Barroso l’irresponsable

, par Benoît Courtin, Laurent Nicolas

Barroso l'irresponsable

C’est vraisemblablement José Manuel Barroso qui sera désigné par le Conseil Européen comme prochain président de la Commission européenne. S’il est légitime que la Commission reste à droite après les résultats des élections du 7 juin, la question de la responsabilité du bilan de la Commission sortante reste posée.

La première conséquence du scrutin européen du 7 juin 2009 n’aura pas mis longtemps à se montrer. La Commission Européenne sera vraisemblablement encore présidée par le portugais Barroso pour les cinq ans à venir. Et pourtant, c’était un secret de polichinelle !

Barroso, le candidat du couple franco-allemand

On savait déjà depuis le congrès du PPE que leur candidat serait de nouveau Barroso. José Manuel Duraõ Barroso est depuis longtemps officiellement candidat à sa propre succession. Le quinquagénaire portugais, à la tête de la Commission Européenne depuis 2004, brigue un deuxième mandat : « Je suis honoré que le président du Conseil européen m’ait demandé aujourd’hui s’il pouvait présenter mon nom pour un second mandat », a déclaré l’ancien premier ministre conservateur portugais lors d’une conférence de presse avec le premier ministre tchèque, Jan Fischer, président en exercice du Conseil Européen.

Jan Fischer a précisé qu’il allait effectuer une tournée dans les capitales européennes pour obtenir un consensus autour de la candidature du portugais, avant le Conseil européen des 18 et 19 juin à Bruxelles. Les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE qui composent le Conseil européen doivent désigner le prochain président de la Commission à la majorité qualifiée.

Le président de la Commission, ancien Premier ministre du Portugal, a déjà obtenu l’appui de Nicolas Sarkozy, et de la chancelière allemande Angela Merkel, tous deux pressés de réaffirmer que le couple franco-allemand est sur la même longueur d’onde lorsqu’il s’agit des grands enjeux européens.

Les incertitudes sur le calendrier sont donc balayées par cette mise au point. Après avoir un temps cru que certains pays dont la France souhaitaient attendre l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne à la fin de l’année pour nommer le nouveau chef de l’exécutif européen, c’est bien cet été, et par conséquent sous le traité de Nice, que la nomination aura lieu.

Désignation à Nice, adoubement à Lisbonne ?

Avec le traité de Nice, le président de la Commission n’est pas l’émanation de la majorité qui siège au Parlement européen, mais il doit cependant être approuvé par un vote des nouveaux élus à Strasbourg. Ce vote devrait avoir lieu dans le courant du mois de juillet. Puis, une fois que tous les commissaires auront été choisis, c’est à nouveau devant le Parlement qu’ils devront obtenir un vote d’approbation, probablement à la fin de 2009, le temps que chaque Etat tranche entre ses potentiels candidats.

Mais que se passera-t-il si, entre temps, les irlandais votent oui au second référendum et que le traité de Lisbonne entre en vigueur ? Le Parlement pourrait-il réclamer son dû et censurer Barroso lors du second vote d’approbation collégial ? Même si juridiquement le flou règne, il est peu probable qu’une majorité puisse se constituer pour faire barrage à Barroso, et il serait a fortiori quasiment impossible qu’une coalition négative se transforme en une force de proposition capable de faire passer un autre candidat.

La gauche aura en effet du mal à imposer Poul Nyrup Rasmussen, ancien Premier Ministre Danois. Avec seulement 182 députés européens, depuis que le Parti Démocrate italien a annoncé qu’il quittait l’ADLE, le Parti Socialiste Européen devrait faire alliance avec d’autres formations pour avoir encore un espoir de changer le cours des choses. Or, le troisième groupe au Parlement Européen, l’ALDE, qui était composé des Démocrates et des Libéraux, sur lequel le PSE pourrait s’appuyer pour faire barrage, vient de se dissoudre, les libéraux étant majoritairement pour reconduire Barroso alors que les démocrates ont annoncé vouloir proposer une alternative. L’ADLE semble être la première victime de la constitution d’un front anti-Barroso.

Mais même si durant les cinq prochaines années il faudra compter avec le groupe des Verts, qui devient mathématiquement la troisième force politique du Parlement Européen, pour trouver un consensus sur les textes de lois, leurs 53 députés ne seraient pas suffisant pour faire passer un candidat alternatif à la Commission. En additionnant les 182 socialistes, les 32 députés de la gauche unitaire et les verts, on arriverait à peine au delà des 264 voix du PPE, qui de son côté pourrait récupérer quelques soutiens sur sa droite, au sein de la centaine d’élus souverainistes et europhobes.

La démocratie sans responsable, ça suffit !

Les mathématiques sont impuissantes à faire barrage à Barroso, sa reconduction semble inéluctable. Les électeurs ont envoyé une large majorité de députés de droite au Parlement européen, et la droite est au pouvoir dans 21 des 27 de l’Union. Que le président de la Commission soit de droite est donc absolument démocratique. Ce qui ne l’est pas, en revanche, c’est de reconduire dans ses fonctions un homme politique dont le bilan est aussi catastrophique : il a laissé l’image des institutions se détériorer encore, il a tant ménagé les sensibilités nationales qu’il en a oublié de prendre des initiatives d’envergures, il a été incapable de coordonner les réponses à la crise, avant de faire campagne pour sa reconduction plutôt que contre l’abstention.

Dans cinq ans, devant qui José Manuel Barroso sera-t-il responsable ?

Illustration :J.M. Barroso, 4e sommet entre l’UE et la République de Corée, 23/05/09 à Séoul

Source :Commission européenne, Service Audiovisuel

Vos commentaires
  • Le 13 juin 2009 à 15:48, par Maël Donoso En réponse à : Barroso l’irresponsable

    À ce sujet, une déclaration de Barroso rapportée sur Café Babel :

    « Je suis en faveur d’une Europe politique, mais contre une confrontation politique de partis en Europe. Si nous sommes une réalité supranationale, nous devons être des politiques au-dessus des partis. »

    Ce n’est certainement pas le candidat le plus adapté pour faire vivre un espace public européen...

  • Le 13 juin 2009 à 16:10, par Valéry-Xavier Lentz En réponse à : Barroso l’irresponsable

    L’Europe vit nécessairement en situation de cohabitation permanente puisque les gouvernements sont de bords différents. En outre le Parlement élu à la proportionnelle a besoin d’une culture du compromis pour avancer.

    Toutefois rien de cela n’implique que l’on ne doit pas avoir de débat partisan au niveau européen, bien au contraire. Même si la confrontation des idées s’y déroule de manière plus soft, il est indispensable qu’elle ait lieu et que l’élection du Parlement soit un moyen de faire vivre une véritable alternative même si celle-ci n’est pas nécessairement le « grand soir » auquel la culture politique française nous a malheureusement habitué.

    Au delà des aspects partisans le bilan de chacun est aussi à prendre en compte. Celui de Barroso est minable pour reprendre un mot à la mode. Il est donc indispensable d’explorer toutes les pistes pour lui trouver une alternative.

    Je ne peux donc qu’abonder dans le sens de ton commentaire et des auteurs de l’article.

  • Le 14 juin 2009 à 15:27, par Laurent Nicolas En réponse à : Barroso l’irresponsable

    Tout à fait d’accord sur ce point, évidemment. Il faut des débats contradictoires entre une gauche et une droite, ou entre conservateurs et libéraux ou entre n’importe quels noms on peut mettre sur les clivages qu’il y a au Parlement Européen.

    Dans l’apaisement des débats partisans, le risque c’est aussi de voir, au sein du Parlement Européen, que le clivage qui monte c’est celui entre pro-européen / eurosceptiques... et là encore, bonjour pour aller définir précisément ces deux catégories !

  • Le 15 juin 2009 à 20:19, par Joke En réponse à : Barroso l’irresponsable

    La plupart de ceux (mais probablement pas vous !) qui reprochent à l’Europe le fait que le président de la Commission ne soit responsable devant personne, sont ceux-là même qui refusent de donner plus de pouvoirs au Parlement - dont celui de « censurer » la Commission et son Président ! Nous sommes, nous, les responsables de cette situation.

  • Le 15 juin 2009 à 20:50, par Laurent Nicolas En réponse à : Barroso l’irresponsable

    Si le Président de la Commission était véritablement responsable devant le Conseil Européen, ce serait déjà ça. Si il l’était devant le Parlement, ce serait encore mieux.

    Renforcer les pouvoirs du Parlement, nous sommes pour. Le budget, la codécision pour les politique de sécurité, de défense ou de politique étrangère (etc.), seraient des vrais progrès.

    Mais je crois que ce qui peut faire progresser la démocratie des institutions européennes c’est peut être plus la progression de la majorité au Conseil des ministres.

Vos commentaires
modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?

Pour afficher votre trombine avec votre message, enregistrez-la d’abord sur gravatar.com (gratuit et indolore) et n’oubliez pas d’indiquer votre adresse e-mail ici.

Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Suivre les commentaires : RSS 2.0 | Atom