À quoi sert ce fichu Parlement européen ?

, par Patricia Ruelleux

À quoi sert ce fichu Parlement européen ?

Le Parlement Européen a du pouvoir, n’en déplaise à ceux qui veulent nous faire croire le contraire. Évidemment, sa place au sein de l’Union Européenne reste mystérieuse tant le processus institutionnel paraît éloigné de celui que nous connaissons chez nous.

En France, c’est bien simple : nous avons un pouvoir exécutif (le Président de la République et le Gouvernement), un pouvoir législatif (l’Assemblée Nationale et le Sénat) et un pouvoir judiciaire (représenté par le Conseil Constitutionnel qui contrôle la conformité des lois à la Constitution). Bref, ici, quand on élit un député, on sait qu’il va aller à Paris à l’Assemblée Nationale pour voter des lois qu’il aura lui-même proposées ou qui lui auront été soumises par le Premier Ministre.

Triangle institutionnel : la quadrature du cercle ?

Qu’en est-il du député européen ? C’est (presque) la même chose. Le député européen, en effet, va lui aussi voter des textes qui seront ensuite mis en œuvre par le pouvoir exécutif, c’est-à-dire par la Commission Européenne. Comme en France aussi, le pouvoir exécutif propose des textes qui sont soumis au vote d’un Parlement. La singularité européenne tient au fait que le Parlement Européen n’est pas seul pour voter les textes : il partage ce pouvoir avec le Conseil Européen. Aie… ça se complique, trois institutions ont déjà été présentées (Commission, Parlement et Conseil), et le rôle de la Cour de Justice des Communautés Européennes n’a pas encore été évoqué… Elle représente le pouvoir judiciaire dans l’Union Européenne, tout simplement.

Revenons à notre Parlement Européen. Sa compétence législative est donc partagée avec le Conseil et, contrairement à notre Parlement à nous, il n’a pas de pouvoir d’initiative ; en clair : il a seulement le droit de voter. Doit-on en déduire que ses pouvoirs sont réduits à peau de chagrin ? Certainement pas. Commençons par rappeler que ses votes, bien que partagés, sont déterminants pour nous Européens et pour nous Français : ainsi, 60% des lois françaises ne font que transposer des textes européens !

Ce qui nous perturbe dans le fonctionnement de l’Union Européenne, c’est la place du Conseil. Composé des ministres de chaque Etat-membre (ou de leurs représentants), il ressemble bel et bien à un ovni réunissant tous les exécutifs d’Europe, lesquels sont soupçonnés de faire pression sur notre Parlement Européen. La réalité est plus subtile. Démonstration en deux temps…

Les relations entre le Conseil des ministres et le Parlement européen

Le poids du Parlement Européen dans la procédure budgétaire est en effet plus lourd que celui du Conseil. Le budget européen présente la particularité d’être partagé entre des dépenses obligatoires et des dépenses non obligatoires. Les dépenses obligatoires sont « les dépenses découlant obligatoirement du traité ou des actes arrêtés en vertu de celui-ci » (art. 272 du TCE). Jusqu’à peu encore, ces dépenses représentaient la majorité du budget, et en effet, le Conseil a eu un pouvoir plus important que celui du Parlement puisque seul le Conseil pouvait amender ou modifier la répartition de ces dépenses, en augmenter le volume dans certaines limites et avoir le dernier mot au moment du vote. Le Parlement Européen disposait de ces mêmes facultés, mais uniquement sur les dépenses non obligatoires. Ces dernières représentaient 4% du budget en 1970. Elles représentent aujourd’hui 75% du budget ! Ce changement d’échelle s’explique par la montée en puissance des politiques européennes : fonds structurels, énergie, transports, recherche, aide au développement, environnement, éducation, culture, justice et affaires intérieures, politique étrangère et de sécurité commune…etc.

De même, sur la procédure législative ordinaire, hors budget, le Parlement Européen se situe à égalité avec le Conseil. Là encore, les traités ont à l’origine conféré un pouvoir plus important au Conseil, cantonnant le Parlement Européen à un rôle purement consultatif. La procédure dite de codécision, créée par le Traité de Maastricht en 1992, a complètement renversé cette approche. Ainsi, en soumettant des domaines de plus en plus nombreux et de plus en plus décisifs à la codécision, les traités ont transformé le Parlement Européen en véritable co-législateur. Au même niveau donc que le Conseil. Ainsi, le Parlement Européen est amené à se prononcer sur des domaines aussi stratégiques et sensibles que la coopération judiciaire en matière civile et l’harmonisation des visas. De même, ayons en tête que le Parlement Européen fait partie des acteurs qui participeront aux nouvelles décisions en matière de lutte contre la pauvreté, d’accès aux ressources énergétiques et de façon plus large en matière de développement durable.

Le rapport de force politique évolue

Pour ceux qui ne seraient pas encore convaincus du pouvoir du Parlement Européen, ajoutons qu’il dispose de réels pouvoirs de pression politique sur la Commission. Le dépôt de sept motions de censure fin 1998/début 1999 ont finalement provoqué la démission de la Commission Santer. L’enjeu portait alors sur l’attitude à adopter par rapport aux conclusions d’une commission d’enquête sur l’encéphalopathie spongiforme bovine.

le Parlement dispose d’un véritable pouvoir de pression politique

Voilà pour la description technique des pouvoirs du Parlement Européen. Aussi vraie soit-elle, on convient que celle-ci ne peut à elle-seule éveiller la fibre européenne qui sommeille en chacun de nous. Cette mission appartient en priorité à ceux qui font l’Europe : nos députés européens ! La prochaine mandature doit être celle qui rapproche l’Europe de ses concitoyens. Tout est question de volonté, tout est question de démarche, à initier…

Le député européen doit d’abord être fier de son mandat ; il est encore utile de le répéter à certains de nos candidats français, no comment. Chers futurs députés européens, rappelez à vos collègues nationaux de l’Assemblée qu’ils ne font que transposer les textes que vous aurez votés…. Renversez la tendance ! Le député européen doit aussi faire œuvre de pédagogie : expliquez-nous ce que vous faites ! Sollicitez les médias et ne les lâchez plus : radio, télé, Internet, prouvez-leur que vous êtes incontournables ! Rendez-nous par la même occasion l’Europe plus festive : organisez ou participez aux événements culturels ou sportifs dont nous raffolons tous… Enfin, rendez- nous l’Europe plus démocratique encore en vous battant pour que le Parlement Européen consolide ses pouvoirs et en acquiert de nouveaux !

Ça fait beaucoup ? Oui et non… Mais vous avez raison, vous n’êtes pas les seuls à avoir des responsabilités. La première des responsabilités incombe aux citoyens : le droit de vote est un de nos droits fondamentaux, il nous appartient de ne pas nous-mêmes l’enterrer. Et nous enterrer par la même occasion…

Illustration :Vue extérieure du Parlement européen à Strasbourg

Source : Médiathèque du Parlement européen

Vos commentaires
  • Le 7 juin 2009 à 18:27, par Martina Latina En réponse à : À quoi sert ce fichu Parlement européen ?

    Ce même jour, on vote dans le petit pays natal d’EUROPE la Phénicienne et dans sa vaste terre d’adoption ; en ce 7 juin, les Libanais et les Européens sont invités à saisir chacun l’arme de la paix, de la démocratie et de la justice : un bulletin de vote tracé grâce à l’alphabet phénicien millénaire, pour continuer l’aventure d’EUROPE enlevée par un TAURILLON, pour ancrer l’avenir dans les relations fraternelles et réelles. Puisse cette coïncidence être porteuse de sens et d’espérance !

  • Le 8 juin 2009 à 10:41, par Ronan En réponse à : À quoi sert ce fichu Parlement européen ?

    Bon alors quoi, les gars, vous êtes tous morts ?!

    Personne pour s’extasier du magnifique taux de participation de ce week-end ?!

    Personne pour célébrer la resplendissante victoire électorale de l’UMP avec à peine 11% des inscrits ?!

    Personne pour relever l’extraordinaire annonce de la reconduction probable de Barroso à la tête de la future Commission ?!

    Personne pour oser dire que l’Europe actuelle indiffère profondément, énerve voire enmerde dans les grandes largeurs près de 60% de nos concitoyens français ?!

    Personne pour se chercher des excuses à la con, genre « les absents-abstensionistes ont toujours tort » ?! (Nb : moi, je me suis peut-être fait violence pour cela, mais j’ai tout de même voté...).

    Personne pour oser dire que le Parlement élu - mais déjà quasi mort-né - sera tellement conservateur et si peu ambitieux qu’on vient là de signer un nouveau chèque en blanc à l’Europe des Etats ?!

    Personne pour trépigner de joie à l’annonce des nouveaux cinq ans de médiocrité nullissime qui s’annoncent ?!

    Personne pour applaudir la victoire de l’helvète Fédérer en finale de Roland-Garros ?! Personne ?!

  • Le 8 juin 2009 à 13:36, par Valéry-Xavier Lentz En réponse à : À quoi sert ce fichu Parlement européen ?

    Je suis assez surpris également par le manque de réactivité du taurillon sur cette élection. Après s’être contenté – pour l’essentiel – de publier des séries d’interviews de candidats, notamment de seconde zone, nous n’avons toujours pas de réaction en ce début d’après midi. C’est d’autant plus regrettable que entre les Jeunes Européens, le Mouvement Européen et les associations membres le Taurillon ne manque pas de réseaux pour trouver des contributeurs. Le webzine est-il encore une priorité de l’association ? Le rédac’chef n’est-il pas laissé sans appui ? Il faut se bouger un peu les jeunes :-)

    J’en profite du coup pour signaler l’excellent travail des www.eurosduvillage.eu sur cette élection et surtout le blog collectif de campagne de Libération : europeennes.blogs.liberation.fr

  • Le 8 juin 2009 à 13:37, par Valéry-Xavier Lentz En réponse à : À quoi sert ce fichu Parlement européen ?

    Je confirme que les abstentionnistes ont toujours tord et sont des cons mais à partir de là il faut aller plus loin : on arrive bien à faire voter les cons lors des autres élections (ils sont même souvent majoritaires dans les urnes) mais pourquoi pas à celle-là ?

  • Le 8 juin 2009 à 15:00, par Laurent Nicolas En réponse à : À quoi sert ce fichu Parlement européen ?

    Ca vient, un peu de patience. Contrairement aux Euros, le Taurillon est une toute petite structure gérée par quelques bénévoles.

    Le retour sur les résultats demain à 6H. Suivi d’une semaine de débrief.

  • Le 8 juin 2009 à 15:05, par Ronan En réponse à : À quoi sert ce fichu Parlement européen ?

    En tout cas, j’espère que personne de la rédaction de ce webzine ne viendra claironner « On a gagné ! On a gagné ! » et « Vive la magnifique présidence française de l’Union ! ».

    Listes de la « Majorité présidentielle » en tête du scrutin avec seulement 11% des inscrits et au terme d’un campagne électorale absolument nullissime : Lamentable !

  • Le 8 juin 2009 à 15:14, par Laurent Nicolas En réponse à : À quoi sert ce fichu Parlement européen ?

    Par ailleurs nous avons eu plus de têtes de listes des principaux partis que nulle par ailleurs dans la blogosphère française, ce qui nous a valu une forte hausse de visite. Le Taurillon a été un véritable espace de débat, de comparaison des points de vue.

    Et pour ce qui est des interviews de candidats de « seconde zone », une fois de plus, nous avons été les seuls à donner la parole à des têtes de liste du Parti Breton et du Parti Basque (entre autre) : non pas qu’ils représentent des forces politiques de premier plan, mais leur vision des enjeux, notamment institutionnels, de l’Europe politique des années à venir était intéressante et méritait totalement une place dans le débat.

    En lien avec le bureau national des Jeunes Européens et grâce à la diffusion du Pacte signé par une très grande majorité des 72 députés élus, nous avons mis toutes nos forces dans cette campagne, avec succès.

    Je te rassure, le Taurillon reste bien une priorité des Jeunes Européens.

  • Le 8 juin 2009 à 15:17, par Laurent Nicolas En réponse à : À quoi sert ce fichu Parlement européen ?

     découpage des circonscriptions déconnecté de tous repères politiques, historiques

     absence d’investissement des machines partisanes dans cette campagne

     scrutin proportionnel qui accroît le marchandage interne des partis dans la constitution des listes

     pour les sortants, mandat sur lequel il est difficile de communiquer

     désintérêt général des médias

     manque d’enjeux politiques clairement identifiés ; manque de personnalisation

     régionales à venir, qui occupent davantage les partis

     en France précisément, opposition éclatée

    On peut encore en rajouter....

  • Le 8 juin 2009 à 16:00, par Valéry-Xavier Lentz En réponse à : À quoi sert ce fichu Parlement européen ?

    Merci pour ses précisions. Ce qui m’a dérangé est l’aspect un peu systématique de ces interviews avec, en comparaison, peu de contenu présentant les points de vue des fédéralistes dans la campagne ou d’analyse.

    J’aurais apprécié lire des points de vue de militants engagés dans telle ou telle campagne, voire un débat entre eux, plus d’articles de membres du bureau national du MEF ou des JEF, etc. pas seulement des propos de candidats.

    Oui bien sur il faut donner la parole aux points de vue minoritaires, surtout quand ils partagent nos idées sur l’Europe comme les autonomistes par exemple, là encore c’est l’abondance dans un seul style de contenu qui lasse.

  • Le 8 juin 2009 à 16:50, par Laurent Nicolas En réponse à : À quoi sert ce fichu Parlement européen ?

    Le bureau national des Jeunes Européens et la rédaction du Taurillon ont fait le choix des interviews. Un choix dicté par la conviction du besoin de comparer les positions des candidats les plus en vue sur les mêmes sujets ; c’était notre manière de faire campagne.

    Par rapport aux Euros que tu citais, ou à d’autres sites francophones, la grande différence et la force des Jeunes Européens et de ne pas faire du Taurillon une finalité mais une des composantes de notre action. Tu le sais, nous avons des groupes locaux partout en France et ces groupes sont constitués de militants. Le bilan des actions des groupes locaux (en train d’être finalisé) est phénoménal pendant cette campagne : table-rondes, cafés-débats, conférences, tenue de stands, tractage pour inciter au vote, ainsi que d’autres modes d’action comme la vidéo tournée par la Fondapol à laquelle les Jeunes Européens des Universités de Paris ont participé.

    Le Taurillon a voulu agir en relais de l’action des groupes locaux, en permettant à des adhérents de réaliser certaines des interviews.

    Et puis nous avons quand même publié un certain nombre d’articles d’analyse, notamment sur le rôle des médias pendant la campagne. Je te trouve un peu dur là dessus.

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