5 ans pour construire une Europe des peuples

, par Laurent Nicolas

5 ans pour construire une Europe des peuples

L’élection du 7 juin qui envoie 736 députés au Parlement européen pour les cinq prochaines années comporte plusieurs surprises. La forte progression des droites, qu’elles soient au pouvoir comme en France ou dans l’opposition comme en Espagne, la percée du Parti Vert Européen (PVE) et des partis europhobes qui deviennent des forces incontournables du Parlement.

L’abstention, en revanche, n’est malheureusement une surprise pour personne. Si les gauches européennes ne sont pas apparues comme une solution en pleine période de crise économique, c’est l’Europe en tant que projet qui n’a une fois de plus pas réussi à s’imposer comme l’espace politique et institutionnel capable d’apporter des solutions aux problèmes des citoyens. La responsabilité des partis nationaux, que l’on a à juste titre accusé de se désintéresser du scrutin en faisant la campagne du moindre effort, ne doit pas masquer l’absence des institutions européennes dans cette campagne. Ce ne sont certainement pas les affiches ou les quelques spots du Parlement européen diffusés sur les chaines de télévision et dans les cinémas qui ont changé la donne. Daniel Cohn-Bendit, triomphant dimanche soir, rappelait sur le plateau de France 2 une dure réalité : on ne peut pas combler ce vide en quelques semaines de campagne officielle.

Changer la campagne pour changer l’élection

Il est difficile d’affirmer qu’une campagne véritablement transnationale aurait à coup sur permis d’élever le taux de participation. Pour autant, le déroulement de la campagne, dans un contexte de repli national face à la crise mondiale, confirme 1999 et 2004 : ces élections ne sont pas perçues différemment des autres scrutins nationaux. Le traitement des enjeux européens n’a pas eu lieu, ni au sein des partis, ni par les médias. Savoir lequel doit entraîner l’autre est un débat sans fin. Et si, dans 5 ans, le PS, l’UMP, les Verts et les autres ne faisaient plus campagne ? Et si ils étaient remplacés par le Parti Socialiste Européen, le Parti Populaire Européen, le Parti Vert Européen, bref, les partis qui siègent effectivement au sein du Parlement ? Il faudra à l’avenir impliquer les partis européens dans la campagne, en constituant des listes européennes, en tenant des meetings dans les différents Etats membres, en faisant intervenir des candidats étrangers dans les débats politiques nationaux.

Cette année, c’était évidemment impensable pour la simple raison que les partis qui siègent ensemble au Parlement européen n’avaient, dans leur pays, pas le même programme. Michel Barnier vantait la taxe carbone et le Stockholm de l’environnement, sachant très bien les résistances des autres partis membres du PPE sur ce thème ; Daniel Cohn-Bendit prônait une relance de 1000 milliards d’euros pour une Europe durable, mais les Verts allemands sont-ils favorables à un déficit du budget européen, ou à un si grand emprunt ? L’un des drames de cette élection, c’est qu’aucune famille politique européenne n’a réussi à porter un projet cohérent et partagé par tous ses membres… à l’exception peut être de Libertas, seule liste transnationale, qui essuie néanmoins une lourde défaite électorale.

Un nouveau rapport de force pour la présidence de la Commission européenne

Et au sujet du futur président de la Commission, les mêmes dissensions qui se faisaient déjà jour pendant la campagne éclatent aujourd’hui. Si pour tous les candidats de l’UMP, le candidat officiel était le sortant José Manuel Barroso, l’attitude de la France au lendemain du scrutin sème le trouble. Nicolas Sarkozy voudrait attendre l’adoption du traité de Lisbonne (c’est à dire la fin de l’année) pour que les chefs d’Etat et de gouvernement nomment le futur président de la Commission, ce qui complique la réélection de Barroso étant donné les pouvoirs accrus du Parlement avec ce futur traité. Et du côté des socialistes, si au front anti-Barroso pourraient finalement se joindre des Allemands et des Espagnols, rien ne dit que certains députés vont risquer de perdre une position éminente, notamment les postes de président de commissions parlementaires, simplement pour faire barrage au portugais.

Tous ces arrangements, entre les conciliabules du Parlement et les portes fermées du Conseil Européen, ne vont pas contribuer à rapprocher l’Europe des citoyens. Et pourtant, parmi toutes ces grandes déclarations d’amour et d’avenir pour l’Europe que l’on a pu entendre pendant la campagne, « remettre le citoyen au cœur de l’Europe », « rendre l’Europe plus citoyenne, plus démocratique » furent des refrains récurrents.

Encore plus que l’Europe politique, c’est l’Europe des peuples qui a reculé dimanche, comme elle recule à chaque négociation intergouvernementale des traités. Le record d’abstention aux élections européennes du 7 juin est né en 2003, lorsque les Etats ont repris le travail de la Convention de Valéry Giscard d’Estaing et ont commencé son dépeçage. La mise à l’écart des peuples dans l’élaboration du texte, puis le refus d’affronter les conséquences profondes des « non » français et néerlandais, et enfin le bricolage du traité de Lisbonne entre opting-out et abandon des symboles, voilà le chemin qui a renforcé le sentiment que l’Europe n’est pas l’affaire de ses 500 millions de citoyens. Renouer le lien, c’est par là que devraient commencer les 736 députés élus dimanche dernier.

Illustration : Infographie des résultats des élections européennes du 7 juin 2009

Source :Site du Parlement européen

Vos commentaires
  • Le 9 juin 2009 à 13:05, par Fabiouchka En réponse à : 5 ans pour construire une Europe des peuples

    A noter qu’il y a dans l’abstention une donnée encore plus inquiétante : l’abstention chez les jeunes est encore plus forte que pour les autres alors qu’ils croient dans l’idée d’Europe dans le même temps.

    Donnons un projet d’avenir à l’Europe qui ne soit pas que l’écologie.

  • Le 9 juin 2009 à 14:13, par Laurent Nicolas En réponse à : 5 ans pour construire une Europe des peuples

    C’est vrai que les jeunes se sont encore plus abstenus et ça doit nous alerter, nous Jeunes Européens, en premier lieu.

    Cependant il faut replacer l’abstention aux européennes, et celle des jeunes tout particulièrement, dans un phénomène de désaffection vis à vis du politique en général, et pas seulement de l’Europe. On constate cela au travers de l’abstention en hausse dans de nombreux pays européens pour d’autres scrutins que les européennes ; et on voit également une mutation des formes de participation politique, parmi lesquelles le vote n’est plus nécessairement incontournable.

    Il faut trouver d’autres moyens pour faire participer les jeunes, les intéresser à l’Europe. Ca conforte le besoin de programmes comme Europe à l’École, où l’on va parler simplement de l’Europe aux plus jeunes.

  • Le 10 juin 2009 à 06:01, par Martina Latina En réponse à : 5 ans pour construire une Europe des peuples

    Il est temps, et urgent, que l’EUROPE trouve son visage tissé par tant de traits et de siècles !

    Si la communication, la relation et la réconciliation se trouvent depuis trois millénaires inscrites dans sa naissance, dans son nom et dans sa patiente unification, cinq ans ne sont ni trop longs ni trop courts pour que les Européens se réveillent à l’Europe ni pour que leurs liens fassent advenir la justice avec la paix de manière à réaliser la parole de Robert Schuman : « L’Europe préfigure la solidarité universelle de l’avenir ».

    Eduquons, formons, inventons ensemble les actes et les mots qui enraieront l’enlèvement d’EUROPE, qui nous rendront son envol de « Fille à la Vaste Vue », grâce au TAURILLON toujours énergique !

  • Le 11 juin 2009 à 05:10, par Valéry En réponse à : 5 ans pour construire une Europe des peuples

    « aucune famille politique européenne n’a réussi à porter un projet cohérent et partagé par tous ses membres… »

    Pour mémoire, le PSE a adopté un manifeste commun. Pour la première fois les socialistes avaient une base européenne pour leur campagne.

    Naturellement on peut regretter qu’ils ne l’aient pas mis en avant dans la campagne, préférenat privilégier els enjeux intérieures. D’autre patr le PSE a été plombé par quelques un de ses dirigeants nationaux - et par le président du groupe - qui ont donnés des signes en faveur de Barroso.

    Pour la cohérence de Libertas, je ne vois pas bien en quoi il y aurait une cohérence au delà du rejet de l’Union européenne.

  • Le 11 juin 2009 à 11:17, par Laurent Nicolas En réponse à : 5 ans pour construire une Europe des peuples

    Le Manifesto, c’est une démarche qui m’a fait espéré...et puis en pratique, pas de grande différence avec la campagne des autres familles politiques : nationale ! On peut l’interpréter comme « c’est déjà ça », après tout il y avait les grandes lignes de rassemblement ; ou on peut être déçu de ce qu’en ont fait les partis dans chaque pays.

    Pour Libertas, je faisais référence au fait qu’on avait une campagne transnationale, avec des leaders dans 2 pays différents. Au niveau du programme, en effet l’europhobie était le ciment.

  • Le 11 juin 2009 à 13:58, par YVAN BACHAUD En réponse à : 5 ans pour construire une Europe des peuples

    Bonjour,

    Dans 9 pays dont la France il n’y a pas eu ELECTION car les députés étaient DÉSIGNÉS par les états majors qui les avaient placés en position éligible sans que les citoyens puissent modifier la liste.

    De plus une fois élus les députés peuvent faire n’importe quoi sans que les électeurs puissent reprendre la parole pour les CONTRÔLER en abrogeant une directive ou en n’en proposant une nouvelle par référendum d’initiative citoyenne européen.

    Si on veut connaitre les aspirations des citoyens européens en matière d’institutions européennes il suffit de mettre en place une Constituante tirée au sort qui partirait de la partie I du TCE rejeté par la France et les Pays bas ; Le texte a options obtenu serait soumis a référendums dans tous les pays.

    Le TAURILLON y est il favorable ?

    Si on veut que les citoyens participent aux élections européennes il faut AVANT leur attribuer la « souveraineté européenne » qu’ils pourront exercer par leurs représentants élus avec vote préférentiel dans tous les pays et le même mode de scrutin et par RIC européen avec des modalités réalistes. Le TAURILLON y est-il favorable ?

  • Le 11 juin 2009 à 16:42, par Laurent Nicolas En réponse à : 5 ans pour construire une Europe des peuples

    Nous avons déjà eu ce débat avec d’autres membres du RIC. Oui à une Assemblée Constituante qui serait chargée de rédiger un texte simple, clair, qui serait ensuite voté par un référendum transnational, le même jour. C’est une vieille revendication fédéraliste : certes un peu utopique au vue de l’état actuel de l’Europe politique, mais une utopie permet toujours de garder le cap, dans toutes les actions pragmatiques et concrètes que nous menons.

    En revanche, non et re-non au tirage au sort. Votre perception du du personnel politique n’est pas la notre. Je vous invite à regarder les échanges précédents sur ce sujet.

  • Le 11 juin 2009 à 19:38, par Ronan En réponse à : 5 ans pour construire une Europe des peuples

    Si on veut connaitre les aspirations des citoyens européens en matière d’institutions européennes il suffit de mettre en place une Constituante...

    Tiens, un frémissement...

  • Le 11 juin 2009 à 19:40, par Ronan En réponse à : 5 ans pour construire une Europe des peuples

    Oui à une Assemblée Constituante qui serait chargée de rédiger un texte simple, clair,

    Faudrait juste le dire un petit peu plus fort...

  • Le 11 juin 2009 à 19:50, par Laurent Nicolas En réponse à : 5 ans pour construire une Europe des peuples

    Nous l’avons toujours tous souhaité et nous n’avons cessé de le revendiquer. Le truc c’est que clairement, ce n’était pas l’enjeu de la campagne, cette année c’était une cause perdue, l’Europe n’était pas encore assez mure pour ça politiquement. Il fallait donc défendre d’autres priorités, comme une nomination démocratique du président de la Commission européenne, thème qui a émergé dans les sphères fédéralistes au moins à l’automne dernier comme enjeu des européennes, et qui a percé en fin de campagne dans tous les grands médias.

  • Le 12 juin 2009 à 05:20, par KPM En réponse à : 5 ans pour construire une Europe des peuples

    Pour info, le Parti démocrate européen avait lui aussi défini un Manifeste.

  • Le 12 juin 2009 à 14:29, par Laurent Nicolas En réponse à : 5 ans pour construire une Europe des peuples

    oui mais comme pour le Manifesto du PSE, on en a pas entendu parlé : je veux dire « on », la majorité des citoyens parmi ceux qui étaient un peu intéressé par la campagne. Ca veut donc forcément dire que les partis nationaux n’en ont pas fait une grande priorité.

    Est-ce que tu sais quand ce manifeste du PDE a été officialisé ? Je ne me rappelle plus... En tout cas, si c’est comme le PSE, le Manifesto est arrivé bien trop tôt, laissant tout le temps qu’il fallait aux partis nationaux pour l’oublier !

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