3 lettres qui font débat en Lituanie : Q, X et W

, par Nino Marie

3 lettres qui font débat en Lituanie : Q, X et W
(Source : pixabay)

Les lettres q, x, et w, qui n’existaient pas dans l’alphabet lituanien, apparaitront dès le 1er mai prochain sur les papiers d’identité. D’apparence anecdotique, cette mesure clos pourtant plusieurs décennies de débats entre intégration ou rejet de la minorité polonaise, entre préservation et actualisation de la langue.

Une victoire pour les 250 000 polonais du pays

Plus qu’une réelle nécessité phonétique ou linguistique, l’utilité est davantage sociale et culturelle. En effet, lorsque le 21 janvier dernier, le président Gitanas Nausėda a signé ce projet de loi, il a surtout ravi la première minorité du pays. Cette dernière se bat pour sa pleine acceptation dans le pays depuis plusieurs décennies, et le respect de l’orthographe initiale de leurs noms est l’une des principales revendications, car serait symptomatique d’une discrimination générale des polonais du pays. Jusqu’alors, les noms comportant ces trois lettres étaient ’’adaptés’’ à l’alphabet lituanien, en se fondant sur la phonétique. C’est ainsi que la ministre de la justice elle-même voyait son nom écrit Dobrovolska au lieu de Dobrowolska.

Il faut noter cependant que 400 citoyens lituaniens d’origine polonaise ont pu voir leur patronyme correctement orthographié sur leurs papiers officiels. Cependant, ils devaient pour cela se rendre au tribunal, et l’effort décourageait la plupart des citoyens. Cette mesure est donc une belle avancée, mais l’association ’’l’Union des Polonais de Lituanie’’ reste insatisfaite, et continue de militer pour l’intégration d’autres signes particuliers, comme le ’’l’’ barré (ł).

Une réticence linguistique à l’intégration de nouveaux caractères

Si le débat a duré plus de 30 ans, c’est en grande partie car la sphère nationaliste du pays, et certains linguistes, y voient un danger pour l’intégrité de la langue. Le lituanien a en effet constitué un marqueur fondamental de l’indépendance du pays au début du XIXe, où le territoire parlait quasi uniquement russe et polonais. Puis, bien plus tard, le lituanien servait à se démarquer de la Russie lors de l’éclatement de l’URSS. La crainte de la perte du caractère unique de la langue a même été mentionnée par Nausėda lors de la signature du projet de loi.

Mais il est clair selon plusieurs linguistes, dont le professeur de lituanien Antanas Smenota interrogé par LRT, que cet ajout ne présentait pas de danger pour l’intégrité de la langue dans la mesure où « Des textes anciens montrent que ces lettres étaient déjà utilisées pour écrire les patronymes étrangers ».

Cet argument était appuyé par les nombreuses exhortations de la Commission européenne à sortir de l’impasse. La CE voyait dans l’inaction lituanienne une source de tension avec la Pologne, qui reproche régulièrement à la Lituanie de discriminer ses ressortissants polonais. Un reproche qui fait tache dans la mesure où, depuis les années 1990, donc depuis l’éclatement de l’URSS, les 2 pays ont multiplié les efforts pour apaiser leurs relations. La signature de cette loi entre alors dans la continuité du rapprochement diplomatique.

Intégration des minorités, indépendance lituanienne, relation avec la Pologne, cette mesure a soulevé nombre d’enjeux. Comme souvent en politique, un compromis a été trouvé pour satisfaire partiellement chaque bord : les trois lettres sont certes adoptées, mais leur emploi est réservé aux patronymes, et non à tous les termes polonais couramment employés en Lituanie. D’autant que la question du ł reste présente. La lutte pour la pleine intégration n’est donc pas terminée.

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