Ursula von der Leyen : bilan d’un mandat marqué par les crises

, par Allan Malheiro

Ursula von der Leyen : bilan d'un mandat marqué par les crises
Premier point press de Ursula von der Leyen en tant que présidente de la Commission européenne, en 2019. ©Parlement européen

Le lundi 29 février, Ursula von der Leyen a officialisé sa candidature pour un second mandat à la tête de la Commission européenne. Soutenue par l’Allemagne et possiblement par la France ainsi que par son parti, le PPE (à quelques exceptions), sa réélection s’annonce plus facile que sa première élection en tant que présidente de la Commission européenne en 2019 mais dépendra fortement des élections européennes. Cinq ans après, rétrospective d’un mandat marqué par les crises.

Une élection surprise en 2019

Au sortir des élections européennes de mai 2019, Ursula von der Leyen n’était pas censée être élue présidente de la Commission européenne. Selon le principe du Spitzenkandidat (le chef du parti européen arrivé en tête des élections est censé être élu président de la Commission européenne), Manfred Weber (pour le Parti Populaire Européen ou PPE, arrivé premier) et Frans Timmermans (pour les Socialistes et Démocrates ou S&D, arrivés deuxième) avaient des chances de l’emporter. Cependant, certains dirigeants européens, notamment Emmanuel Macron et Mark Rutte, critiquaient le manque d’expérience exécutive de Manfred Weber et n’avaient pas l’intention de respecter le principe du Spitzenkandidat. La candidature de Manfred Weber écartée, le compromis entre les dirigeants européens s’était porté sur Frans Timmermans mais le groupe de Visegrad (Slovaquie, République tchèque, Pologne et Hongrie) s’y était fermement opposé car celui-ci avait critiqué l’état de droit dans ces pays. Après plus de 26 heures de négociations au Conseil européen, un accord avait finalement été trouvé sur la nomination d’Ursula von der Leyen, ministre de la Défense allemande non candidate au départ.

Critiquée initialement par certains eurodéputés (qui lui reprochaient d’avoir été proposée par le Conseil européen sans être ni Spitzenkandidat ni même eurodéputée), elle convainc finalement les Verts avec un projet de Green Deal, les libéraux en se prononçant en faveur de l’initiative législative du Parlement européen et une réflexion sur des listes transnationales pour les prochaines élections européennes (finalement refusées par le Conseil européen) et certains sociaux-démocrates en proposant l’établissement d’un salaire minimum européen ou un système de réassurance chômage pour faire face aux crises. Elle est finalement élue à une majorité timide de seulement 9 voix.

Une première crise : la pandémie de Covid-19

Ursula von der Leyen prend ses fonctions de présidente de la Commission européenne vers la fin des négociations du Brexit. Avec Michel Barnier, ils doivent ainsi gérer les derniers points d’accords avec Londres : le 1 février 2020, le Royaume-Uni quitte ainsi l’Union européenne, mettant fin à des années de négociations ardues. Cependant, une crise européenne peut en cacher une autre : mars 2020 marque l’accélération de la pandémie de Covid-19 et les pays européens commencent à se confiner. Si la coopération européenne a semblé affaiblie au départ (fermeture de la frontière franco-italienne le 10 mars, contrôles à la frontière franco-allemande le 16 mars,...) et que la Commission a eu un rôle de second plan par rapport aux Etats en terme de politique de santé, elle s’est illustrée sur le plan économique. Avec les pays européens, elle a mis en place un plan de relance européen doté de 750 milliards d’euros et a favorisé l’intégration budgétaire avec l’émission d’une dette commune devant être remboursées par des ressources “propres” de l’UE (c’est-à-dire non basée sur des contributions des Etats mais sur des taxes directement collectées par l’Union européenne). La politique de vaccination de la Commission a cependant été critiquée pour son retard et ses méthodes (Ursula von der Leyen avait par exemple négocié des vaccins par SMS secrets avec le PDG de Pfizer, que la Commission refuse de révéler) mais, après une lenteur initiale, s’est accélérée.

Un soutien ferme à l’Ukraine

En parallèle à la pandémie de Covid-19, la Commission européenne a aussi dû gérer une détérioration de l’Etat de droit en Pologne et en Hongrie, toujours en cours. Cependant, l’événement le plus marquant a sans conteste été l’invasion de l’Ukraine déclenchée par la Russie le 24 février 2022. Comme la grande majorité des dirigeants européens, Ursula von der Leyen a apporté son soutien à l’Ukraine, ayant ainsi visité Boutcha en avril 2022 et s’est rendue de nombreuses fois à Kiev. Elle a également participé à la mise en place de sanctions contre la Russie, le soutien financier et militaire à l’Ukraine et soutenu la candidature du pays à une adhésion à l’Union européenne.

Un Green Deal ambitieux, mais qui a du plomb dans l’aile

Politique majeure de son mandat, le Green Deal ou Pacte vert (près de 1000 milliards d’euros dépensés dans l’Union européenne de 2021 à 2030 pour faire face au changement climatique) semble avoir actuellement du plomb dans l’aile. Mené conjointement par Ursula von der Leyen et Frans Timmermans, il prévoit d’atteindre la neutralité carbone en 2050 et a abouti à près d’une cinquantaine de textes législatifs innovants comme la suppression des moteurs thermiques pour les voitures neuves à partir de 2035, l’introduction d’une taxe carbone aux frontières ou la promotion de la rénovation énergétique des bâtiments.

Cependant, le Pacte vert semble être en difficulté : alors qu’il était déjà de plus en plus critiqué par les conservateurs européens y compris au sein du PPE, parti de la présidente de la Commission (les Républicains ont ainsi annoncé qu’ils ne la soutiendraient pas car son action écologique est trop ambitieuse pour eux), la démission de Frans Timmermans le 22 août 2023 l’a encore affaibli. En effet, l’ancien commissaire européen à l’Action pour le climat a été remplacé par Wopke Hoekstra, qui n’inspire pas confiance aux partisans du Green Deal : il a ainsi été un ancien cadre de Shell, épinglé dans l’affaire des Pandora Papers pour évasion fiscale (alors qu’il était chargé de lutter contre les paradis fiscaux) et est considéré comme condescendant vis-à-vis des pays du Sud pour ses leçons de morales budgétaires qualifiées de “répugnantes” par l’ancien premier ministre portugais Antonio Costa. De plus, le Pacte vert a été récemment fragilisé par les manifestations d’agriculteurs : face aux critiques des normes écologiques, la Commission a été contrainte de réduire l’ampleur du Pacte vert, notamment sur les pesticides.

Quelle nouvelle politique à la Commission ?

Ursula von der Leyen se pose en “candidate naturelle” à sa réélection et ne semble donc pas avoir de rival pour le poste de président de la Commission européenne au sein de son parti : même si celui-ci n’est pas unanime (comme le montre la défection des Républicains, bien qu’ils restent mineurs), il est très probable qu’elle obtienne son investiture. Olaf Scholz, même s’il vient du SPD (parti allemand de gauche) et non pas de la CDU (parti de droite allemand de Ursula von der Leyen), a également annoncé qu’il soutiendra sa candidature et le soutien français semble probable, mais pas garanti. Cependant, il pourrait lui être reproché ses divergences avec d’autres dirigeants d’institutions européennes : les mauvais rapports avec Charles Michel et les divergences avec Josep Borrell (notamment sur le conflit israélo-palestinien) pourrait ainsi la fragiliser, la défection de 2 poids lourds de son équipe (bien que celles-ci ne soient pas liées à des divergences) que sont Frans Timmerman en charge du Green Deal et Margaret Vestager en charge de la concurrence pourrait également ralentir l’action de la Commission. Enfin, bien que le soutien du Conseil européen paraisse probable, le soutien du Parlement pourrait ne pas être assuré en cas de forte percée de la droite radicale et de l’extrême droite lors des élections européennes de juin. Dans tous les cas, il est probable que l’aspect écologique et social de sa politique soit mis de côté, au moins provisoirement, si elle brigue un second mandat à la tête de la Commission. Cependant, Ursula von der Leyen a de nouvelles ambitions pour l’Europe : elle souhaite ainsi se concentrer sur la politique de défense européenne et sur la question de l’élargissement.

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