Avenir de l’Europe

Aujourd’hui autant qu’hier, l’Europe a besoin d’une Constitution

, par David Soldini, Pauline Gessant

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Aujourd'hui autant qu'hier, l'Europe a besoin d'une Constitution

Inquiets des derniers développement du débat européen, Pauline Gessant et David Soldini, représentant respectivement les Jeunes européen France et l’Union européenne des fédéralistes, rappellent la nécessité de continuer à poursuivre l’objectif constitutionnel. L’UEF-France et les JE-France sont promoteurs de la campagne pour l’organisation d’un référendum paneuropéen.

Au récent sommet de Bruxelles, les Chefs d’Etat et de gouvernement ont abandonné l’objectif constitutionnel. Certes, les dirigeants européens ont affiché leur volonté d’essayer de conserver de nombreuses dispositions du texte constitutionnel. Mais, comme l’a clairement affirmé le Président français « en renonçant à la démarche constitutionnelle, on revient à la logique des traités ». Or, la logique constitutionnelle s’était imposée parce que justement, les Chefs d’Etat et de gouvernement avaient pris conscience, sous la pression du Parlement européen et de la société civile, de l’inefficacité de la logique inter-étatique. Cette dernière est à l’origine du déficit démocratique de l’Union, frein à son développement politique.

l’Union doit passer du statut d’organisation internationale à celui de sujet étatique

Pourtant, nos Etats nations ne peuvent pas, isolés, affronter les défis du XXIème siècle. La pauvreté et le sous-développement, les conflits transnationaux, l’approvisionnement énergétique, le changement climatique, le développement durable sont des questions politiques supranationales qui nécessitent une véritable gouvernance supranationale. Pour s’affirmer en tant que véritable acteur international, l’Union doit passer du statut d’organisation internationale à celui de sujet étatique. Ainsi, la constitutionnalisation demeure un premier pas nécessaire vers l’affirmation d’une Europe politique, capable d’agir sur la scène mondiale.

« Objectif Constitution ! »

A Nice, en décembre 2000, plus de quinze mille Européens ont défilé devant la forteresse où siégeaient les Chefs d’Etat et de gouvernement, pour réclamer une Constitution européenne. Réunis dans les salles de cinéma de la ville, des centaines de représentants de la société civile européenne faisaient le même constat que les manifestants : l’Europe a besoin d’une Constitution.

Les dirigeants européens, retranchés derrière les murs en béton, résistaient aisément à la pression citoyenne et décidaient de signer un bien mauvais traité. Quelques mois après la signature de ce texte insuffisant, lors du Conseil européen de Laeken, ces mêmes dirigeants, dans un éclair de lucidité, faisaient le constat de leur double échec : le traité de Nice n’était pas en mesure de permettre à l’Union européenne d’affronter les défis du monde contemporain et la méthode d’élaboration des traités européens, l’intergouvernementalisme, n’était pas susceptible de permettre l’élaboration d’un texte meilleur. Pour pallier ces déficiences, les Chefs d’Etat et de gouvernement convoquèrent une Convention chargée de réfléchir au réaménagement et à la simplification du système communautaire et de répondre à la question de savoir si cela « ne devrait pas conduire à terme à l’adoption d’un texte constitutionnel. » [1]

La Convention européenne qui réunissait des représentants du Parlement et de la Commission européenne, des parlements et des gouvernements nationaux, et était à l’écoute de la société civile, avait également l’avantage de travailler dans la plus grande transparence. Cette méthode, proche de la méthode constituante, était en mesure de faire émerger un véritable intérêt général européen contrairement à la méthode intergouvernementale, fondée sur la défense des intérêts nationaux.

Les travaux de la Convention européenne aboutirent à la rédaction d’un Traité constitutionnel : un texte devant formellement rester un traité mais qui intégrait l’objectif constitutionnel. La distance entre l’Europe imaginée par les Pères fondateurs et l’Europe telle qu’elle est se réduisait.

Les citoyens européens pour une Constitution européenne.

Les forces politiques démocratiques étaient unanimes pour considérer que l’Europe avait effectivement besoin d’une Constitution. Quelles que soient les critiques, parfois justifiées, qui étaient faites au texte issu de la Convention, l’idée d’une constitutionnalisation progressive de l’Europe ne semblait effrayer que les tenants du nationalisme le plus radical.

Les partisans d’une Europe constitutionnelle demeurent encore aujourd’hui largement majoritaires. Dix huit Etats ont ratifié le texte constitutionnel. Le Parlement européen a plusieurs fois manifesté son attachement à la démarche constitutionnelle. Les enquêtes d’opinion montrent que les citoyens de l’Union sont, à plus de 60%, favorables au principe constitutionnel. [2]

En dépit de cela, le Conseil européen de Bruxelles a renoué avec la logique intergouvernementale. Outre son caractère antidémocratique, cette méthode présente le risque de rouvrir l’ensemble des négociations. Les dirigeants européens ont bien essayé de définir strictement le mandat de la Conférence. Néanmoins, les efforts de la présidence allemande risquent de se révéler vains face aux velléités souverainistes de certains gouvernements européens. Les concessions déjà importantes, au premier rang desquels l’abandon pur et simple de l’objectif constitutionnel, sont-elles à même d’éviter une remise à plat complète du travail réalisé par la Convention ?

L’aventure conventionnelle représente la tentative la plus sérieuse pour poursuivre le chemin indiqué par les Pères fondateurs vers une Europe indépendante, œuvrant en faveur de la paix et du progrès. Il ne faut pas renoncer à l’objectif constitutionnel qui permet, pour la première fois dans l’histoire européenne, d’associer les citoyens européens à la construction de leur avenir commun.

Notes

[1Déclaration de Laeken sur l’avenir de l’Union européenne.

[2A la veille du Conseil européen, les résultats de l’Eurobaromètre « Printemps », rendus publics le 20 juin, indiquent que les deux tiers des Européens (66%) souscrivent à l’idée d’une constitution européenne. Soit un mieux de 3 points par rapport au précédent Eurobaromètre. Les Européens sont par ailleurs 69% à être « plutôt », voire « très » optimistes quant à l’avenir de l’UE.

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