1999 : Un projet européen … sans électeurs

, par Thomas Leite

1999 : Un projet européen … sans électeurs

À la fin des années 1990, la Communauté européenne est à un moment charnière de son histoire. L’entrée en vigueur du traité de Maastricht et le lancement du marché unique en 1993 signent le début de l’Union européenne comme nous la connaissons aujourd’hui. En 1999, l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam et la mise en circulation de l’euro pour les entreprises et les transactions financières approfondissent la logique d’intégration. Toutefois, les élections européennes de 1999 sont marquées par une profonde abstention des citoyens à l’échelle européenne.

Le projet européen en plein essor

La Communauté européenne n’ayant pas connu d’élargissement depuis 1986 avec l’entrée dans la Communauté de l’Espagne, de la Grèce et du Portugal, c’est vers le nord que l’UE se tournera en 1995. À la suite de référendums respectifs en 1994, l’Autriche, la Finlande et la Suède votent tour à tour pour intégrer l’Union européenne. Les Norvégiens, dans le même temps, votent à 52,2% pour refuser d’intégrer l’organisation. En Finlande et en Norvège, l’opposition au rattachement capitalise sur les inquiétudes vis-à-vis de la compétitivité agricole de certains Etats membres et la perte de contrôle sur les larges subventions accordées aux pêcheurs nordiques.

Ces trois nouveaux membres connaîtront, la préparation et la signature du traité d’Amsterdam ainsi que les prémices d’une monnaie commune. Le traité d’Amsterdam, signé le 2 octobre 1997, renforce le poids du Parlement en généralisant la procédure de codécision entre le Parlement et la Commission. Le traité a aussi pour but de préparer les institutions à accueillir les prochains nouveaux membres que pourrait engendrer un élargissement vers l’est. Ainsi, le recours à l’unanimité dans la prise de décision est limité à des sujets régaliens comme les affaires constitutionnelles ou la fiscalité.

En matière de politique étrangère surtout, le poste de “Haut-représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune” est créé. Chapeautant le 2ème pilier institutionnel mis en place par le traité d’Amsterdam, c’est à dire la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), il est notamment chargé de conduire le dialogue avec les pays tiers. Ce poste sera occupé pendant 10 ans par Javier Solana, ancien ministre espagnol des affaires étrangères et secrétaire général de l’OTAN. Le traité de Lisbonne réformera ce poste en le fusionnant avec le commissaire chargé des relations extérieures afin de conduire la politique étrangère et de sécurité commune de l’Union.

Une abstention record

Malgré une décennie propice à l’enthousiasme européen, les résultats des élections européennes de 1999 posent question. Jamais aussi peu de participation n’avait été observée lors des élections européennes. En France, l’abstention atteint 53,2% lorsqu’aux Pays-Bas, en Suède, au Portugal et en Finlande elle dépasse les 60% pour atteindre 76% d’abstention au Royaume-Uni.

L’abstention moyenne dans l’UE est de 50,49%, le plus haut taux jamais enregistré. Et ce sont notamment les pays dont le vote est obligatoire (la Belgique et le Luxembourg) qui permettent de maintenir cette moyenne aussi haute.

La guerre aux portes de l’UE

Les élections européennes ont aussi été impactées par une couverture médiatique moindre du fait de l’actualité géopolitique.

En effet, depuis 1998, le Kosovo est en proie à une crise humanitaire et politique de grande ampleur. Située dans les Balkans, cette région était alors une province de la République fédérale de Yougoslavie, dirigée par Slobodan Milošević.

Depuis plusieurs années, les tensions ethniques entre les Albanais kosovars majoritaires, principalement musulmans, et la minorité serbe orthodoxe, qui occupait le pouvoir central yougoslave, s’étaient intensifiées.

En 1998, les violences s’intensifient et provoquent le déplacement de centaines de milliers de personnes, suscitant une profonde préoccupation au niveau international.

En mars 1999, l’OTAN décide d’intervenir et de mener une campagne aérienne contre les forces serbes dans le but de mettre fin aux atrocités et de conduire au retrait des troupes serbes du Kosovo.

Le 10 juin 1999, premier jour des élections en Europe, l’OTAN annonce la signature d’un accord de paix avec les forces serbes. Cet accord prévoit le retrait de l’armée yougoslave du Kosovo. Cet actualité d’importance majeure dans un conflit qui se déroule à la frontière avec l’Europe, a occulté les élections européennes.

La démission de la Commission Santer

Les élections européennes de 1999 ont aussi été marquées par un événement survenu quelques semaines auparavant ; la démission de la Commission présidée par Jacques Santer. Cette évènement a fait suite à une succession de crises politiques au sein de l’organe exécutif de l’UE.

Tout commence en 1998 lorsque la presse française révèle que la commissaire française Édith Cresson aurait employé à la Commission européenne le chirurgien dentiste René Berthelot pour un emploi … fictif.

La crise s’emballe en 1999 et d’autres commissaires sont cités dans des cas d’irrégularités, de mauvaise gestion, de fraude et de népotisme. Le Parlement joue le rapport de force avec la Commission et obtient la création d’un “comité de sages” chargé d’enquêter. À l’issue de leur enquête, les cinq sages, des professionnels de la comptabilité et du droit, rendent un rapport dans lesquels sont cités les noms de dix commissaires impliqués de près ou de loin dans des irrégularités.

Dans la nuit du 15 au 16 mars 1999, Jacques Santer, décide de préserver le principe de collégialité du collège des commissaires en donnant une démission collective. Il évite ainsi une possible motion de censure de la part du Parlement qui aurait pu être votée les semaines suivantes.

Ces affaires et leur retentissement médiatique ont contribué à éloigner les citoyens de l’Europe et ont offert une image corrompue et immorale des enjeux européens. Lors de la campagne des élections européennes, les mouvements et partis eurosceptiques se sont allègrement servis de ces actualités pour mettre à mal la crédibilité du projet européen.

Article en collaboration avec le podcast Europe & Sentiment à l’occasion de l’épisode dédié aux élections de 1999. Vous pouvez aussi consulter notre article précédent sur les élections européennes de 1994.

Financé par l’Union européenne. Les points de vue et avis exprimés n’engagent toutefois que leur(s) auteur(s) et ne reflètent pas nécessairement ceux de l’Union européenne ou de l’Agence exécutive européenne pour l’éducation et la culture (EACEA). Ni l’Union européenne ni l’EACEA ne sauraient en être tenues pour responsables.

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