Alain Dolium : « L’Île-de-France doit contribuer aux débats européens et s’inscrire dans le processus décisionnel »

, par Fabien Cazenave

Alain Dolium : « L'Île-de-France doit contribuer aux débats européens et s'inscrire dans le processus décisionnel »

Alain Dolium est la tête de liste en Île-de-France pour le Mouvement Démocrate. Il répond longuement au questionnaire que les Jeunes Européens - France lui ont adressé à l’occasion de la campagne des régionales.

L’Europe dans votre région

Le Taurillon : La politique régionale de l’Union européenne consacre des sommes importantes au co-financement de projets de développement en Île-de-France. Si vous êtes élu président de la région, quelles seront vos priorités dans l’utilisation de ces financements européens ? Pourquoi ?

Alain Dolium : Sur le plan économique, ma priorité pour l’Île-de-France concerne l’emploi. En effet la crise financière et économique a induit une forte augmentation du chômage en France et l’Île-de-France n’est pas épargnée ; en 2009, on y compte 500 000 chômeurs supplémentaires et nous nous attendons à la poursuite de la hausse du chômage en 2010 ainsi qu’à de très nombreux chômeurs en fins de droits. La réduction du chômage passe par la création d’emplois et par des projets de développement.

La situation économique de notre région n’est pas satisfaisante, bien qu’elle occupe le premier rang en Europe pour le PIB et qu’elle représente 40% du potentiel scientifique et technologique français. Malgré ces atouts, la région Île-de-France est très mal classée parmi les régions en Europe, en termes de création de richesses et d’emplois depuis les années 1990, bon nombre d’autres régions françaises faisant mieux.

Comment développer l’emploi en Île-de-France ? Trois axes seront privilégiés :
 la création des petites entreprises et leur développement, notamment par l’« Emploi-sans-hésitation », une mesure qui incitera à l’embauche en permettant de décharger les PME des charges sociales patronales pendant les deux premières années, si elles sont en situation difficile ;
 le retour à l’emploi de tous ceux qui sont au RSA, notamment en aidant l’insertion par l’activité économique ;
 le fort soutien à l’innovation technologique ou de service. Je compte doubler les interventions de la Région dans le domaine économique, car elles ne représentent que moins de 3% du budget, contre 8,3% en moyenne dans les autres régions. Et l’aide européenne pour soutenir cet objectif est bienvenue.

J’apprécie que le territoire d’Île-de-France soit éligible à l’objectif Compétitivité et Emploi, pour la période 2007-2013, des Fonds structurels européens et qu’il dispose de 686 millions d’euros sur cette période : 151 M € au titre du Fonds européen de développement régional (FEDER) et 535 M€ au titre du Fonds social européen (FSE). La région bénéficie également d’une contribution du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) pour un montant de 14 M €, afin de contribuer au développement durable des secteurs agricoles et forestiers. Ces financements européens nous aideront à satisfaire cette priorité de l’emploi.

Cependant, je compte aussi mettre en œuvre deux autres priorités pour l’Île-de-France, « l’égalité des chances pour tous » et « plus de proximité pour vivre mieux ». Ceci se traduit par la nécessaire solidarité territoriale, car la région Île-de-France est marquée par un développement déséquilibré, source de nombreux problèmes dont celui des transports. Ainsi, les emplois sont surtout créés à Paris et dans l’ouest de la région. J’entends œuvrer à ce rééquilibrage et les fonds européens y contribueront.

Le Taurillon : Quel bilan faites-vous dans votre région des projets réalisés avec l’aide des financements européens au cours des dernières années ?

Alain Dolium : La mise en œuvre des Fonds structurels sur l’Île-de-France a permis de réduire les écarts entre territoires, de soutenir la reconversion économique et sociale de nombreuses communes (27 entre 2000 et 2006) et de mettre en place des programmes pluriannuels de développement dans les quartiers en difficulté.

Nous jugeons très positivement tous ces programmes et nous entendons à l’avenir les développer, conformément à nos priorités.

En outre, la Région participe à de grands programmes communautaires. Nous sommes particulièrement attentifs au programme INTERREG IVC qui favorise la coopération entre régions européennes dans les domaines de l’innovation et de l’économie de la connaissance ainsi que de l’environnement, ou au projet C-CHANGE qui concerne le changement climatique ou encore au projet ECRINetwork (European Clusters and Regions for Eco-Innovation and Eco-Investment Network) sur le financement de la recherche et de l’innovation dans le domaine des éco-activités.

Sur ces programmes, nous voulons accélérer les échanges et l’identification des bonnes pratiques car pour nous la lutte contre le changement climatique, le développement des éco-activités et de l’économie de la connaissance sont nécessairement très liés et doivent évoluer en phase, notamment pour atteindre l’objectif ambitieux de réduction des gaz à effet de serre de 30 % à l’horizon 2020 que nous nous fixons pour la Région Île-de-France.

Cependant, le Conseil d’État souligne dans son rapport public de 2007 les difficultés rencontrées par l’administration pour appliquer certains dispositifs européens, notamment la gestion des fonds structurels communautaires.

Leur utilisation qui relève de l’Etat, est malheureusement beaucoup trop lente. A peine 30% des fonds européens ont ainsi été mis en place et cette gestion se caractérise notamment par un délai de deux ans en moyenne entre le moment où la Commission décide de l’octroi des fonds structurels et celui où les collectivités territoriales françaises les perçoivent. Ce résultat est inadmissible, alors que nos partenaires européens se prévalent d’un délai moyen de 6 mois. De plus, l’opposition politique entre le gouvernement et la Région, entre la droite et la gauche ralentit le choix des dossiers. Les Franciliens, qui en auraient le plus besoin, sont évidemment pénalisés par le mode de gestion actuellement retenu.

Le Taurillon : Le co-financement des projets réalisés en région à tendance à minorer l’importance des fonds européens, chaque acteur souhaitant mettre en avant sa participation. Comment donner plus de visibilité à ce que l’Europe fait pour vos administrés au quotidien ?

Alain Dolium : Nous considérons qu’il est fondamental de donner davantage de visibilité à ce que l’Europe contribue à faire dans les Régions et nous nous engageons à le faire. Mais ceci passe par une réforme complète du mode de gestion des fonds structurels comme nous l’avons souligné précédemment.

Nous regrettons que la France ait fait le choix d’une gestion déconcentrée de ces fonds, en confiant aux préfets de région la double fonction d’autorité de gestion et d’autorité de paiement. Il en résulte que des projets ne sont pas financés alors même que les lignes budgétaires ont été ouvertes au niveau communautaire. Pour ces raisons, nous sommes des partisans résolus d’une gestion décentralisée des fonds structurels européens.

Quant à la publicité pour l’Europe, elle est bien naturelle, et il suffirait de mentionner la part du financement européen dans chaque projet en la rendant publique par différents canaux et systématiquement dans la communication à la presse.

Le Taurillon : Selon vous, la décentralisation française a-t-elle donné suffisamment d’autonomie aux régions dans la gestion des fonds communautaires et la sélection des projets de développement ? Les préfectures ont-elles trop de poids ?

Alain Dolium : Les lois de décentralisation successives ont donné depuis 1983 un rôle croissant aux régions, qu’elles ont rempli avec ardeur. Ainsi, alors que l’Etat s’avérait incapable de rénover les lycées, les régions l’ont fait en un peu plus d’une vingtaine d’années.

Actuellement, les préfectures ont un trop grand poids, comme l’illustre le cas des fonds européens, et ce poids est négatif puisqu’il freine l’aide de l’Europe auprès des destinataires.

En parallèle, la Région Île-de-France n’est qu’un organisme intermédiaire, c’est-à-dire qu’un gestionnaire délégué d’une enveloppe « subvention globale » FSE d’environ 116M €, sur 2007-2013. On ne peut se satisfaire de cette situation.

La réforme en cours de la taxe professionnelle ne favorise pas la décentralisation. La Région Île-de-France aura désormais comme seule ressource fiscale les droits de mutation des cartes grises ; sa marge de manœuvre fiscale sera quasiment nulle ! Les autres recettes des régions, fixées par l’Etat, vont être utilisées (au moins partiellement) comme leviers de pouvoir, ce qui favorisera ainsi les courants politiques les plus centralisateurs. Nous assistons, nous qui sommes les plus régionalistes et les plus décentralisateurs, à une reprise en main des pouvoirs qui n’est pas acceptable.

Alain Dolium et François Bayrou au salon de l’Agriculture

A l’avenir, les fonds européens devraient être gérés par la Région directement. La Constitution française a fait des Régions des entités autonomes et responsables ; il convient donc de leur faire confiance, indépendamment de la situation politique.

Je rappelle qu’il existe une expérience alsacienne menée depuis 2004 qui a ouvert la voie à de nouveaux transferts de compétences. Par exemple, pour la période 2007-2013, en Alsace, ce sont plus de 250M€ de crédits issus de ces fonds qui seront gérés et investis. Unanimement, cette expérience est jugée positive. Nous aimerions beaucoup qu’en Île-de-France, l’Etat face confiance à la région de la même façon qu’en Alsace. Aussi nous plaidons sans réticence pour une généralisation de ce transfert de compétences aux régions.

Le Taurillon : Êtes vous favorable à la présence du drapeau européen sur les bâtiments de la région ?

Alain Dolium : Nous sommes totalement favorables à la présence du drapeau européen sur les bâtiments officiels de la Région. D’une manière générale, dans le cadre de notre « Projet humaniste », adopté en décembre 2009, nous voulons utiliser en France « des symboles de l’Europe (drapeau, hymne…) comme c’est le cas dans 16 pays de l’Union ».

Il faut se souvenir que l’Europe s’est construite dès les années 1950 sur l’idée d’exorciser la guerre sur notre continent, après trois affrontements sans comparaison dans l’histoire. C’est en mettant en commun le charbon et l’acier (c’est-à-dire l’énergie pour l’industrie, et l’acier qui fabriquait les canons) dès 1954 que cette vision très originale dans l’histoire a pu prendre son envol. Depuis, notre continent est pacifique, et les efforts se sont alors orientés vers la construction économique et le bien-être des populations. Ce sens du drapeau européen, la Région doit le porter en l’affichant à son fronton, aux côtés du drapeau français et du drapeau de l’Île-de-France. Car ces entités politiques ont désormais des destinées solidaires.

Votre région en Europe

Le Taurillon : Quels sont les atouts européens de votre région ?

Alain Dolium : L’Île-de-France est la première région économique d’Europe par son PIB. Elle dispose d’atouts multiples et grande ampleur : des activités industrielles et de service de tout premier plan, du personnel très qualifié, de réelles capacités d’accueil d’entreprises internationales, des universités de grande réputation, le premier potentiel de R&D, l’attractivité de Paris, de Versailles et des autres lieux touristiques, des paysages naturels d’un climat tempéré et une histoire riche de plusieurs milliers d’années…

Mais je veux transformer ces atouts en une dynamique de l’emploi, comme je l’ai déjà indiqué. Aussi, une préoccupation majeure sera pour moi de veiller au rayonnement de l’Île-de-France, de faire connaître ses succès et de développer son attractivité. On peut par exemple attendre du développement du tourisme, qui représente déjà 5% du PIB régional, des emplois nouveaux répartis sur tout le territoire.

L’Île-de-France possède tout particulièrement 7 pôles de compétitivité d’envergure mondiale, dans des domaines très divers, comme Systematic (systèmes complexes), Medicen Paris région (sciences du vivant et de la santé), Finances Innovation, Mov’eo (automobile), Cap Digital (conteneurs numériques et technologies de l’information), Advancity (mobilité en milieu urbain) et Astech (aviation d’affaires). Je considère qu’il faut encore renforcer ces pôles d’innovation, en misant sur le tissu de PME innovantes et sur les collaborations européennes pour qu’une dynamique de l’emploi s’enclenche.

Ainsi, l’Ile de France, tout en construisant son avenir, construira aussi celui de l’Europe.

Le Taurillon : Les régions de chaque État membre sont en compétition à Bruxelles pour défendre leurs intérêts. Comment comptez-vous représenter efficacement les intérêts de la région pendant votre mandat ? Quelles ressources financières et humaines comptez-vous allouer à ces missions ?

Alain Dolium : L’Île-de-France est représentée à Bruxelles par le bureau IdFE (Île-de-France Europe). Je renforcerai de manière importante cette représentation pour qu’elle soit à la hauteur de la première région européenne et qu’elle permette d’accélérer la participation de la région à tous les échanges et à tous les programmes communautaires prioritaires pour l’Île-de-France. Je considère que le travail en réseau avec d’autres régions est aussi un levier d’influence important et qu’à ce titre il doit être développé.

La Région Île-de-France doit contribuer aux débats européens et s’inscrire dans le processus décisionnel. Tout particulièrement, je veux dynamiser les politiques communautaires dans les domaines de la recherche et de l’innovation, la Région étant une maille très opportune pour développer des collaborations au niveau des systèmes régionaux d’innovation et multiplier les liens entre les universités européennes et entre les grands pôles de compétitivité et ceux européens.

Le Taurillon : Certaines régions ont développé depuis plusieurs années des mécanismes d’aide à la mobilité en Europe, notamment à destination des jeunes. Quels sont vos objectifs dans ce domaine ?

Affiche de campagne d’Alain Dolium pour l’Île-de-France

Alain Dolium : Le programme Erasmus a ouvert l’esprit de générations entières d’étudiants. Il est encore trop mal connu, et il faudra encourager nos Universités à le mettre en valeur, d’autant qu’il a été étendu récemment à des échanges avec le monde entier, sous l’égide européenne. Mais je souhaite aussi que ce programme soit étendu à toutes les filières de formation, professionnelles, techniques et aux apprentis. Je veillerai à développer l’égalité des chances autant que celle des territoires de notre Région. Quant aux jumelages, déjà florissants dans nombre des communes de la région, ils seront encore encouragés.

Tout particulièrement, j’entends développer la participation au programme communautaire Leonardo qui permet à des jeunes demandeurs d’emploi de réaliser des stages en entreprises en Europe.

Mais je compte aussi développer la mobilité des jeunes chercheurs de l’Île-de-France en encourageant des partenariats avec d’autres régions européennes. Je suis persuadé que l’Europe de la recherche ne se construira qu’en favorisant la mobilité des jeunes chercheurs de la région Île-de-France ; la première région européenne de la recherche doit y contribuer de manière importante.

En toile de fond, je rappellerai aussi que nous voulons dans notre « Projet humaniste » « une ouverture de l’Ecole à l’Europe dans les programmes scolaires et dans les échanges entre élèves et étudiants des différents pays de l’Union ».

Le Taurillon : Avez-vous l’intention de mettre en place ou de renforcer des coopérations avec des régions d’autres pays ? Dans quel but ?

Alain Dolium : La coopération interrégionale est un outil efficace d’échanges culturels et d’échanges économiques. Pour moi, la Région doit mettre en place des échanges ou des partenariats privilégiés avec d’autres régions qui partagent les mêmes problématiques, tout particulièrement dans les domaines de l’emploi, de l’innovation et de l’environnement.

Mais je n’oublie pas qu’en Île-de-France vivent des ressortissants originaires de 130 nationalités. Nous avons donc vocation à entretenir tous ces liens et à en faire un vecteur de développement et d’amitié. C’est aussi une façon de veiller aux équilibres du monde, en y véhiculant les valeurs de notre héritage culturel, notamment la négociation, la régulation, la primauté de l’éducation et la cohabitation des cultures.

Illustration :
 photographie d’Alain Dolium réalisée par le photographe Karim-Pierre Maalej.
 affiche issue de son site de campagne
 photographie d’Alain Dolium et François Bayrou lors de leur visite du Salon de l’Agriculture, issue de son compte FlickR

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