conseil de résolution de l’union bancaire, ainsi que le MES, sont composés de techniciens et de représentants d’Etats. Ce sont des outils obscurs, qui rappellent les accusations de « technocratie », « d’intergouvermentalisme non efficace » et de « diplomatie de couloir », où les décisions sont prises par on ne sait trop qui.

S’imposera rapidement la nécessité de simplifier et de rendre plus transparents ces outils, notamment par un contrôle du Parlement européen et par conséquent des citoyens. A cet égard, il apparait intéressant de remettre sur le tapis l’idée proposée par Schäuble en 2010 de créer un réel Fonds Monétaire Européen, qui pourrait être un outil sous contrôle démocratique et l’amorce d’une réelle gouvernance communautarisée de gestion de crise.

Aujourd’hui, certains membres de l’Eurogroupe, dont certains sont plus pauvres que la Grèce elle-même, refusent d’abandonner la dette grecque, détenue à 85% par les Etats membres et la Banque centrale européenne. La proposition d’abandonner purement et simplement peu ou prou une partie de la dette grecque n’est pas envisageable pour les bailleurs de fonds public. Cela coûterait tout simplement trop cher.

Que faire alors ? Au regard de la mise en place du contrôle budgétaire par Bruxelles des Etats membres, une ébauche de solution apparaît en filigrane. Aux Etats-Unis, la faillite d’une collectivité est un épisode rude. Le pouvoir fédéral vient contrôler la collectivité, et les conséquences sociales sont inhumaines : renvoi de fonctionnaires et fermetures de services publics sont décidés unilatéralement. Pourtant l’administrateur fédéral s’engage à honorer les contrats de la collectivité afin de ne pas mettre en difficulté l’économie locale. Cette administration directe et centralisée est un épisode humiliant pour les pouvoirs politiques locaux, mais il permet malgré tout de ne pas bloquer l’économie à la même échelle que la crise d’austérité subie en Grèce. Il faut aujourd’hui achever ce processus. La Grèce a déjà trop souffert, sans voir la fin du tunnel. Même si aujourd’hui une faible croissance revient, et un excédent budgétaire primaire (hors poids de la dette) est aujourd’hui dégagé, cela reste insuffisant pour relancer le pays. La dette s’est mathématiquement creusée, dû à une faiblesse des revenus fiscaux, passant de 100% au début de crise à 175% aujourd’hui.

Le temps des concessions ?

Il faut maintenant que les Etats membres fassent des concessions. Relancer la machine économique grecque admet une réévaluation du poids de la dette, et en particulier de ses intérêts, qui ne seront payés qu’à partir de 2023 mais qui risquent d’être au cœur des débats dès à présent, après l’accord provisoire sur le versement d’une nouvelle aide en échange d’un programme de réformes du gouvernement grec. Le Quantative Easing mis en place par la BCE doit être utilisé pour soulager la dette, tant celle des Grecs, que celle des Etats membres de la zone euro, détenteurs majoritaires dans les prochains mois de cette même dette. La BCE est donc une clé partielle de solution. Elle doit aujourd’hui prendre ses responsabilités. Le simple objectif de relancer l’inflation est insuffisant. Ces actuelles menaces ne risquent que de rouvrir à court terme une boîte de Pandore trop récemment fermée.

Il faut d’ores et déjà en tirer les leçons tant économiques que démocratiques. Cette crise doit servir de modèle aux très probables crises à venir. Ces leçons doivent passer par une transparence plus grande, une réponse plus rapide, et une solidarité sans équivoque. Le manque de ces trois aspects a coûté trop cher à la Grèce. La mise en place de procédure de faillite d’Etat membre doit être légiférée, telle qu’elle existe dans d’autres modèles fédéraux tels que les Etats-Unis. La réflexion sur la mise en place d’outils démocratisés doit également s’imposer.

Mots-clés
Vos commentaires
modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?

Pour afficher votre trombine avec votre message, enregistrez-la d’abord sur gravatar.com (gratuit et indolore) et n’oubliez pas d’indiquer votre adresse e-mail ici.

Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Suivre les commentaires : RSS 2.0 | Atom