Backchich à la Tunisie : plus 7 % d’aide ...
L’Union européenne (UE) aide certes à préparer les élections, à soutenir la société civile, à réformer la justice : elle a par exemple augmenté de 17 millions d’euros son aide à la Tunisie pour 2011-2013 -en plus de 240 millions d’euros initialement prévus. Mais la situation politique et économique nécessite un soutien bien plus fort à la « transition démocratique ». Pourquoi ?
Imaginons simplement l’impact d’un monde arabe démocratique sur la Méditerranée, sur le conflit du Proche Orient, ou sur l’avancement de la démocratie et des Droits de l’homme dans le monde... Les jeunes Européens doivent entendre les jeunes Arabes et les suivre dans leurs rêves de liberté, oublier ce que leurs parents ont fait et parier sur ce monde arabe qui a tout l’avenir devant lui.
Or avant de rêver davantage, comprenons que la transition a bien plus de chance de réussir si la situation économique lui est favorable. Si croissance il y a et que celle-ci est riche en emplois, les gens penseront davantage aux élections non pas comme un défouloir mais comme un engagement réfléchi dans un système qui leur inspire confiance. Les électeurs pensent différemment lorsqu’ils n’ont plus de salaire depuis des mois. La détérioration des finances des ménages est inquiétante, et les discours populistes sont souvent plus rassurants que les autres, en apparence...
Ainsi un constat s’impose : la situation économique n’est pas favorable. Malgré les subventions, la moitié des dépenses des Egyptiens sont happées par l’alimentation. Premiers importateurs de blé au monde, directement touchés par l’envolée des prix (+ 70 % depuis juillet 2010 pour le blé, selon le FMI), c’est autant de budget en moins pour acheter des livres. Quand au tourisme, il emploie directement plus de 10 % de la population active, comme en Tunisie. Les Européens ont déserté. Pourtant le soleil brille autant qu’avant, seuls les sourires ont changé : ils reflètent à présent la fierté et l’espoir de tout un peuple.
Les enjeux ? La démocratie, les droits de l’Homme, l’Etat de droit
La démocratie arabe est fragile, elle vient de naître. Quarante millions de jeunes Egyptiens n’ont jamais connu d’autres dirigeants que Moubarak. Les plus âgés ont la chance d’avoir connu trois dictateurs et l’occupation britannique. Tous, pour la première fois, auront bientôt des élections « libres ».
Le suffrage universel a été si longtemps contourné et méprisé qu’il faut s’approprier les bases d’une culture du pluralisme, de la responsabilisation des gouvernants, de la complémentarité et de l’indépendance des pouvoirs exécutifs, législatifs, judiciaires et même médiatiques. Jamais les programmes d’éducation tunisiens, égyptiens ou lybiens n’ont pu approfondir ces notions, fondamentales à la démocratie.
C’est pourquoi si nous pouvons relever la tête avec fierté, nous devons aussi la garder froide. Si dans cinq ans les jeunes diplômés chômeurs de Sidi Bouzid se disent « on vivait mieux avant la démocratie », cette incroyable dynamique s’essoufflera. Ils connaîtront la désillusion. Quelle sera l’amplitude de cette dernière ? Un coup trop dur aux progressistes du monde arabe qui reprennent voix depuis quelques semaines, serait une perte pour tous.
Deux propositions pour la démocratie : mobilité et commerce
Repensons ensemble notre politique migratoire et commerciale si l’on veut véritablement soutenir et partager la démocratie. Notre vieux continent doit accueillir les jeunes étudiants et travailleurs du monde arabe, dans l’intérêt des deux rives. La valeur ajoutée de la coopération culturelle et académique n’a jamais été si grande.
Notre modèle social européen est mis en danger par une réduction constante de sa population active, le marché du travail au Sud doit se désengorger, les transferts de revenus des familles émigrées en Europe n’appellent qu’à être augmentés. Nous devons voir les étudiants et les jeunes immigrés comme une richesse.
Par ailleurs, nos fruits et légumes peuvent être moins chers et aussi bons si nous nous ouvrons davantage aux produits sud-méditerranéens : les tomates tunisiennes sont délicieuses ! Lorsqu’un agriculteur tunisien produit les mêmes tomates que son voisin italien, il ne peut cependant les vendre aux Européens au même prix et en même quantité car il sera taxé à l’import et soumis aux quotas, sans parler de l’aide budgétaire dont bénéficient déjà les agriculteurs européens.
Or les revenus engendrés par la vente de ces tomates représentent en proportion bien plus d’argent et d’emplois pour le Tunisien que pour l’Italien. L’UE, première puissance commerciale du monde, peut soutenir l’emploi au Sud : elle doit accepter d’ouvrir davantage son marché à son voisinage.
Cependant, malgré nos excuses concernant nos « erreurs de jugements », les restrictions commerciales et migratoires restent les mêmes. En pleine crise économique notre fragile rive sud s’engouffre ainsi dans les dédales d’un débat démocratique naissant sous un chômage de masse et une inflation destructrice pour les couches modestes. Il n’est pas trop tard pour agir.
Ecoutons les jeunes chababs de l’autre côté de la « mer au milieu des terres », soyons humbles mais ambitieux. « Horreya ! », la liberté criée de la corniche d’Alexandrie à l’Avenue Bourguiba en passant par les côtes de Benghazi, cette détermination du jeune peuple arabe pour des valeurs que l’Occident prétendait n’être que les siennes, l’Europe des Droits de l’homme doit la soutenir coûte que coûte.
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