Alain Lamassoure : le traité de Lisbonne surprendra !

Le député européen est un des négociateurs du traité

, par La Rédaction du Taurillon

Alain Lamassoure : le traité de Lisbonne surprendra !

Les Jeunes Européens Sciences-Po ont accueilli mardi 22 janvier à Sciences Po le député européen, ancien ministre et « co-auteur » du traité de Lisbonne Alain Lamassoure. En présence de nombreux étudiants ainsi que de ressortissants d’autres pays membres de l’Union comme l’Italie, la République Tchèque ou même la Lituanie, cet européen convaincu s’est exprimé en détail sur sa vision de l’Europe et sur les inflexions et impulsions que lui apporte le traité de Lisbonne, ratifié le 14 février dernier.

Le traité de Lisbonne est-il différent du traité constitutionnel ? Le mode d’adoption du nouveau traité reflète t-il la peur du peuple qui gangrène l’Europe ? Le traité est-il réellement une victoire pour l’Europe ?

Extraites de la presse récente de tous bords, les questions fusent sous forme de provocation pour Alain Lamassoure, qui répond imperturbablement, convaincu du pas immense que s’apprête à franchir l’Europe. Car malgré les cris d’alarme poussés par ses détracteurs, le traité modificatif constitue, sous ses airs inoffensifs, un véritable bouleversement dans le fonctionnement devenu obsolète de l’Union. Oui, Alain Lamassoure l’affirme sans ciller, « le traité de Lisbonne est parfaitement identique à la Constitution. »

Et d’ajouter posément, devant les regards attentifs de l’auditoire que « le texte se présente comme un traité ordinaire, qui reprend toutes les innovations juridiques contenues dans la Constitution avec seulement une demi-douzaine de petits changements afin de rendre son contenu plus acceptable pour les pays qui posaient problème ».

Pourquoi le traité de Lisbonne ?

L’Europe, construite sur les ruines de la guerre, est, cinquante ans plus tard, victime de son succès. Si elle a atteint ses principaux objectifs, à savoir une paix durable et une intégration économique poussée jusqu’à la monnaie –- pourtant prérogative régalienne par excellence — elle se trouve aujourd’hui confrontée à de nouveaux défis. Le passage progressif de six à vingt-sept État-membres reflète à la fois le succès de l’Europe et cristallise les anachronismes et les lourdeurs de son fonctionnement.

Le déficit démocratique s’est également fait de plus en plus en criant à mesure que l’Union se voyait attribuer des pouvoirs de décisions importants, par exemple en termes de politique agricole ou encore de négociations commerciales. L’intégration dans de nombreux domaines (circulation des personnes, des travailleurs, des capitaux…) a également rendu nécessaire une coopération plus poussée entre États-membres.

Pour Alain Lamassoure, le traité de Lisbonne vise à rendre le fonctionnement de l’Union « plus efficace, plus démocratique et plus utile en mettant à jour les institutions européennes ». Plus efficace, d’abord, avec la mise en place d’un véritable fédéralisme à l’allemande, dont le Parlement et le Conseil des Ministres constitueront les chambres, avec un Conseil devenu assemblée législative et ressemblant furieusement au Bundesrat allemand. La Commission, quant à elle, se pare d’une légitimité politique et se démocratise avec un président élu émanant directement de la majorité dégagée lors des élections du Parlement de Strasbourg. Ces dernières visent à devenir des élections populaires de première importance pour les 500 millions de citoyens européens, avec un véritable enjeu politique à la clef.

Enfin, est créé dans le traité un poste de Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, qui vient compléter un triumvirat formé avec le président de la Commission européenne et un président du Conseil européen d’un mandat de 2 ans et demi. Parallèlement aux institutions elles-mêmes, le mode de décision est également modifié avec la diminution d’une unanimité devenue trop difficile à obtenir au profit d’une extension de la majorité qualifiée à de nouveaux domaines tels que le contrôle aux frontières, l’asile ou l’immigration.

Quel futur pour l’Europe avec le traité de Lisbonne ?

Le traité de Lisbonne, ratifié en France le 14 février, créerait donc un cadre institutionnel plus adapté aux nécessités de l’intégration européenne. Pour autant, contrairement à la vision développée par l’universitaire Renaud Dehousse, les avancées du traité ne sont pas qu’institutionnelles. Le nouveau texte offre un cadre propice à un approfondissement de l’intégration et à plus de supranationalité. Il revient aux premiers titulaires des nouveaux postes clefs crées d’utiliser ce cadre et de donner aux institutions une légitimité et une dimension durables. La question reste de savoir s’il existe au niveau européen des personnalités suffisamment charismatiques pour donner corps à cette nouvelle Europe.

La véritable orientation de l’Europe ne peut en ce sens être donnée par un texte, si progressiste soit-il. Mais l’Union est sur le point de se doter avec le traité de Lisbonne d’un instrument nécessaire à son approfondissement, et notamment de véritables dirigeants politiques.

De nombreuses orientations restent encore à définir, dans le sens de ce que Valéry Giscard d’Estaing appelait une « Europe-puissance » et une « Europe-espace ». En particulier, restent à clarifier les frontières de l’Union, ainsi que son rythme et ses modalités d’élargissement. Pour Alain Lamassoure, le statut de partenaire privilégié reflète déjà cette tendance à l’intégration par cercles concentriques. Simultanément, pour garder la cohésion, il est envisageable pour le député européen qu’à terme les États ne ratifiant pas des révisions du traité sortent du dispositif, afin de ne pas empêcher les avancées les plus intégrationnistes.

Mais si le traité ne constitue qu’un instrument juridique, il n’en reste pas moins que ses avancées vont au-delà de ce que bien des chefs d’État et de gouvernement — au premier chef desquels le Président français — imaginent à l’heure actuelle. « Je m’amuse à l’avance de la tête que vont faire nos chefs d’État et de gouvernement qui vont découvrir que parmi eux siège quelqu’un qui a été élu par 500 millions de citoyens et qui peut s’exprimer d’égal à égal avec eux », conclut en souriant Alain Lamassoure , à propos du Président de la Commission européenne.

La surprise s’annonce de taille en effet !

Illustration : photographie d’Alain Lamassoure, source : Parlement européen.

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Vos commentaires
  • Le 26 février 2008 à 10:09, par Vincent Guerre En réponse à : Le traité de Lisbonne n’est pas identique à la Constitution européenne !

    Lorsque M. Lamassoure affirme que le traité de Lisbonne est identique à la Constitution européeenne, il n’a raison qu’en ce qui concerne les aspects purement institutionnels et procéduraux. L’UE aura en effet toutes les cartes en main pour imposer davantage son point de vue aux Etats, mais j’ai bien peur qu’elle ne puisse même pas jouer ces cartes.

    Je pense qu’il ne faut pas s’arrêter à la seule dimension institutionnelle pour juger le nouveau traité : il faut aussi prendre en compte la démarche adoptée et la dynamique enclenchée. Or,le traité de Lisbonne a été négocié (c’est le cas de le dire) par une conférence intergouvernementale sacralisant les Etats et accordant de multiples dérogations. La Constitution avait quant à elle été élaborée par une Convention qui s’efforçait de défendre un intérêt européen.

    Mais au-delà de cela, c’est surtout la disparition de la démarche constitutionnelle qui est inquiétante. On reste dans le cadre des traités et l’UE ne franchit pas le cap politique. On fait donc le choix de consolider ce qui existe et de ne pas aller plus loin. Avec le traité de Lisbonne, l’UE ne sera jamais autre chose qu’un espace économique. Dans ce cadre, les avancées politique ne pourront pas se faire et 27 ; la tendance sera probablement au développement des coopérations renforcées (sur la défense par exemple). Si une nouvelle constitution n’émerge pas rapidement, l’UE se fera à la carte et une véritable démocratie fédérale n’émergera pas avant longtemps.

  • Le 26 février 2008 à 10:47, par david En réponse à : Alain Lamassoure : le traité de Lisbonne surprendra !

    « le traité de Lisbonne est parfaitement identique à la Constitution. »

    « le texte se présente comme un traité ordinaire, qui reprend toutes les innovations juridiques contenues dans la Constitution avec seulement une demi-douzaine de petits changements afin de rendre son contenu plus acceptable pour les pays qui posaient problème ».

    Heu... ben alors ? il est identique ou pas ? c’est à cause de déclarations tonitruantes de ce type, suivies en général par des précisions incompréhensibles que les pro-européens perdent toute crédibilité dans le débat politique.

    Maintenant, sur le fond, et notamment le rôle que peuvent avoir les élections de 2009 je concorde assez avec l’eurodéputé. Cependant, je suis bien moins optimistes sur la capacité des partis politiques à faire le nécessaire pour cela. Puisque Lamassoure est membre éminent de l’UMP peut être aurait-il pu indiquer ce que son parti va faire. Présenter un candidat à la Commission ? Présenter avec le PPE un véritbale programme de gouvernement européen ? Présenter des listes transnationales ? ou simplement s’efforcer de prendre sa revanche sur les municipales ?

    Bizarrement, et malgré l’optimisme (utopisme ?) de Lamassoure j’ai tendance à penser que malheureusement le parti présidentiel penchera pour la seconde solution, bien française. J’espère, naturellement, me tromper...

  • Le 26 février 2008 à 10:58, par KPM En réponse à : Alain Lamassoure : le traité de Lisbonne surprendra !

    Le traité de Lisbonne reprend la même substance que le Traité constitutionnel. Normal, puisque c’est le fruit de quinze ans de discussions. Cependant, la démarche est complètement différente. Là où on avait un acte symbolique, fondateur, on a désormais un simple réaménagement du règlement intérieur. C’est un immense échec. Dès lors, je ne suis vraiment pas persuadé que tout est joué.

    La dynamique actuelle ne porte pas à penser que les outils offerts par le Traité seront utilisés correctement. On parle déjà de Tony Blair comme président du Conseil de l’Union, ce qui serait un très mauvais signe et conduirait probablement à définir ce nouveau poste comme le garant de l’intergouvernementalisme (l’élection de quelqu’un comme Bronislaw Geremek serait déjà de meilleur augure).

    Quant aux instruments offerts au Parlement, ils ne pourront véritablement prendre toute leur mesure que si les élections européennes lui donnent le souffle suffisant. Cela suppose de vraies campagnes à l’échelle de l’Europe, un vrai débat entre partis sur le projet européen que l’on désire. Vous pourrez constater que c’est très mal parti. Les deux grands partis que sont le PSE et le PPE ne sont pas d’accord sur grand-chose, et comment le leur reprocher quand au sein même de leurs sections françaises on est déjà aux antipodes sur les questions européennes (l’UMP semble plus disciplinée mais c’est dû au leadership de Sarkozy ; qu’il vienne à cesser et on retrouvera les divisions classiques entre gaullistes et « libéraux »).

    À nous dès lors de peser de toutes nos forces pour que ces élections européennes soient vraiment à la hauteur de ce qu’elles sont : l’occasion de définir le projet que nous voulons pour l’Europe. Le Traité nous en donne les outils, utilisons-les. Montrez-nous M. Lamassoure que votre parti peut faire campagne sur les enjeux européens, sur le projet que le PPE portera à l’échelle de l’Europe. Avec les Tories à vos côtés, c’est mal parti, mais peut-être sera-ce l’occasion de vous en séparer...

  • Le 26 février 2008 à 14:55, par arturh En réponse à : Alain Lamassoure : le traité de Lisbonne surprendra !

    Les élections du Parlement Européen auront lieu en juin 2009. Plus d’un an de campagne électorale. Il n’y a pas un jour à perdre !

  • Le 27 février 2008 à 10:21, par Nicolas En réponse à : Alain Lamassoure : le traité de Lisbonne surprendra !

    Alain Lamassoure est également intervenu à Bordeaux le 21 février dernier, nous lui avons demandé de préciser ses ambitions concernant les élections européennes et la position du PPE. Il a affirmé que le PPE présenterai un programme commun dans toute l’Europe ainsi que son candidat à la Présidence de la Commission. C’est une grande nouveauté, assez ambitieuse, il faut le reconnaître, surtout pour le PPE. Alain Lamassoure a été chargé par le PPE de préparer ce projet commun.

    Sur ce point, pour l’instant, seul les Verts s’orientent vers un programme commun.

    Quant au PSE, ses divisions internes, notamment avec les socialistes français, risques leur compliquer beaucoup la tâche pour adopter une telle démarche...

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