Un peu d’histoire
Jorge Álvares est le premier européen à être arrivé à Hong Kong. Il s’y est installé en 1513 pour y commercer avec la Chine. C’est la première fois que l’empire du milieu est atteint par des explorateurs européens par la mer.
C’est en 1842 avec le traité de Nankin que Hong Kong passe officiellement sous contrôle britannique. Seulement 7500 personnes y résident, pratiquant la pêche et la culture du charbon de bois. Toutefois, ce site est stratégique. Les eaux sont profondes (assez pratiques pour les navires militaires et commerciaux) et la localisation importante (à la sortie de l’estuaire de la rivière des Perles connectant Guangzhou aux océans). Le territoire s’agrandit au-delà des limites de l’île ; de la péninsule de Kowloon aux nouveaux territoires en passant par diverses îles avoisinantes jusqu’en 1898 et le fameux bail emphytéotique de 99 ans.
Hormis les 4 années d’occupation japonaises durant la Seconde guerre mondiale, Hong Kong s’est rapidement développé. L’un des 4 dragons asiatiques, la colonie bénéficie d’un afflux important de migrants qualifiés ou non venant de Chine continentale pour y trouver de meilleures conditions de vie. La stabilité, les opportunités et les infrastructures font de Hong Kong la ville attractive et prospère que nous connaissons.
Les noms de certaines rues rappellent le statut d’ancienne colonie de Hong Kong.
Cette place financière depuis les années 1990 a également toujours attiré les européens. Les migrants et expatriés venant du vieux continent y ont toujours été très nombreux. Ils apprécient la qualité de vie et la richesse hongkongaise. C’est une ville où se mélangent les cultures et les idées : source de diversité mais aussi de tensions.
La rétrocession à la Chine et les changements politiques
Le 1er juillet 1997, Hong Kong est rétrocédé intégralement à la Chine. C’est aujourd’hui qualifié par les autorités chinoises de “retour à la mère patrie”. Le Royaume-Uni aurait pu légalement conserver l’île principale et la péninsule de Kowloon, mais cela aurait été très compliqué sur le plan pratique et politique. La plupart des infrastructures (aéroport ou approvisionnement en eau et électricité) sont situés dans les nouveaux territoires, la zone donc sujette au bail de 99 ans. De plus, la Chine a cessé de reconnaître la souveraineté britannique sur Hong Kong, mais uniquement son pouvoir d’administration.
La Chine accepte d’accorder à Hong Kong une certaine autonomie. Une “déclaration commune sino-britannique sur la question de Hong Kong” permit de légitimer la rédaction par un comité ad hoc d’un document légal considéré comme la constitution de facto de Hong Kong. La ville passe du statut de colonie à celui de “région administrative spéciale”. Aujourd’hui donc et selon la célèbre formule de Deng Xiaoping, c’est “un pays deux système”.
La Cour d’appel finale remplace le Comité judiciaire du Conseil privé en 1997. Mais les missions et le fonctionnement restent relativement similaires.
Certains droits et fonctionnements sont conservés. Cela inclut le système juridique de la Common Law, même si les différentes institutions changent de nom. La procédure judiciaire demeure totalement distincte du reste de la Chine. Cependant certaines dispositions permettent au gouvernement central de s’immiscer dans le droit positif de cette administration. D’une part ladite loi basique peut-être modifiée et interprétée par le Comité permanent de l’Assemblée nationale populaire. C’est le cas par exemple de la loi sur la sécurité nationale datant de 2019. Aussi des décisions ou l’imposition d’un état d’urgence permet au gouvernement central chinois d’affirmer son autorité.
Nous ne nous concentrons pas sur les changements institutionnels et politiques car ils sont évidemment nombreux. Cet article s’intéresse uniquement au leg britannique.
La conservation de l’héritage britannique grâce à la langue
Hong Kong conserve de nombreuses caractéristiques qui nous rappellent que ce territoire était administré par les britanniques.
Tout d’abord, la langue anglaise. L’anglais n’est certes pas la langue la mieux maîtrisée dans la ville. Elle est utilisée principalement au sein des grandes entreprises, de la justice, de l’enseignement et parfois des administrations. Dans la vie courante et en dehors du milieu d’expatriés, c’est le cantonais qui domine, suivi bien plus loin du mandarin.
L’écriture chinoise traditionnelle côtoie l’anglais sur tous les affichages officiels. Ici un rappel de la police locale contre les rassemblements de plus de deux personnes.
Néanmoins, l’usage de l’anglais est bien plus courant que celui du portugais à Macao. La très grande majorité des restaurants ont un menu en anglais, parfois qu’il faut réclamer puis attendre quelques minutes qu’ils soit retrouvé dans un carton au fond des archives. Quasiment tous les sites internets ou documents officiels ont une version anglophone. Les hongkongais ont souvent une maîtrise partielle de l’anglais, mais peuvent converser avec touristes et expatriés. Ce n’est pas le cas à Macau.
L’anglais est toujours largement enseigné dans le secondaire, mais de nombreuses écoles sont passées au chinois après la rétrocession. Quant au supérieur, la plupart des cours des universités sont en anglais, mais l’importance du chinois a progressé. L’université Baptiste de Hong Kong a par exemple imposé un test de mandarin à tous les étudiants afin d’obtenir leur diplôme. Cela a provoqué de nombreuses tensions, que ce soit pour les étudiants anglophones ou cantonophones.
L’élite envoie toujours ses enfants étudier dans les écoles secondaires internationales, puis la plupart poursuivent leurs études dans les prestigieuses universités américaines, britanniques ou australiennes. Il est toujours très bien vu de converser avec un accent d’Oxford même si les jeunes plébiscitent plus désormais l’accent américain. Les annonces dans les transports en commun ou les voix hors champ dans les publicités sont toujours très britanniques.
Les vestiges de l’administration coloniale
Tout touriste qui traverse la frontière entre la Chine continentale et Hong Kong peut témoigner de différences toujours présentes. Il peut être surpris de la vérification de son document de voyage, et même de son visa si il est chinois alors qu’il pensait que c’était le même pays ! Les résidents hongkongais ont d’ailleurs leur propre passeport et carte d’identité. La monnaie change également (dollar hongkongais).
Puis les voitures (équipées d’ailleurs de plaques d’immatriculations ressemblant étrangement à celles britanniques) ne circulent pas dans le même sens. Les panneaux routiers et de signalisation respectent les standards européens. Le développement des transports est ainsi lié à la colonisation. Comme nous l’avons constaté dans le préambule de cette série, tramways, bus, métros… ont tous été importés par les colons britanniques.
Le 奶茶 ou Milk tea (Thé au lait) est une boisson particulièrement populaire. C’est l’exemple parfait du mélange de la culture locale et coloniale. Elle est souvent servie dans des cafés fusionnant les traditions occidentales et cantonaises, et servant des petits déjeuners particulièrement britanniques. Il est estimé que 900 millions de tasses de ce mélange de thé noir et lait concentré sont consommées annuellement à Hong Kong.
Une boîte au lettre installée avant 1997 et repeinte en vert au moment de la rétrocession. Il est toujours possible d’observer les symboles de la couronne britannique.
Aussi d’autres vestiges beaucoup moins répandus peuvent être trouvés. Les prises électriques n’ont pas changé. Il reste aussi moins d’une centaine de boîtes aux lettres avec les symboles de la couronne (partiellement dissimulés sous une couche de peinture verte). Les noms de rues notamment en centre ville sont souvent ceux d’anciens gouverneurs, fonctionnaires coloniaux ou monarques.
Des restes anecdotiques et un leg plus important.
Ainsi, un des éléments les plus importants du leg britannique n’est pas ces vestiges anecdotiques mais bien la langue et le droit. Xi Jinping a bien affirmé vouloir conserver le système de la Common Law :
“Le gouvernement central soutient pleinement Hong Kong dans le maintien à long terme de son statut et de ses atouts uniques, (...) dans la conservation de son système de Common Law...”
De nombreux juristes et universitaires s’inquiètent pourtant des récentes évolutions qui menacent l’état de droit à Hong Kong. Les mises en liberté sous caution se raréfient et se complexifient. L’imposition de la loi sur la sécurité nationale en 2019 a permis l’arrestation de nombreux acteurs de la société civile pour des actes qualifiés de “secession, connivence, subversion ou terrorisme”. Les juges sont directement choisis par le chef de l’exécutif dans les affaires de sécurité nationale. De nombreux médias d’opposition ont dû cesser de publier…
Quant à la langue anglaise, elle est toujours officiellement reconnue. De plus, la langue de Shakespeare occupe une place de plus en plus importante dans notre société-monde. Les grandes entreprises et firmes transnationales l’utilisent pour commercer, et donc conservera sa place dans le monde des affaires. Dans le milieu universitaire, la recherche se faisant aussi principalement en anglais, cette langue a de beaux jours devant elle malgré certaines politiques récentes.
Il convient donc d’apprécier l’héritage britannique issu de la longue colonisation, et parallèlement d’évoluer dans une société hongkongaise sous différente souveraineté. Il existe certes une nostalgie de l’époque coloniale pour de nombreux Hongkongais, mais il est très probable que la ville demeure chinoise pour longtemps. Il serait par conséquent ignorant de considérer tout legs colonial comme regrettable, et tout changement contemporain comme indésirable.
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