Alexander Hamilton - L’aspect de structure du fédéralisme

, par Micheline Hannoun

Alexander Hamilton - L'aspect de structure du fédéralisme
Alexander Hamilton

Hamilton occupe une place de choix dans le fédéralisme. Confronté avec la création de la première fédération continentale, il a inventé et découvert en même temps les éléments institutionnels du fédéralisme et son aspect de structure. L’étude d’Hamilton, pleine d’enseignements, dans un monde qui cherche encore le fédéralisme, ne peut se concevoir qu’à travers l’historique et l’analyse des institutions américaines.

1 / L’indépendance - la guerre - la confédération

Les treize colonies étaient différentes sur les plans géographique, religieux, économique, juridique (les unes sont à charte, les autres sont des possessions de la couronne) et sur celui du peuplement. Mais une unité linguistique s’est établie, alliée à un goût commun pour la tradition anglo-saxonne.

Les difficultés entre colonies et Métropole s’élevèrent dès le vote par le Parlement anglais des premières réformes fiscales ; en 1775, le conflit devient armé.

Du fait même de la lutte contre la Grande-Bretagne, les premiers traits de la Nation américaine et ses futures institutions politiques se dessinent : en effet, cette guerre donne conscience aux colonies d’une unité et développe l’interdépendance des Etats américains sans détruire les treize patriotismes. Un comportement fédéral précède l’existence de la fédération : on constate un double loyalisme et une double appartenance à l’Etat et à l’Union. A ce stade de l’analyse, il convient de noter le jugement suivant d’Hamilton qui sera d’ailleurs corroboré par la triste évolution des Etats-Unis.

Pour Hamilton, un comportement fédéral :

  • ne se développe que sur des aires plurinationales qui jouissent d’une liberté politique et d’une certaine unité ;
  • ne se maintient que si la prospérité atténue les luttes de classe et si l’insularité garantit la sécurité et dispense d’une puissance militaire.

Les nécessités mêmes de la lutte contribuent à orienter le caractère des institutions plus précisément à les orienter dans un sens démocratique. Le peuple voit dans la guerre d’indépendance une occasion de libération politique et sociale. L’indépendance est déclarée le 4 juillet 1776.

Cette guerre rendait indispensable l’institution d’une autorité qui la finance et représente l’Union.

Le 14 novembre 1777 les rapports internationaux entre les treize Etats s’organisent dans un pacte qui se résume ainsi :

  • principe de souveraineté et égalité des Etats ;
  • ligue d’amitié mais existence d’une armée commune embryonnaire ;
  • le seul organe de la confédération est un congrès, c’est-à-dire une assemblée de diplomates dans laquelle chaque Etat est représenté et n’a qu’une seule voix. Ce congrès n’a qu’un pouvoir formel tandis que les Etats détiennent le pouvoir réel.

En 1787/88, l’Union est menacée de faillite pour les raisons majeurs suivantes :

  • elle ne prévoyait aucun organe exécutif ;
  • les ressources financières du congrès étaient trop faibles et les Etats n’avaient pas été solidaires dans le financement de l’effort de guerre.

2 / La Convention de Philadelphie

Dans cette ambiance de désunion s’affrontent un courant unitaire favorable à un gouvernement central fort avec une dépendance des Etats et un courant pluraliste (fédéraliste ou confédéral) désireux de sauvegarder l’indépendance et la souveraineté des Etats.

La confédération se meurt et ces deux options trop exclusives sont irréalisables.

Des commissions se réunissent pour régler des points particuliers (droits de douane, règlementation commerciale) et il est décidé de réunir une commission générale en 1787 pour proposer des améliorations à la constitution fédérale. Elle se constitue en Convention et élabore un projet de constitution voté à l’unanimité le 17 septembre 1787.

Les deux courants ont du composer ; composer un pouvoir législatif alliant pluralisme et unité, c’est le mécanisme même du fédéralisme. Le courant unitaire donne naissance à la Chambre des représentants (représentation proportionnelle de la population) ; le courant pluraliste au Sénat (représentation égale des Etats).

3 / Le Fédéraliste

Cet ouvrage est une collection d’articles de journaux écrits et publiés dans l’Etat de New-York pour la campagne électorale de ratification de 1787-1788. James Madison représentait la Virginie au congrès de la Confédération. Il a préparé dans les commissions interétatiques la Convention de 1787 et ses compétences l’ont désigné comme secrétaire des débats de la Convention. Hamilton, ancien secrétaire et collaborateur de Washington pendant 3 ans de guerre, a été échaudé par l’insuffisance des institutions politiques, au point que ses interventions pendant le congrès reflètent à l’excès son désir d’un pouvoir centraliste, monarchique, fort.

Hamilton et Madison ont collaboré à la mise en forme finale des textes adoptés. Aussi se sont-ils partagé la rédaction des articles. John Jay a assuré la rédaction de la politique étrangère.

3. 1 / Insuffisance de la confédération

La confédération est bâtie sur une erreur fondamentale. Hamilton l’explique ainsi : "Augmenter l’autorité fédérale sans diminuer l’autorité des Etats, proclamer la souveraineté de l’union et l’indépendance absolue de ses membres."

La Confédération basée sur l’égalité et la souveraineté des Etats n’a pas la moindre autorité. Ce n’est qu’une association. Il y a eu d’autres exemples de confédération dans l’histoire, mais l’erreur est toujours présente : les lois du conseil fédéral s’adressent aux Etats qui en font ce qu’ils veulent. Hamilton fait un catalogue des défauts de la confédération :

  • dépourvues de sanctions les lois du congrès ne tiennent lieu que de recommandations ;
  • la division des contributions des Etats en contingents entraîne une inégalité ;
  • il n’existe pas de réglementation du commerce entre les Etats ;
  • l’armée est de la compétence des Etats ;
  • un Etat quelle que soit sa population et sa richesse n’a qu’une voix ;
  • sans pouvoir judiciaire fédéral il ne peut y avoir d’interprétation commune des lois et traités.

Il est évident que le Congrès représentant des Etats ne peut exercer les pouvoirs d’une union.

3.2 / Les dangers

Deux dangers guettent la confédération :

  • l’évolution des ordres internes des Etats séparés : centralisme et militarisme ;
  • « espérer le maintien de l’harmonie entre plusieurs Etats indépendants et voisins ce serait négliger le cours uniforme des évènements humains et aller contre l’expérience des siècles ».

3.3 / Le « bon gouvernement » ou l’équilibre des trois pouvoirs

Pour la Convention le problème était le suivant : « organiser un véritable pouvoir politique commun sur le territoire de treize Etats séparés en maintenant les Etats et en réalisant l’unité ».

Hamilton défend la position « nationaliste » d’un pouvoir fort et unitaire, mais à son grand regret la Convention opte pour un compromis : les Etats particuliers leur souveraineté limitée et l’Etat fédéral a une suprématie également limitée. L’Etat et la fédération sont concurrents sur un même espace, sur un même territoire constitutionnel.

3.3.1 Le législatif est bicaméral

  • La chambre des représentants est en .prise directe sur le peuple et a sa sympathie. Le nombre des membres est fonction du nombre d’habitants et non de citoyens ce qui inclut les esclaves. Ils sont élus pour deux ans et ont des pouvoirs étendus.
  • Le Sénat est la chambre des Etats (deux par Etat) et la chambre de réflexion. Les Sénateurs disposent d’un mandat de 6 ans, leurs fonctions sont les suivantes :
    • nominations aux fonctions publiques ;
    • conclusion de traités ;
    • sur accusation des représentants, ils jugent lors de la procédure d’impeachment.

Pour contrebalancer ces énormes pouvoirs, l’exécutif dispose d’un droit de veto.

3.3.2 Le Judiciaire

Les juges sont nommés à vie comme tous les grands fonctionnaires de l’Etat :

  • ils disposent d’une indépendance totale ;
  • connaissent des difficultés posées par l’application des dispositions constitutionnelles, des lois de l’Union et font jurisprudence ;
  • connaissent également des affaires dans lesquelles les Etats-Unis sont partie contre des Etats membres ou des citoyens ;
  • connaissent en appel de toutes les affaires civiles assurant ainsi l’unité d’interprétation de la loi.

3.3.3 L’exécutif

Le Président est élu au second degré, il peut être jugé, son veto est conditionnel. Il représente le « bon gouvernement » imaginé par Hamilton. Il est l’unité. Il dure (quatre ans), est indépendant (financièrement) et dispose de pouvoirs suffisants dans une dépendance raisonnable à l’égard du peuple (contrôle des assemblées, élections). Il fait passer son programme et ses recommandations dans son message sur l’état de l’Union.

3.4 L’évolution

Hamilton était obsédé par le fait que les Etats fédérés pouvaient empiéter sur la compétence de l’Etat Fédéral. Ce fut très vrai jusqu’à la fin de la guerre civile, après laquelle on peut constater un mouvement inverse. Toutefois, le pouvoir fédéral restauré reste limité, notamment dans le domaine social : l’industrialisation de la fin du 19° siècle influe sur la vie de la fédération entière qui devient un vaste marché appelant une réglementation économique et sociale. A la fin de la première guerre mondiale, le pli est pris, l’administration fédérale est forte, interventionniste (à l’intérieur et à l’extérieur). Le New Deal brise l’autonomie financière des Etats qui sont aidés par l’Union (aujourd’hui faillite de New-York et subvention fédérale). La seconde guerre mondiale achève cette oeuvre de centralisation par le totalitarisme (mobilisation de l’économie et des hommes) et le militarisme.

Hamilton ne définissait pas autrement la dictature : l’existence d’une forte armée et une centralisation du pouvoir répondant à la nécessité d’une intervention militaire immédiate.

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