21 avril européen : Leçons pour le PS

, par Quentin Weber-Seban, Robin Huguenot-Noël

21 avril européen : Leçons pour le PS
Marine Le Pen Crédits photos : Gauthier Bouchet

Le Taurillon a le plaisir d’accueillir une tribune de deux militants PSE qui s’expriment pour commenter les résultats du scrutin européen.

Les résultats sont tombés. Pour toute personne engagée pour l’Europe, ils sont durs. Plus durs encore pour les progressistes qui ont cru que l’Europe pourrait, enfin, revêtir les couleurs de la solidarité. Ces résultats sont aussi un appel au sursaut.

Pour mieux les comprendre, il faut d’abord se pencher sur l’absence d’alternatives au FN proposées par les partis traditionnels en France. L’enjeu du scrutin pouvait ainsi se résumer à la question suivante : les partis traditionnels sauront-ils suffisamment redéfinir leur discours européen pour empêcher la classe populaire de se laisser séduire par le discours frontiste ?

Difficile contexte pour les socialistes qui, outre les responsabilités gouvernementales, ont eu à faire à un traitement médiatique défavorable et à l’éparpillement des listes. Cela excuse-t-il tout ? Assurément non : l’incapacité du Gouvernement à assumer les pauvres chiffres de la croissance et la crise identitaire interne du Parti Socialiste ont assurément contribué à éloigner les électeurs socialistes des urnes ce dimanche.

Engluée dans de nouveaux scandales politico-financiers, plongée dans une incroyable quête de leadership (allant jusqu’à nous imposer le discours dépassé d’un président retraité la veille du scrutin européen !), l’UMP s’est fourvoyée. En ignorant l’enjeu européen de ces élections et en ne concentrant son programme que sur la seule critique du bilan de Hollande, l’UMP a renforcé le discrédit porté sur la classe politique “pro-système”. Que dire des Verts, du Front de Gauche, des Libéraux ? Un constat commun s’impose : nul de ces partis n’a su tirer les enseignements de la crise pour substituer un discours pragmatique et concret à la valse idéologique des décennies précédentes.

La règle de la démocratie, c’est que chaque courant politique ne peut que compter sur lui-même pour convaincre. Le FN l’a bien compris, ce qui explique en partie sa victoire de ce dimanche. Car oui, même si c’est dur de l’avouer, ce soir consacre la victoire du FN et son installation durable dans le jeu politique national. Nous pouvons accuser les manques de relais médiatiques. Il n’empêche que les Français se sont plus déplacés qu’il y a 5 ans, et cela pour placer les listes FN en tête.

Nous pouvons pester : oui nous aurons de mauvais députés qui remplaceront de bons députés - ayons une pensée émue pour Catherine Trautmann et Sandrine Bélier. Oui, la « délégation française » aura moins de poids et c’est regrettable. Mais nous en sommes responsables. Pour les socialistes, la définition des listes n’a pas franchement été un élément de fierté. Et l’on ne peut pas (à raison) faire campagne sur la politisation de l’UE et en même temps déplorer la perte d’influence pour « Les Français ».

Du reste, au niveau européen, les résultats ne sont guère plus réjouissants. Le Parlement Européen restera dominé par la droite - de même que le Conseil, ce qui ne devait de toute façon pas changer ce week-end. Si l’on devait tirer des enseignements européens du scrutin, ce serait donc que la majorité a fait un travail assez acceptable pour être reconduite, bien que de manière étriquée.

Mais force est de constater - et c’est un constat d’échec pour les fédéralistes - qu’il est difficile de donner une dimension européenne à ce scrutin. Les différents contextes nationaux donnent encore une fois cette image apolitique au Parlement Européen : il sera dur de trouver une majorité, qu’elle soit de gauche ou de droite, et l’on se dirige donc vers une Grande Coalition tels que les pays germaniques et scandinaves en connaissent.

Pour vaincre la bête immonde, il faut comprendre pourquoi des citoyens respectables votent pour elle. La première cause du FN en tête aux Européennes, celle qui doit nous hanter, est la faillite des partis traditionnels. Pour l’expliquer, faisons un retour en arrière : en 2005, le PS et, dans une moindre mesure, l’UMP, se déchirent en interne sur le Traité Constitutionnel Européen. 9 ans plus tard, les deux partis de gouvernement n’ont toujours pas dépassé leurs divisions européennes. Sur cette campagne, l’UMP a brillé par son absence. Officiellement, un de ses députés emblématiques a voté pour une autre liste. Côté socialiste, des villages d’irréductibles européistes ont mené la campagne. En vain, manifestement. Dans le Grand Est, le duo ouvrier-parlementaire reconnue a fait un plus mauvais score que la moyenne nationale. Il ne s’agit donc pas seulement d’un manque de candidats de qualité ou de candidats « proches du peuple » mais bien de causes plus profondes.

Parmi les causes, des coupables sont revenus en boucle ; certes, les media ont indéniablement failli. Ils avaient décrété que l’élection européenne n’intéressait pas les Français, que l’abstention serait en hausse, et que le FN serait au coude à coude avec l’UMP. Finalement, l’abstention recule (certes faiblement) et le FN a de loin le meilleur résultat en France. Une fois encore, on ne peut s’empêcher de se demander ce que la participation (et les résultats) aurait été si les media avaient fait leur travail de sensibilisation aux enjeux de cette campagne européenne. Être lucide sur nos responsabilités ne veut pas dire passer sur la culpabilité des journalistes.

Mais il faut le répéter : la vraie raison des résultats de ce soir, c’est que le FN était le seul parti d’importance à proposer un programme clair pour les Européennes.

Certes, le projet européen du FN est un projet négatif. Un projet de déconstruction. Un projet que les socialistes refusent. Mais c’est un discours clair et commun au parti et à ses électeurs. Marine Le Pen a déclaré ce soir : « Le peuple souverain a clamé qu’il voulait reprendre en main son destin. » Comment lui donner tort ? Nous avons dit et répété qu’il fallait voter parce que le Parlement Européen est la seule instance européenne élue directement. C’est donc bien le peuple souverain qui s’est exprimé. Les résultats ne nous plaisent pas, mais ils sont là. Ils récompensent une campagne majoritairement menée sur des enjeux européens, et qui plus est ceux dont se préoccupent les citoyens français : le rapport entre Euro et baisse du pouvoir d’achat, celui entre libre circulation et chiffres de l’emploi.

Faut-il, en tant qu’européen convaincu, dénigrer ces débats sous prétexte que l’Europe vise théoriquement à créer un “espace de liberté, de sécurité et de justice” commun à tous ces citoyens ? Telle réponse n’aura pour effet que d’éloigner davantage l’élite politique de sa base, et les citoyens du projet européen. Cela signifie-t-il que le repli nationaliste est la seule réponse aux soucis soulevés par l’intégration européenne ? Cette option, le projet du FN, nous apparaissent comme autant d’illusions basées sur une vision simpliste et anachronique des rapports de force internationaux et des marges de manoeuvre laissées à l’Etat dans une économie globalisée.

Cela veut dire que chaque parti doit clarifier son discours européen, d’abord entre intégration et repli, ensuite sur le type d’intégration choisi.

La faible participation et les scores importants des partis nationalistes dans de nombreux pays européens (France, Belgique, Belgique, Hongrie, Pologne entre autres) doit pousser les leaders européens et tous ceux qui refusent le nationalisme à redéfinir le projet européen en cherchant davantage à y associer celles et ceux que l’intégration européenne a laissé à l’abandon. Telle était la proposition du Parti Socialiste Européen et de son candidat Martin Schulz. Telle était l’idée de mettre au centre de cette campagne la lutte contre l’évasion fiscale des multinationales et la promotion de l’emploi des jeunes.

Le Parti Socialiste a ses responsabilités dans cette déroute électorale. Outre le contexte national précédemment évoqué, le parti a traité la nomination des listes par dessus la jambe et il n’a pas réussi à percer le mur médiatique national. Cela n’enlève rien au fait que le programme qu’il portait était bon, puisqu’il était le seul à même de réconcilier les citoyens, abandonnés par la politique néo-libérale menée par la Commission sortante, avec le projet européen.

Tout n’est pas perdu. En Italie, le parti du gouvernement Renzi est arrivé en tête. En Grèce, pays le plus durement touché, où la mortalité infantile a augmenté de 43% pendant la crise, le parti d’extrême-gauche est arrivé en tête. Aux Pays-Bas, le PVV xénophobe, donné gagnant, est arrivé troisième.

Une grande campagne a été réalisée au cours des derniers mois. Plus encore devra être effectué demain pour convaincre que l’Europe sera solidaire ou ne sera pas. Puisse ce “21 avril” européen servir de leçon à ceux qui s’illusionnaient encore au sein de notre parti : éviter le débat européen n’est pas un projet durable.

Le Taurillon rappelle que les articles qu’il publie n’engagent ni sa rédaction, ni les Jeunes européens. Sa ligne éditoriale trans-partisane mais résolument en faveur de la construction européenne permet à chacun d’exprimer ses opinions politiques conformément au pluralisme.

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